L’arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2024 (n° 23-14.706) publié au bulletin s’inscrit dans une jurisprudence constante visant à la protection juridique renforcée des salariées enceintes face aux licenciements illicites.
Pour la première fois à notre connaissance, elle consacre le droit à une réparation intégrale des préjudices subis, cumulant indemnités pour nullité du licenciement et salaires couvrant la période protégée.
En s’appuyant sur des dispositions nationales et européennes, cette décision marque un pas supplémentaire dans l’effectivité des droits des salariées et la lutte contre les discriminations liées à la grossesse, tout en rappelant la portée dissuasive de ce cadre juridique.
Cet arrêt doit être approuvé.
Analyse
La décision illustre l’articulation entre le droit national et le droit européen en matière de protection des salariées enceintes.
La Cour de cassation s’appuie sur la jurisprudence de la CJUE (notamment l’aff. C-407/14) ainsi que sur les directives européennes (92/85/CEE et 2006/54/CE) pour assurer le principe de l’égalité de traitement en garantissant une réparation intégrale, proportionnée et dissuasive en cas de licenciement discriminatoire.
De ces principes, elle en tire des conséquences financières pour l’employeur qui doit réparer intégralement le préjudice subi par la salariée soit par une réintégration, soit par une indemnisation adéquate.
Concernant notamment les indemnités obligatoires, la Cour de cassation énonce que la salariée a droit aux indemnités de rupture légales ou conventionnelles, et une indemnité d’au moins six mois de salaire, couvrant le préjudice résultant de la nullité du licenciement.
Cette indemnité, distincte des dommages et intérêts classiques, doit avoir un effet dissuasif contre les licenciements discriminatoires en application de l’article 18 de la directive 2006/54/CE.
Enfin, les salaires dus sont ceux qui couvrent l’intégralité de la période protégée par la nullité, y compris les congés payés afférents, indépendamment de la demande de réintégration.
Cette disposition vise à garantir une réparation intégrale des conséquences économiques du licenciement nul.
Ce cumul renforce ainsi l’effectivité du statut protecteur des salariées enceintes face aux discriminations directes liées au sexe, car le licenciement basé sur de tels motifs ne peut concerner que les femmes.
Au final, cette décision réaffirme l’objectif d’une protection renforcée des salariées contre les discriminations liées à la grossesse, en alignant le droit national sur les principes européens.
Elle rappelle également aux employeurs qu’un licenciement basé sur des motifs discriminatoires expose à des sanctions financières significatives et met l’accent sur l’importance d’une gestion respectueuse des droits des salariés.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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