C’est ce que vient de dire la Cour de cassation dans son arrêt, ultra ciselé, du 17 décembre 2014 (n°13-23176).
1) Les Faits : l’entraineur du SC Bastia employé pendant 17 ans en CDD demande une requalification en CDI
Monsieur X a été engagé le 1er février 1993 en qualité d'employé administratif par la société Sporting club de Bastia.
Ses bulletins de paie établis du 1er août 1995 au 30 juin 2001 portent la mention d'entraîneur alors que ceux établis entre le 1er juillet 2001 et le 30 juin 2004 indiquent la qualité de formateur.
Le salarié a signé un contrat de travail à durée déterminée pour la saison 2003/ 2004 pour exercer la fonction d'entraîneur BE1 de l'équipe de 16 ans nationaux. Il a été engagé le 20 septembre 2004 pour la saison 2004/ 2005 en qualité d'entraîneur adjoint équipe 1.
Le 26 août 2005 a été signé un contrat de moniteur BE1 pour la saison 2005-2006 en qualité d'adjoint équipe 1.
Durant la saison 2006/ 2007, le salarié a été entraîneur adjoint de l'équipe 1 ; qu'il a signé le 28 août 2008 un contrat d'entraîneur de l'équipe de 18 ans pour la saison 2008/ 2009.
Par avenant du 23 juin 2009 a été signé un contrat d'entraîneur-adjoint ligue 2 pour la saison 2009/ 2010.
Le contrat est venu à terme le 30 juin 2010.
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée et en paiement de diverses sommes.
Par arrêt du 19 juin 2013, le salarié a été débouté par la Cour d’Appel de Bastia. Il s’est pourvu en cassation.
2) La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Bastia qui avait validé les CDD successifs (pendant 17 ans) de l’entraineur de Bastia
Par arrêt du 17 décembre 2014 (n°13-23176), la Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’Appel de Bastia au visa des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail interprétés à la lumière des clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999.
La Cour de cassation relève que pour débouter le salarié de sa demande de requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée, l'arrêt retient que :
- le salarié n'a jamais occupé de fonctions de formateur ou d'employé administratif et que sur la totalité de ces contrats il a été employé en qualité d'entraîneur ;
- les différentes embauches ont été effectuées pour la durée d'une ou de deux saisons sportives ;
- les renouvellements du contrat d'entraîneur prévoient des motifs identiques ;
- ces contrats, en ce qu'ils ont été conclus pour une saison sportive, sont nécessairement tributaires, au regard de leur renouvellement, des résultats obtenus par l'équipe ;
- le contrat d'entraîneur implique, par sa nature, un résultat ou à tout le moins un objectif sportif pour l'équipe ;
- la fonction d'entraîneur est intrinsèquement associée aux résultats sportifs et aux nécessités de la compétition ;
- le salarié n'a toujours été investi que de fonctions sportives au sein du club et n'a pas occupé de fonctions de gestion ou d'organisations nécessairement liées à l'activité permanente du club ;
- sont donc caractérisés des éléments objectifs qui mettent en évidence le caractère par nature temporaire de l'emploi d'entraîneur exercé au sein du club.
Toutefois, la Cour de cassation ne suit pas le raisonnement de la Cour d’Appel de Bastia.
Dans une décision ultra ciselée, elle relève que :
- s'il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du code du travail que dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et
- que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié,
- l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999, qui a pour objet, en ses clauses 1 et 5, de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de contrats successifs est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.
La Cour de cassation ajoute « Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, par des motifs inopérants tirés de l'aléa sportif et du résultat des compétitions, sans vérifier si, compte tenu des diverses tâches occupées successivement par le salarié pendant dix-sept ans, comme entraîneur-adjoint de l'équipe 1, de l'équipe de ligue 2, mais aussi des équipes des 16 ans nationaux et des 18 ans, l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi », la cour d'appel de Bastia a privé sa décision de base légale.
Cet arrêt est publié au bulletin de la Cour de cassation ; il est dans la continuité de la jurisprudence de la cour de cassation sur le CDD d’usage.
Cette décision doit être approuvée. A cet égard, concernant le recours au CDD d’usage, la Cour de cassation s’assure que la Cour d’appel a vérifié que « l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par l'existence d'éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de cet emploi ». A défaut, la Cour de cassation censure les Cour d’Appel.
En l’occurrence, « l’aléa sportif et du résultat des compétitions » ne sauraient valablement justifier le recours au CDD d’usage.
L’affaire est renvoyée devant la Cour d’Appel d’Aix en Provence.
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour 4, rue Bayard 75008 Paris
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