Il résulte de l'article 73 du code de procédure pénale (CPP) que « Dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d'une peine d'emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l'auteur et le conduire devant l'officier de police judiciaire le plus proche. » Par ailleurs, « Lorsque la personne est présentée devant l'officier de police judiciaire, son placement en garde à vue, lorsque les conditions de cette mesure prévue par le présent code sont réunies, n'est pas obligatoire dès lors qu'elle n'est pas tenue sous la contrainte et demeure à la disposition des enquêteurs et qu'elle a été informée qu'elle peut à tout moment quitter les locaux de police ou de gendarmerie. Le présent alinéa n'est toutefois pas applicable si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l'officier de police judiciaire. »
L'alinéa 2 prévoit ainsi le régime de l'audition libre. Ce régime vient, suivants certaines conditions, se substituer à celui de la garde à vue.
D'autre part, l'article 62 alinéa 3 du CPP consacre la possibilité d'une audition libre pour les personnes soupçonnées d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction. Dans une telle hypothèse, le cadre de leur audition reste libre mais l'officier de police judiciaire est tenu de notifier les informations énumérées à l'article 61-1 du CPP, telles que : qualification, date et lieu de l'infraction; droit de quitter à tout moment les locaux; le cas échéant le droit d'être assisté d'un interprète; droit de faire des déclarations, répondre aux questions posées ou de se taire; droit d'être assisté d'un avocat.
Le cumul de ces deux textes laisse entrevoir le cadre de l'audition libre pour les personnes dites « suspectes ». La notification des droits étant un préalable indispensable. Mais dans quelle mesure?
En pratique la question s'est souvent posée de savoir s'il était nécessaire de notifier le droit de quitter les locaux dès lors que l'audition libre ne se déroulait pas au sein des locaux des forces de l'ordre. Dans un arrêt récent, Crim. 1er mars 2016 n° 14-87.368, la chambre criminelle de la Cour de Cassation est venue compléter sa jurisprudence. Elle a ainsi précisé que la personne entendue dans le cadre d'une audition libre n'a pas à être informée de son droit de quitter les locaux de police ou de gendarmerie si elle est entendue sur la voie publique. Cette position de bon sens permet également de freiner un contentieux devenu récurrent : le contentieux des nullités en matière d'auditions libres. En effet, désormais, aucune nullité ne peut-être alléguée devant la juridiction de jugement lorsque la notification du droit de quitter les locaux n'aura pas été faite pour une personne qui était entendue sur la voie publique.
En l'espèce, il s'agissait d'un contrôle routier opéré par la gendarmerie nationale qui révélait un dépassement de la vitesse limite autorisée de plus de 50 km/h, en état de récidive. Cette infraction constitue le délit de « grand excès de vitesse » en récidive, prévu par l'article L413-1 I du code de la route, lequel fait encourir une peine de 3 mois d'emprisonnement et 3.750€ d'amende.
Le conducteur du véhicule a donc été entendu librement sur la voie publique par l'officier de police judiciaire présent lors du contrôle, lequel lui a notifié les raisons pour lesquelles il était ainsi entendu, en omettant toutefois de lui notifier la possibilité de quitter les locaux à tout moment.
Dans son attendu de principe la chambre criminelle a ainsi énoncé que « pour écarter le moyen de nullité du procès-verbal du 29 septembre 2012, pris de l'absence de notification à M.X... des droits attachés à une audition libre, résultant des articles 62 et 78 du code de procédure pénale dans leurs versions alors applicables, son interpellation équivalant à une convocation par officier de police judiciaire, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que l'intéressé, qui a été informé de la nature et de la date de l'infraction, ne se trouvant pas dans les locaux de police ou de gendarmerie, mais sur la voie publique, lieu du contrôle routier, n'avait pas à être informé des droits prévus aux articles 62 et 78, alinéa 1er, précités, en particulier de son droit de quitter les lieux, au sens des réserves du Conseil constitutionnel. »
Si la Cour de Cassation s'est sentie contrainte de viser à la fois l'article 62 issu du chapitre sur les crimes et délits flagrants et de l'article 78 issu du chapitre sur l'enquête préliminaire pour justifier son raisonnement, alors même que la présente affaire relève exclusivement du régime de la flagrance; elle n'en a pas moins imposé sa conception de bon sens. Il n'y a pas lieu de notifier le droit de quitter les locaux à tout moment à une personne soupçonnée d'avoir commis ou tenté de commettre une infraction et entendue sous le régime de l'audition libre sur la voie publique.
Cette position qui intéresse au premier chef les délits routiers de ce type, trouvera également à s'appliquer en matière de délits maritimes relevés par les forces de l'ordre en flagrance. C'est le cas du délit de non assistance à personne en danger en mer; délit de fuite après accident causé par le bateau pour échapper à sa responsabilité civile ou pénale; refus d'assistance après abordage; inobservation des prescriptions relatives à la zone d'évolution et à la vitesse; pêche sous-marine en zone interdite; déplacement ou prélèvement de biens culturels maritimes sans autorisation etc.