Accident de moto, dépassement du motard et téléphone mobile du conducteur

Publié le 13/08/2019 Vu 2 001 fois 0
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Un motard effectue un dépassement de ligne pour doubler deux véhicules, il heurte le véhicule qui roulait en sens inverse, ledit conducteur tenant son téléphone mobile. Entre exclusion et partage de responsabilité

Un motard effectue un dépassement de ligne pour doubler deux véhicules, il heurte le véhicule qui roulait e

Accident de moto, dépassement du motard et téléphone mobile du conducteur

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d'Appel d'Aix en Provence en ce mois de janvier 2019 et qui vient aborder la problématique spécifique de la responsabilité du motard qui se retrouve accidenté alors qu’il est en train d’effectuer un dépassement.

Dans cette affaire, le 12 février 2012, Monsieur M âgé de 40 ans, alors qu’il conduisait sa moto a été victime d’un accident de la circulation impliquant un autre véhicule arrivant en sens inverse.

Suivant une première ordonnance de référé, un expert avait été désigné et avait déterminé les conséquences de l’accident.

Une expertise comptable avait également déterminé le montant des provisions qui pouvaient être demandées par le motard.

Pour autant, la demande de provision avait été rejetée en l’état des contestations sérieuses sur les créances de la victime et des conditions de l’accident.

Par acte du 25 juin 2015, Monsieur M a fait assigner la compagnie d’assurance adverse devant le Tribunal de Grande Instance de Marseille pour voir reconnaitre son droit à indemnisation, obtenir la désignation d’un expert, obtenir la somme provisionnelle de 50 000 euros à valoir sur l’indemnisation de son préjudice corporel et ce au contradictoire de la CPAM.

Le Tribunal de Grande Instance de Marseille a débouté Monsieur M de l’ensemble de ses demandes.

Le Tribunal rappelait notamment dans sa motivation que Monsieur M conduisait sa moto et effectuait le dépassement des deux véhicules qui le précédaient lorsqu’il a été percuté par un véhicule Peugeot 206, conduit par Monsieur L, qui a déclaré circuler à une vitesse approximative de 60 KM/H et qui a été surpris par la moto qui est arrivé en sens inverse et qui était en plein dépassement.

Il l’a donc percuté au niveau de son avant gauche.

La victime quant à elle, a déclaré qu’elle s’était déportée sur la voie inverse pour doubler les deux véhicules mais qu’elle a vu arriver en face le véhicule de Monsieur L qui avait un téléphone à l’oreille.

Par ailleurs, le motard, afin de justifier qu’il avait bien rejoint sa voie de circulation, produisait l’attestation d’un certain Mickael témoignant que la moto étant dans son sens de circulation et qu’il a été percuté au niveau du cale pieds par la voiture.

Pour autant, le Tribunal a écarté ce témoignage car il a constaté que l’auteur ne fournissait aucune précision sur sa position lors de l’accident et qu’il indiquait qu’il était arrivé immédiatement sur les lieux ce qui laisse à penser qu’il n’était pas présent au moment du choc.

Le tribunal a estimé que Monsieur M n’avait jamais signalé ce témoignage tant aux policiers que dans le cadre des deux procédures de référé de 2013 et 2015.

Tout laissait donc à penser que ce témoignage était un faux et il a été, il est vrai, particulièrement mal compris par le Tribunal.

Le Tribunal a retenu qu’il ressortait des propres déclarations du motard qu’il avait entamé le dépassement des deux véhicules alors même qu’un véhicule arrivait sur la voie opposée de telle sorte que la faute que le motard a commise était de nature à exclure tout droit à indemnisation.

C’est dans ces circonstances que Monsieur M a frappé d’appel cette décision.

Il était important de remettre en relief les conditions de l’accident pour clairement déterminer un partage de responsabilité dans le cadre de ce fameux dépassement.

Entre dépassement du motard et conducteur d’un véhicule avec un téléphone à l’oreille, la véritable question était de savoir s’il y avait eu exclusion ou partage de responsabilités.

Il convient de rappeler qu’aux termes des articles 1 et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation à droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis sauf s’il est prouvé qu’il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice.

La Cour d'Appel rappelle que la faute commise par le conducteur du véhicule accidenté a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation de ses propres dommages corporels.

Ceci dit, la Cour retient que les services enquêteurs ont constaté que les dégâts sur le véhicule de Monsieur L étaient situés sur le pare choc avant gauche, le pneu avant gauche était crevé et la jante gauche dégradée.

Sur la moto les enquêteurs ont constaté de multiples rayures du carénage, la fourchette dégradée, le guidon tordu et la selle arrachée.

De telle sorte que s’il est impossible de tirer de conclusions de l’état de la moto, en revanche celui du véhicule démontre bien qu’il a été heurté en sa partie gauche.

La Cour d'Appel retient des déclarations des deux conducteurs que celles-ci ne permettent pas de favoriser l’un ou l’autre des versions.

S’il est vrai que Monsieur M a produit aux débats un témoignage de Mickael, il n’en demeure pas moins que la Cour d'Appel considère que cette attestation ne permet pas d’assoir une décision car établie plus de quatre ans après l’accident.

Le seul témoignage objectif était celui de Madame X qui a déclaré qu’elle circulait sur la RD 96 quand elle a aperçu dans son rétroviseur extérieur gauche un motard entrain de doubler.

Lorsque l’arrière de la moto s’est trouvé à hauteur de son capot, elle a entendu un grand choc et a vu tout de suite le motard chuter.

Elle a cru au départ que le motard avait percuté sa voiture puis elle a compris qu’il s’agissait du véhicule dans l’autre sens.

Elle n’a pas été en mesure de dire si le motard qui effectuait le dépassement était sur sa voie ou sur la voie opposée au moment du choc.

La Cour retient de ce témoignage que Monsieur M avait procédé au dépassement de deux véhicules alors qu’un autre arrivait en sens inverse.

Il est tout aussi constant pour la Cour qu’il s’est déporté sur la voie inverse pour procéder au dépassement.

Du témoignage de Madame X, il s’en déduit que le motard n’avait pas terminé sa manœuvre de dépassement lorsque le choc a eu lieu.

Compte tenu de la proximité de la moto avec son véhicule, si la voiture de Monsieur L s’était déportée elle serait rentrée en collision avec celle de Madame X.

Pour la Cour d'Appel il ressort que Monsieur X a effectué un dépassement de deux véhicules sans s’assurer qu’il pouvait le faire sans danger,

Il a donc enfreint les dispositions de l’article R 414-4 du Code de la Route qui prévoit qu’avant de dépasser, tout conducteur doit s'assurer qu'il peut le faire sans danger.

Il ne peut entreprendre le dépassement d'un véhicule que s’il a la possibilité de reprendre sa place dans le courant normal de la circulation sans gêner celle-ci.

La Cour d'Appel considère que si le manquement à cette obligation a contribué à sa chute et son dommage, il n’en demeure pas moins que sa nature et sa gravité conduisent la Cour à réduire le droit d’indemnisation de 75%, la victime sera alors indemnisée à hauteur de 25%.

Cette jurisprudence est intéressante.

Elle démontre bien l’impact de l’interprétation factuelle de l’accident.

Cette jurisprudence est intéressante car les problématiques de santé générées par cet accident sont non négligeables.

En effet, le bilan médical initial faisait état d’une fracture du tiers moyen, tiers inférieur et transversal du fémur, de la face antérieure et postérieure du mollet, de la cheville ayant nécessité une intervention chirurgicale.

Par ailleurs, Monsieur M a subi une assez longue période de déficit temporaire du 17 février 2012 à la date de la consolidation, une perte de gains professionnels et il a eu besoin d’une assistance temporaire par tierce personne.

La question de l’exclusion ou du partage de responsabilité était alors primordiale pour permettre une indemnisation fut ce t’elle partielle du motard.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

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