Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en septembre dernier qui vient aborder la responsabilité civile de la banque qui a l’obligation de vérifier que le déposant est bien le bénéficiaire des chèques,
Cette jurisprudence aborde aussi la problématique de la clôture du compte à l’initiative de la banque, et ce, sans préavis.
Dans cette affaire, la banque avait consenti plusieurs prêts à Monsieur G, agent général d’assurances, et à son épouse, ainsi que des ouvertures de crédit.
Par un acte notarié du 7 juin 2010, ces derniers ont apporté à la SCI D, dont ils étaient porteurs de parts avec son épouse, un immeuble sur lequel ils avaient consenti à la banque une promesse d’hypothèque en garantie du remboursement de certains prêts.
Cependant, et par lettre du 24 avril 2012, la banque leur a notifié l’interruption de tous leurs concours en invoquant le comportement gravement répréhensible de Monsieur G, puis les a assignés en paiement.
La banque a également demandé que l’apport immobilier au sein de la SCI D, lui soit déclaré inopposable pour fraude paulienne.
Pour autant, dans le cadre de la procédure initiée par la banque, monsieur et Madame G ont, reconventionnellement, recherché la responsabilité de la banque.
Il convient de rappeler que l’article L. 313-12 du Code Monétaire et Financier précise que « Tout concours à durée indéterminée, autre qu'occasionnel, qu'un établissement de crédit ou une société de financement consent à une entreprise, ne peut être réduit ou interrompu que sur notification écrite et à l'expiration d'un délai de préavis fixé lors de l'octroi du concours.
Ce délai ne peut, sous peine de nullité de la rupture du concours, être inférieur à soixante jours.
L'établissement de crédit ou la société de financement n'est pas tenu de respecter un délai de préavis, que l'ouverture de crédit soit à durée indéterminée ou déterminée, en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise. »
Pour autant, dans le cadre de sa décision, la Cour de Cassation rappelle en tant que de besoin que Monsieur G a été définitivement condamné par le Tribunal Correctionnel pour abus de confiance à une lourde peine d'emprisonnement, suivant décision pénale en date du 16 avril 2015.
Cela n’empêchait pas Monsieur G soutenait qu'à la date du 24 avril 2012 aucun encaissement frauduleux de chèque n'était avéré, puisqu'il n'avait été cité devant le Tribunal Correctionnel qu'ultérieurement et que dans l'intervalle il était présumé innocent.
La Cour de Cassation ne s’y trompe pas et ne retient pas cette argumentation.
Il faut dire que l’approche peut sembler téméraire,
La haute juridiction rappelle que les faits litigieux avaient été commis entre le 28 décembre 2000 et le 12 avril 2012, de sorte que, lors de la dénonciation du 24 avril 2012 les faits étaient incontestablement commis.
En effet, l'intéressé encaissait sur ses comptes des chèques dont les clients étaient bénéficiaires, ce qui constitue rien de moins qu'un abus de confiance, lorsque les faits sont avérés, ce qui était le cas.
Ces malversations, justifiées par la production d'un certain nombre de chèques détournés, ce que retenait justement le tribunal correctionnel dans son jugement du 16 avril 2015 caractérisent indiscutablement un comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit.
Autorisant par là même la banque à mettre fin à l'ensemble des concours financiers sans respect d'aucun préavis, et sans que cette dénonciation ne soit de ce fait entachée d'une quelconque nullité.
Pour autant, nonobstant les faits pénalement répréhensibles de Monsieur G, n’y avait-il pas matière à engager la responsabilité de la banque ?
En effet, il convient de rappeler que la banque présentatrice chargée d'encaisser un chèque doit s'assurer de l'identité du déposant.
La Banque se doit de vérifier qu'il en est bien le bénéficiaire.
La Cour de cassation reproche à la Cour d’appel d’avoir focalisé son attention sur Monsieur G, par son comportement gravement répréhensible dans la mesure où il avait encaissé sur ses comptes des chèques dont les bénéficiaires étaient ses clients,
Pour autant, il appartenait à la Cour de répondre à l’argumentation de Monsieur X et de rechercher, comme elle y était invitée, si la banque n'avait pas elle-même manqué à ses obligations en s'abstenant de vérifier que le déposant était bien le bénéficiaire des chèques litigieux.
Car justement tel était le cas.
Cette jurisprudence est intéressante à bien des égards,
D’abord, cette jurisprudence rappelle que l'éventuel manquement de l'établissement de crédit à son obligation de vérifier que le déposant était le bénéficiaire des chèques ne le prive pas de la faculté, qu'il tient de l'article L. 313-12 du code monétaire et financier, de rompre sans préavis les concours accordés en cas de comportement gravement répréhensible du bénéficiaire du crédit ou au cas où la situation de ce dernier s'avérerait irrémédiablement compromise.
Surtout, elle confirme aussi que la banque engage sa responsabilité lorsque celle-ci ne vérifie pas l’identité du déposant du chèque qu’elle encaisse.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,