Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la chambre commerciale de la Cour de Cassation en date du 25 octobre 2011 n°10-21.383. Dans cette affaire, une personne s’était portée caution d’une S.C.I., Société Civile Immobilière, qui avait sollicité des emprunts bancaires auprès d’un établissement financier. A la suite de la défaillance de la S.C.I., le bénéficiaire du cautionnement, l’établissement bancaire, s’est retourné contre la caution, afin que celle-ci paye la créance de la S.C.I. Entre temps, la S.C.I. fait l’objet d’un redressement judiciaire puis d’une liquidation judiciaire et la banque déclare au passif de la procédure collective de la S.C.I. en question. Parallèlement à cela, la banque actionne en paiement la caution, afin que celle-ci paye la créance bancaire objet du prêt. La caution est active au sein de la S.C.I. en liquidation judiciaire et conteste la déclaration de créance qui a été faite. Elle s’aperçoit qu’au sein de la procédure collective la banque a omis de faire figurer dans sa déclaration de créances le montant prévisionnel des intérêts qui ont vocation à courir postérieurement le prononcé de la liquidation judiciaire et qui constitue l’accessoire de la dette principale, à savoir le prêt. La caution poursuivie en paiement considère que l’établissement de crédit est fautif car il lui a fait perdre son recours subrogatoire quant à ses intérêts postérieurs. Elle décide, alors même qu’elle a été condamnée au paiement de cette créance, d’assigner la banque en paiement de dommages et intérêts. Selon le garant, la somme qui est appelée à lui verser la banque, doit se compenser avec la dette issue de son cautionnement.
L’idée de la caution est extrêmement simple ; celle-ci poursuivie en paiement pour un montant de X,tend à opposer une autre action contre la banque afin de la condamner à un autre montant, et les deux montants ayant vocation à se compenser, la créance baisserait d’autant. Toutefois, cela impose à la caution, qui avait déjà été condamnée au paiement, d’engager une deuxième action, celle-ci visant à engager la responsabilité de la banque. La caution considère pour sa part « que la demande en paiement d’une banque contre la caution en prononçant la déchéance de son droit aux intérêts conventionnels, échus depuis la date où l’information de la caution aurait du être fournie, n’a pas autorité de se juger sur une action en responsabilité contre la banque, fondée sur la perte du recours subrogatoire de la caution pour le montant des intérêts échus, postérieurement à l’ouverture de la procédure collective à l’encontre du débiteur principal ». La phrase est un peu longue et peut paraître certes complexe mais elle met en évidence des choses extrêmement simples. A savoir que, dans l’hypothèse où la caution serait condamnée au paiement, aux lieux et places de la S.C.I.,la banque ne va pas forcément attendre le déroulement de la procédure collective – qui peut durer un temps certain, selon le nombre de créanciers, selon le nombre d’obstacles à la procédure et selon la durée de réalisation des actifs – laquelle n’est plus sous la maîtrise de la banque mais bel et bien du mandataire liquidateur. Dès lors, la banque, pour gagner du temps, n’hésite pas à se retourner, au titre du principe de solidarité existant entre le débiteur principal et la caution, pour immédiatement engager des actions contre la caution afin de se faire payer. La caution ayant payé, celle-ci a naturellement le droit de se retourner contre la S.C.I., soit en déclarant une créance en parallèle de celle de la banque, soit en se subrogeant tout simplement aux droits de la banque en venant en ses lieux et places et en la remplaçant sur l’état du passif. Dès lors, l’idée de la caution est de préciser que, la créance n’ayant pas été admise au passif pour l’intégralité des intérêts qui ont vocation à courir jusqu’au parfait paiement, il serait parfaitement injuste que la caution les paye et ne puisse pas les obtenir par la suite au passif de la procédure collective. A cette fin, la caution argue que la Cour d’Appel, qui avait rejeté sa demande, n’avait pas recherché si la caution pouvait savoir lors de la première instance que la banque avait omis de faire figurer les intérêts dans sa déclaration de créance au passif du débiteur principal. Tout laisse à penser que nous sommes en présence d’un élément nouveau, car, lorsque la caution est poursuivie par la banque, la banque est diligente et actionne en général très rapidement après le prononcé de la liquidation judiciaire de telle sorte que la caution n’est pas forcément à même de connaître la teneur de la déclaration de créance, ni même la teneur de l’admission de la créance au passif de la procédure collective de la S.C.I.
Toutefois, la chambre commerciale de la Cour de Cassation n’adhère pas à la théorie développée par la caution et rejette sa demande au motif pris « qu’il appartenait à la caution défenderesse à l’action du paiement, de prononcer dès l’instance initiale l’ensemble des moyens qu’elle estimait de nature à justifier le rejet total ou partiel de la demande ; qu’ayant relevé que l’arrêt du 11 février 2005 avait retenu le principe de la condamnation de la caution, prononcé la déchéance des intérêts conventionnels et condamné la caution à payer à la banque la somme de 1 142 883,22 €,majorée des intérêts au taux légal à compter du 27 juin 1994, puis retenu que la question du paiement des intérêts tant conventionnels qu’au taux légal avait été définitivement tranchée par l’arrêt du 11 février 2005 et que sous le couvert d’une demande en paiement de dommages et intérêts en compensation, l’action de la caution ne tendait qu’à remettre en cause par un moyen nouveau la condamnation irrévocablement prononcée, la Cour d’Appel en a exactement déduit que la demande se heurtait à l’autorité de la chose jugée, attachée à l’arrêt irrévocable du 11 février 2005. Par ailleurs, la Cour observe également que, par motif adopté, l’arrêt révèle que la caution avait la possibilité de faire valoir ses droits auprès du juge commissaire statuant sur l’admission de la créance,qu’elle a été reçue par le juge commissaire et qu’elle n’a pas exercé de recours, faisant ainsi ressortir que celle-ci pouvait, dès la première instance,présenter le moyen invoqué à l’appui de son action. »
Cette jurisprudence est sévère car elle empêche la caution, qui est pourtant poursuivie en paiement et qui n’est pas forcément en mesure de maîtriser l’intégralité des tenants et aboutissants d’une procédure collective de la S.C.I., l’emprunteur principal pour lequel il s’est engagé, de telle sorte que ceux-ci se voient fermer un nouveau moyen de contestation.En effet, dans la mesure où un arrêt a définitivement condamné une caution et s’est prononcé à cette occasion sur la question du paiement des intérêts, aussi bien légaux que conventionnels, la caution ne saurait remettre en cause cette condamnation sous couvert d’une demande en paiement de dommages et intérêts et en compensation. Au titre du principe de concentration des moyens, la Cour de Cassation vient limiter les actions successives que pourrait envisager la caution.
Dès lors, les conséquences sont alors, à mon sens, directes et immédiates puisqu’il appartient bien à la caution d’une S.C.I., dès le début de la procédure, dès le début des premiers impayés, d’être particulièrement active et de suivre de prêt la procédure collective. Il lui appartient également, car elle en a tout à fait la possibilité, soit en faisant une tierce opposition, soit en faisant une réclamation sur l’état des créances, soit même en se désignant contrôleur, de suivre avec attention la vérification des créances afin de pouvoir procéder à toutes les contestations d’usage concernant ces créances. Il n’est effectivement pas rare que la créance soit contestée au sein de la procédure collective et que ces contestations permettent de mettre en exergue un certain nombre d’erreurs, tant sur la déclaration proprement dite, que sur les décomptes fournis par la banque sur le calcul de la créance, et également que sur les intérêts ou le T.E.G. du prêt. Il serait effectivement dommage que, d’un côté, la procédure collective vienne contester, malmener cette créance bancaire et que, de l’autre côté, la caution ne puisse pas en bénéficier. Dès lors, on ne peut qu’inviter naturellement la caution à suivre de prêt le déroulement de la procédure collective, à prendre le soin d’analyser toutes les conséquences juridiques de telle ou telle décision en son sein, et surtout de ne pas manquer dès le début de la procédure de soulever tous les moyens de droit permettant de contester la créance.
Ceux-ci sont nombreux ; la créance bancaire contre une caution peut être contestée au titre d’obligation d’information de la caution, d’obligation de mise en garde ou bien encore la responsabilité pour avoir octroyé un crédit à un concours ou un cautionnement disproportionné. La caution peut en outre contester les décomptes du prêt, les modalités de calcul, ainsi que les intérêts conventionnels du prêt, qu’il s’agisse d’intérêts conventionnels antérieurs au prononcé de l’ouverture de la liquidation judiciaire ou d’intérêts conventionnels postérieurs. Nombreuses discussions se font jour sur le calcul des intérêts du prêt et, comme un chacun sait, celui-ci représente des sommes extrêmement importantes, de telle sorte qu’il y a matière à n’omettre aucun moyen de contestation, soit de réduire ou anéantir l’engagement de la caution, soit, à tout le moins, de réduire tout montant pour lequel elle pourrait être tenue au paiement.