Il convient de s’intéresser aux modalités relatives à la cession totale ou partielle d’un fonds libéral d’infirmier qui se développe de plus en plus et qui peut être justement sujet à contentieux.
La cession d’un fonds libéral d’infirmier
Il convient de rappeler qu’en vertu de l’article R4312-73 du Code de la santé publique, tout contrat ou avenant ayant pour objet l’exercice de la profession d’infirmier est établi par écrit, toute association ou société à objet professionnel fait l’objet d’un contrat écrit, ces contrats doivent respecter l’indépendance de chaque infirmier.
Ainsi, la cession de clientèle civile peut se faire sous forme d’acte sous seing privé dans lequel l’avocat peut naturellement faciliter la réalisation des démarches aussi bien pour la rédaction de l’acte en lui-même que des formalités obligatoires d’enregistrement auprès de l’administration fiscale.
Étant rappelé qu’il convient de transmettre l’acte également signé au conseil Départemental de l’Ordre des infirmiers.
La cession totale ou partielle du fonds libéral comprendra bien sûr l’identification des parties, que l’infirmier soit personne physique ou bien personne morale,
Dans les deux cas, il sera important que votre numéro ordinal et votre numéro ADELI apparaissent bien clairement.
Il conviendra de définir le fonds libéral cédé, soit, le fonds libéral a été créé par l’infirmier qui est en train de le céder, soit, le fonds libéral a été lui-même acquis par le cédant et il conviendra de viser l’acte précédent.
Cession d’un fonds libéral d’infirmier créé ou acquis
Il faudra à ce moment-là ne pas oublier de viser et de dissocier les éléments incorporels et corporels du fond, s’entendent par les éléments incorporels la patientèle ainsi que, au besoin, le pourcentage de patientèle en cas de vente partielle à laquelle le cédant dispense des soins à la date de la cession, sous réserves bien sûr de rappeler que le patient a le droit de choisir librement son infirmier libéral, ce que nous appelions avant un simple droit de présentation de patientèle.
Les éléments incorporels du fond libéral d’infirmier
Dans l’hypothèse d’une cession totale, la cession peut également s’accompagner d’autres éléments corporels tel que le droit pour le temps qu’il reste à courir au bail portant sur les locaux ou le fonds vendu est exploité, le droit au numéro de téléphone du cabinet ainsi que le droit au numéro de télécopies, mais également de sites internet ainsi que de droit d’accéder à l’ensemble des informations utiles pour assurer la continuité des soins auprès de la patientèle cédée et notamment l’ensemble des informations concernant les patients.
Les éléments corporels du fond libéral d’infirmier
Il faut également préciser les éléments corporels, en cas de cession totale, le cédant va céder l’ensemble des éléments corporels du cabinet lui appartenant, comprenant toute l’installation professionnelle ainsi que le mobilier professionnel et meublant faisant l’objet d’un inventaire contradictoirement dressé par les parties qu’il faudra annexer à l’acte.
Le cédant devra également céder l’ensemble des dossiers des soins infirmiers, fichiers et tous les documents confidentiels concernant la patientèle cédée.
Étant rappelé, aux visas des articles L1110-8 et R4312-74 du Code de la santé publique, qu’il faudra préciser la réserve de droit qu’a le patient de choisir librement son praticien.
La liberté du patient de choisir librement son praticien
Et enfin, il conviendra de rappeler les obligations liées au secret professionnel de l’infirmier tel que rappelé aux dispositions des articles L1110-4 et R4312-5 du Code de la santé publique.
En cas de cession partielle, seuls les éléments incorporels et corporels relatifs à la partie de la patientèle seront concernés, il faudra à ce moment-là que l’acte précise clairement le pourcentage de clientèle cédée dans le corps du contrat afin d’éviter tout litige par la suite quant au suivi des contrats entre les différents infirmiers libéraux.
En effet, dans l’hypothèse d’un exercice en commun avec plusieurs infirmiers, il est extrêmement utile de préciser le pourcentage que la patientèle cédée représente au regard de l’ensemble de la patientèle des infirmiers exerçant en commun ce qui évitera par la suite tout litige.
Le droit au bail de l’infirmier
Il faudra également préciser la nature et l’énonciation du droit au bail, s’agit-il d’un bail commercial, à mon sens, plutôt professionnel, dans lequel il conviendra de rappeler l’ensemble des dispositions de rigueur, à savoir, le point de départ de la durée de ce bail, la durée du bail, la date à laquelle il a commencé, la date à laquelle il a vocation à se terminer.
Il doit préciser la surface, nombre de pièces, salle d’attente, salle de soin, le montant du loyer annuel payable d’avance à termes échus, les modalités de la révision et il importe de préciser également si un dépôt de garantie a été versé et si le cessionnaire doit rembourser le cédant dudit dépôt de garantie.
Le cédant étant quand même tenu de déclarer qu’il n’existe aucune procédure ni difficulté avec le propriétaire des lieux loués, de telle sorte que le bail est bien en cours et qu’aucun impayé n’existe et que le bail a été entièrement exécuté.
Il est assez fréquent de faire venir le bailleur à l’acte puisque bien souvent, en cas de cession de droit au bail incorporé de la vente d’un fonds libéral d’infirmier, le bail peut prévoir l’intervention du bailleur qui peut consentir la cession du droit au bail ou dispenser expressément qui lui soit fait la notification prévue par l’article 1190 du Code civil.
Il importe de préciser également dans l’acte quelle date le cessionnaire aura la propriété et la jouissance du fonds libéral avec une date d’entrée dans les lieux.
En effet, l’entrée en jouissance des cessionnaires correspond à la prise de possession réelle et effective du fonds et dans l’hypothèse d’une cession partielle portant uniquement sur la patientèle, cette entrée en jouissance doit être également fixée par les parties et peut aussi coïncider avec la date de conclusion d’un contrat d’exercice en commun entre le cédant et le cessionnaire.
La délivrance du fonds libéral d’infirmier
Il convient de rappeler que le cédant s’oblige à la délivrance du fonds libéral cédé malgré la clause récurrente d’engagement pris par le cessionnaire de prendre le fonds dans l’état où il se trouve et sans garantie de la part du cédant, celui-ci ne saurait être exonéré des défauts cachés conformément à l’article 1641 du Code civil, sauf à ce qu’il en est effectivement eu connaissance le jour du transfert de propriété.
Il convient de rappeler que le cédant n’est pas non plus exonéré de la garantie d’éviction si l’éviction résulte de sa faute ou de sa fraude.
L’interdiction de récupération de la patientèle cédée
Et, bien sûr, obligation importante du cédant, ce dernier se voit interdire, après la signature du contrat et la prise de possession des lieux par le cessionnaire, de réaliser toute démarche visant à la récupération de tout ou partie de sa patientèle attachée au fonds cédé.
Il faut également faire un point des contrats en cours qui se poursuivront, cela sous-tend le contrat de travail mais également les contrats de collaboration libérale et enfin, en cas de cession partielle, le cessionnaire s’engagera à ce moment-là à conclure un contrat d’exercice en commun avec au besoin un partage de frais et d’honoraires avec le cédant et/ou tout autre infirmier exerçant dans le cabinet avec lequel le cédant a déjà un exercice en commun.
Le sort des salariés
Pour les salariés, il importe de rappeler que l’article 1224-1 du Code du travail implique que la cession totale du fonds libéral emporte le transfert au cessionnaire des contrats de travail conclu par le cédant.
En effet, l’article précise que lorsqu’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
C’est donc le cessionnaire qui assumera les conséquences économiques des éventuelles démissions, départs en retraite, licenciements du personnel, ruptures conventionnelles, qui pourraient intervenir postérieurement à l’entrée en vigueur de la cession.
Dans l’hypothèse où le cédant est déjà lié à d’autres infirmiers dans le cadre de l’exercice en commun, il est important que celui-ci déclare et reconnaisse expressément que les autres infirmiers ont expressément approuvés la présente cession ainsi que l’intégration du cessionnaire dans le cadre de l’exercice en commun de leur profession d’infirmier.
Si inversement la cession est totale, il appartient au cessionnaire de s’engager à conclure un contrat d’exercice en commun avec partage de frais et d’honoraires avec les infirmiers exerçant dans le cabinet cédé.
Quelles sont les obligations du cédant ?
Le cédant a un certain nombre d’obligations.
Premièrement, celui d’informations et de présentations de la clientèle.
En effet, le cédant s’engage de manière loyale à présenter au cessionnaire du fonds libéral cédé comme son successeur ou son associé pendant une durée déterminée dans le contrat et il doit également mettre à disposition du cessionnaire l’ensemble des éléments administratifs et techniques pour lui permettre d’assurer la continuité des soins auprès de la patientèle cédée, dans le respect des dispositions applicables en matière de secret professionnel et de confidentialité des informations de santé.
Ainsi, le cédant est tenu à une obligation d’information du cessionnaire sur le fonctionnement du cabinet et surtout, le cédant peut être tenu à une clause de non-rétablissement.
La clause de de non rétablissement
Cette clause de non-rétablissement peut être prévue dans le contrat lorsque la cession est totale, le cédant s’interdisant formellement de se rétablir à titre individuel ou d’exercer comme associé dans un cabinet, salarié d’un centre de santé, et plus largement exerçant dans toute structure de santé dans laquelle il pourrait entrer en concurrence directe avec le cessionnaire ou détourner une partie de la clientèle du fonds expressément cédé.
Et ce, sur une période donnée en termes d’année et en devant immanquablement déterminer un périmètre, soit, kilométrique, soit, de commune, de quartier, d’arrondissement…
La clause de non-réinstallation
Ainsi, il n’est pas rare d’ailleurs dans certain contrat de cession totale ou partielle de fonds libéral d’infirmier qu’en sus de la clause de non-réinstallation soit également rappelé dans une clause une interdiction de concurrence déloyale, de démarchage et de détournement de patientèle comme le rappelle l’article R4312-82 du Code de la santé publique qui rappelle en tant que de besoin que « Tout procédé de concurrence déloyale et notamment tout détournement de clientèle sont interdits à l’infirmier ou l’infirmière. »
L’interdiction de concurrence déloyale
Enfin, il y aura bien sûr l’article le plus important relatif au montant de la cession, ce montant de cession doit être précisé en chiffre et en lettre et doit ensuite être ventilé par rapport aux différents éléments composant le fonds vendu, à savoir, une partie pour les éléments incorporels dans leur ensemble, et une autre partie pour les éléments corporels, mobiliers, matériels, agencements.
Il faudra ensuite quittancer le paiement de cette cession en indiquant dans quelles conditions celle-ci est payée.
La valorisation du fonds libéral d’infirmier cédé
Il est toujours difficile, car bon nombre d’infirmier se pose la question, de déterminer avec exactitude la règle de calcul permettant la revalorisation financière du fonds cédé car chaque cession peut être cédée à chaque bassin particulier et spécifique.
Cependant, les critères classiques de valorisation sont bien souvent les suivant, à savoir :
- Contexte géographique,
- Contexte concurrentiel,
- Chiffres d’affaires des trois derniers exercices,
- L’état du territoire en termes de planification hospitalière,
- La proximité des établissements de santé, de SSIAD, de centre de soin infirmier,
- Fonctionnement dans le cadre d’un groupe, d’un exercice en commun qui peut être attractif compte tenu de la mutualisation des moyens,
- La spécificité d’une certaine partie de clientèle cédée.
Les informations ordinales des infirmiers
Enfin, bien sûr des déclarations de rigueur seront nécessaires, tant pour le cédant que pour le cessionnaire concernant l’activité professionnelle avec les informations relatives à leur inscription au tableau de l’Ordre et doivent être annexés également à l’acte le diplôme d’État d’infirmier ou tout titre reconnu équivalent, les attestations d’inscription au tableau de l’Ordre des infirmiers et enfin les cartes de professionnel de santé des parties.
Par la suite enfin, les parties devront procéder à l’enregistrement de l’acte, bien souvent c’est l’intervenant en charge de rédaction de l’acte qui s’occupe légalement des formalités.
Rappelant que l’enregistrement du contrat de cession totale ou partielle de fonds libéral d’infirmier est assujetti à des droits d’enregistrement qu’il conviendra de calculer.
Que faire en cas de litige entre infirmiers ?
Enfin, en cas de litige, le contrat de cession doit préciser qu’en cas de difficulté soulevée soit par l’interprétation de la résiliation du présent contrat, les parties s’engagent préalablement à toute action contentieuse ou disciplinaire à soumettre leurs différents à un arbitre librement choisi par elles qui peut être le conseil Départemental de l’Ordre des infirmiers, celui-ci s’efforcera de concilier les parties et les amener à une solution amiable dans un délai maximum de deux mois à compter de la saisine.
A défaut une action judiciaire est évidemment possible, afin d’envisager la résiliation judiciaire de la vente aux torts exclusifs de l’un des infirmiers,
Bien sûr et pour finir, conformément aux dispositions de l’article L4113-9 du Code de la santé publique, le contrat de cession totale ou partielle de fonds libéral d’infirmier doit être communiqué par chacune des parties au conseil Départemental de l’Ordre des infirmiers du tableau duquel elles sont inscrites dans un délai d’un mois à compter de la signature.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit,