Il convient de s’intéresser à un arrêt de la Cour de cassation qui a été rendu le 28 novembre 2012 et qui précise que les crédits immobiliers consentis aux consommateurs par des organismes de crédit, et donc les banques, constituent des services financiers fournis par des professionnels. Par voie de conséquence, l’action de ceux-ci pour de tels crédits se prescrit par deux ans en application de l’article L137-2 du Code de la consommation.
Cela signifie que passé un délai de deux après le premier impayé, ou après la déchéance du terme (selon le cas), l’établissement bancaire ne serait plus en mesure de poursuivre l’emprunteur malheureux.
Cette jurisprudence mérite d’être saluée en ce qu’elle est profitable aux consommateurs ainsi qu’aux professions libérales et artisans dans certains cas ou bien encore aux SCI, permet de stopper les diligences tardives de la banque.
Cette prescription biennale a vocation à être opposée à l’établissement bancaire dans le cadre d’une action en paiement, d’une saisie immobilière ou bien encore dans le cadre d’une contestation de créance au sein d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.
Pour les autres, commerçants et sociétés, il apparait que si ces dernières ne peuvent invoquer la prescription biennale, il leur est toujours possible d’aller reprocher la passivité de la banque sur le terrain de la responsabilité.
Cette décision est extrêmement encourageant en ce qu’elle vient sanctionner le mutisme de la banque, dont chacun sait que le temps qui s’écoule, générateur d’intérêts importants, lui est nécessairement profitable.
Il convient de rappeler que, suivant la Loi du 17 juin 2008, la question de la prescription des actions civiles a été profondément modifiée.
L’article L 137-2 du Code du commerce, précise que « L’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. »
Il y a donc bel et bien un abrègement spécifique prévu par le Code de la Consommation de la durée de la prescription entre professionnels et consommateurs.
Cela s’applique également au crédit, qui est règlementé par ledit code, outre celui règlementé par le Code Monétaire et Financier.
Par voie de conséquence, il y a lieu de considérer que la forclusion biennale prévue par les présentes dispositions est opposable à la Banque de La Réunion, puisque le crédit immobilier dont il s’agit est réglementé par le Code de la Consommation.
A ce titre, il convient de rappeler qu’une réponse ministérielle apporte des précisions à ce sujet, puisque par question n°41018, Monsieur HAVARD Michel, député du Rhône, appelait l’attention de Madame le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, sur la nécessité de préciser dans l’article L 137-2 du Code de la Consommation, issu de la Loi du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, ce que recouvre le terme de services utilisé dans cet article.
Ce dernier dispose en effet que l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans. Il lui demande de bien vouloir lui préciser si les services mentionnés dans cet article L 137-2 intègrent les crédits immobiliers aux particuliers, ce qui aurait des conséquentes importantes et conduiraient à leur faire passer le délai de prescription applicable à ce type de crédit de cinq à deux ans.
Dans sa réponse ministérielle, publiée au Journal Officiel, Assemblée Nationale, 21 avril 2009, page 3875, la réponse donnée est la suivante : « Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, fait connaître à l’honorable parlementaire qu’aux termes de l’article L 137-2 du Code de la Consommation, issu de la Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. Sous réserve de l’interprétation souveraine des juridictions, cet article, qui conclut le titre III du livre 1er du Code de la Consommation, intitulé Informations des consommateurs et formation des contrats, a une portée générale. Ainsi, en l’absence de disposition spéciale relative à la prescription de l’action des professionnels en matière de crédit immobilier, cet article a vocation à s’appliquer à celle-ci. »
Dès lors, il y avait tout lieu de considérer que l’article L 137-2 du Code de la Consommation s’applique à tous les contrats de prêt, qui incluent aussi bien le crédit et par là même le crédit immobilier.
De nombreuses cours d’appel consacrent effectivement la vigueur de la forclusion biennale à travers un certain nombre de décisions, qui ont d’ailleurs des motivations parfois différentes. Ainsi la Cour d’Appel de Douai, Chambre civile, section III, a rendu une décision le 30 juin 2011 (rôle général n° 11/01396), dans laquelle elle édicte : « Attendu que, selon l’article L 137-2 du Code de la Consommation, l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans, que les parties ne discutent pas que ce texte soit applicable en l’espèce ».
Par ailleurs, la Cour d’Appel de Poitiers, le 25 novembre 2011, Première Chambre civile, rôle général 11/03164 constate que les parties conviennent que l’article L-110.4 du Code du Commerce, dans sa rédaction au jour de la signature de l’acte identique, énonçait une prescription de dix ans, mais retient que ce délai de prescription a été modifié par la Loi du
17 juin 2008, qui non seulement a réduit à cinq ans le délai de l’article L-110.4 du Code du Commerce, mais aussi créé l’article L 137-2 du Code de la Consommation.
Elle rappelle qu’au terme de cet article « l’action des professionnels pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans ». La Cour termine son raisonnement en précisant qu’il se déduit de la Loi du 17 juin 2008, qu’immédiatement et dès son entrée en vigueur, elle a réduit à deux ans le délai de prescription applicable au crédit immobilier.
La Cour d’Appel de Saint-Denis de La Réunion, le 11 décembre 2011, par un arrêt de Chambre civile, rôle général 11/00911 affirme « l’action engagée par la banque, qui est un professionnel du crédit, pour recouvrer une créance de prêt, lequel constitue un service fournie à un particulier consommateur doit être considéré comme soumise à la prescription de l’article L 137-2 du Code de la Consommation ».
Un autre arrêt de la Cour d’Appel de Montpellier, Première chambre, section B, en date du 29 février 2012, rôle général 11/00207 affirme à nouveau que « les prêts immobiliers sont désormais soumis à la prescription biennale, instituée par la Loi du 17 juin 2008. Par voie de conséquence, il y a tout lieu d’appliquer la prescription biennale prévue par l’article L 137-2 du Code de la Consommation, ceci d’autant plus que l’article 2223 du Code Civil dispose que les dispositions du présent titre, (titre 20 de la prescription instinctive), ne font pas obstacle à l’application de règles spéciales prévues par d’autres lois. »
En d’autres termes, la prescription quinquennale de droit commun, même si le Code Civil lui-même prévoit des prescriptions plus courtes, n’empêche pas d’autres lois de prévoir des prescriptions différentes.
Il y a lieu de citer la Cour d’Appel de Rouen, en date du 6 septembre 2012, Chambre de Proximité, n° 11/03976, qui précise que « L’article L 137-2 du Code de la Consommation dispose que l’action des professionnels pour les pour les biens et services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans. L’action en recouvrement d’une créance résultant d’un prêt immobilier est soumise à la prescription biennale de l’article L 137-2 du Code de la Consommation. Le crédit immobilier, constituant un bien ou un service rendu par un établissement de crédit professionnel à un consommateur, conformément à l’article 2222 du Code Civil, le nouveau délai de prescription de deux ans remplaçant le délai antérieur de dix ans, court du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, soit le 19 juin 2008. L’action en paiement, ayant été engagée le 22 juillet 2010, doit être déclarée irrecevable, la prescription biennale étant acquise. »
Ainsi, cette jurisprudence qui mérite d’être saluée en ce qu’elle est profitable aux consommateurs ainsi qu’aux artisans, entrepreneurs ou bien encore aux SCI, permet de stopper les diligences tardives de la banque.
Pour les autres, commerçants et sociétés, il apparait que si ces dernières ne peuvent invoquer la prescription biennale, il leur est toujours possible d’aller reprocher la passivité de la banque sur le terrain de la responsabilité.
En effet, la jurisprudence considère à ce titre que la banque procèderait alors par voie de « barratage financier », encore appelé « churning » ou « moulinette ».
Cette pratique est sanctionnée par la jurisprudence, TGI NIORT, 9 janvier 2006, n°RG : 2004/01560
Cette pratique a également été sanctionnée par la doctrine : R. Routier, « Multiplication des frais et commissions de banque : vers la reconnaissance de l’abus et d’un « barratage passif », D. 2006, chron 985 ; et L. LATAPIE, Thèse sur le « soutien bancaire d’une entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 », n°75, p. 48.
Enfin, la jurisprudence a également considérée que la banque était fautive pour avoir attendu plus de 6 ans avant d’adresser sa première mise en demeure, et que, pendant treize ans, elle a « laissé le compte engendrer un découvert générateur d’agios importants sans réellement mettre en uvre les moyens de coercition qui s’offraient à elle pour (obtenir) un remboursement efficace », CA ORLEANS, ch. Civ. 1, 11 février 2008, n°RG 06/02802.
Ainsi, la banque, qui doit faire preuve de diligence, ne peut plus tirer profit du temps qui passe et des intérêts générés, en « omettant » ou en tardant d’actionner l’emprunteur en paiement,