Il convient de s’intéresser à plusieurs jurisprudences rendues en ce début d’année qui viennent aborder la problématique de « l’omission » commise par le dirigeant de l’entreprise de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans les délais légaux.
Il convient de rappeler que l’absence de déclaration de cessation des paiements peut constituer une faute de gestion au visa de l’article L 651-2 du Code de Commerce qui dispose que :
« Lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.
L'action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Les fruits de la condamnation prononcée sont répartis au marc le franc entre tous les créanciers.
Les sommes versées par les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée entrent dans le patrimoine du débiteur.
Les dirigeants ou l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ne peuvent pas participer aux répartitions à concurrence des sommes au versement desquelles ils ont été condamnés ».
Ce principe de responsabilité nécessite la recherche d’une faute de gestion qui peut être même une faute légère ou une imprudence.
La question est de savoir si le dirigeant expose sa responsabilité pour avoir omis de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal qui est désormais de 45 jours.
La jurisprudence rappelle que le défaut de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal de quarante-cinq jours, est susceptible de constituer une faute de gestion, s’apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d’ouverture ou dans un jugement de report.
Pour autant, il convient aussi et surtout de souligner qu’il n’est donc pas possible d’opposer au dirigeant cette faute en imaginant retenir une nouvelle date qui n’est pas été fixée ni par le Tribunal de Commerce au jour de l’ouverture de la procédure collective ni dans le cadre d’une procédure de report de la date de déclaration de cessation des paiements qui elle est strictement encadrée et doit être engagée dans des conditions précises.
Or, les habitudes ont la vie dure, et très souvent le mandataire judiciaire croit bon venir reprocher cela en se basant uniquement sur des éléments factuels, sans s’attarder sur la date provisoire retenue par le Tribunal de commerce dans le jugement d’ouverture, ou sans avoir engagé une action spécifique de report de la date de cessation des paiements.
La Cour de Cassation par ces jurisprudences entend contrecarrer la résistance des juges du fond qui ont tendance, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, à interpréter la situation au seul regard des éléments présentés par le mandataire judiciaire.
Dans une 1ère jurisprudence, la Cour de Cassation casse un arrêt de Cour d’appel dans lequel la société V ayant été mise en redressement puis en liquidation judiciaire les 30 septembre 2009 et 20 janvier 2010, le mandataire liquidateur ayant par la suite assigné Monsieur X, en qualité de dirigeant, en paiement de l'insuffisance d'actif et en prononcé de sanctions personnelles.
Dans sa décision, la Cour d’appel avait condamné le dirigeant en considérant que la société était dans l'impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible dès le 30 avril 2009 et qu'en poursuivant l'activité entre la survenance de la cessation des paiements et le dépôt tardif de la déclaration le 21 septembre 2009, le dirigeant avait immanquablement contribué à l'insuffisance d'actif.
La Cour de Cassation rappelle que le jugement d'ouverture avait fixé la date de cessation des paiements au 15 juillet 2009 et que par conséquence la Cour d'Appel avait violé le texte susvisé.
Il est de même dans un autre arrêt de la Cour de cassation du mois de janvier,
Dans cette affaire, le 30 janvier 2007, la société N dont Mme X était la gérante, avait été mise en redressement judiciaire, cette procédure étant convertie en liquidation judiciaire le 25 octobre 2007.
Maître Y avait été désigné liquidateur et n’avait pas tardé à assigner Madame X en responsabilité pour insuffisance d'actif de la société.
La Cour d'Appel avait condamné Madame X pour avoir contribué à l'insuffisance d'actif de la société débitrice, au motif pris qu'il résultait de l'analyse des bilans comptables des exercices 2004 et 2005 que la débitrice se trouvait en état de cessation des paiements dès la fin de l'exercice 2005, et que cette dirigeante avait commis une faute de gestion en s'abstenant de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal.
La Cour de Cassation sanctionne encore une Cour d'Appel qui pour condamner le dirigeant qui aurait contribué à l’insuffisance d’actif de sa société a relevé que le jugement d’ouverture du redressement judiciaire avait fixé la date de cessation des paiements au 30 mai 2008 mais retient que Monsieur X dument informé de l’état de cessation des paiements de la société T et de la nécessité de la déclarer, au moins depuis l'été 2007, a fait le choix de l'ignorer et que son refus obstiné de ne pas procéder à la déclaration de cessation des paiements constitue une faute de gestion ayant conduit la société à enregistrer un nouvel exercice déficitaire de 513 533 euros au 30 juin 2008.
Pour autant la Cour de Cassation casse en rappelant que le jugement d'ouverture de la procédure, en date du 28 janvier 2009, avait fixé au 30 mai 2008 la date de cessation des paiements et qu’il n’y avait donc aucune faute de gestion possible.
Dans un dernier arrêt, la société L avait été mise en liquidation judiciaire le 29 novembre 2006, le liquidateur a assigné Monsieur X son gérant, en paiement de l'insuffisance d’actif.
Pour condamner Monsieur X à contribuer à l'insuffisance d'actif de la société débitrice, l'arrêt, après avoir relevé que le gérant avait déclaré l'état de cessation des paiements le 17 novembre 2006, retenait que la société débitrice était constamment déficitaire depuis 2003, de sorte que Monsieur X avait commis une faute de gestion en s'abstenant d'en faire la déclaration dans le délai légal
Pour autant, la Cour de Cassation rappelle clairement qu'en se déterminant ainsi, sans préciser la date de la cessation des paiements fixée par le jugement ouvrant la liquidation judiciaire ou par un jugement de report, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et la décision a été cassée.
Ces jurisprudences sont satisfaisantes car elles amènent le mandataire judiciaire à ne plus procéder par voie d’interprétation et à assurer une stricte application des textes et des jurisprudences.
Elle rappelle enfin au dirigeant, gérant, et chef d’entreprise qu’il doit se défendre dans sa procédure collective.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,