Déclaration d’insaisissabilité, publicité et nullité des actes pris en période suspecte,

Publié le 29/03/2017 Vu 5 208 fois 3
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Une déclaration notariée d’insaisissabilité irrégulièrement publiée peut-elle être déclarée inopposable au mandataire liquidateur qui souhaite réaliser l’actif immobilier ? Ce même mandataire liquidateur peut-il imaginer une stratégie combinant report de la date de cessation des paiements et nullité des actes pris durant la période suspecte,

Une déclaration notariée d’insaisissabilité irrégulièrement publiée peut-elle être déclarée inoppos

Déclaration d’insaisissabilité, publicité et nullité des actes pris en période suspecte,

Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation Chambre Commerciale en novembre 2016 qui a abordé la question spécifique de la déclaration notariée   d’insaisissabilité,  vaste sujet qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, lorsque le débiteur est propriétaire d’un bien et qu’il a pris soin de faire établir une déclaration notariée   d’insaisissabilité, bien avant de se retrouver sous le coup d’une liquidation judiciaire,

Il convient de rappeler que la loi sur l’initiative économique du 1er août 2003 est venue instaurer le régime de l’insaisissabilité de l’entrepreneur individuel.

Son régime été modifié puis élargi par la loi du 4 août 2008  qui avait ainsi prévu un article L526-1 du Code de Commerce visant une garantie minimale d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle indépendante en lui permettant de déclarer insaisissables ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale mais également tout bien foncier bâti ou non bâti qui n’est pas affecté à un usage professionnel.

Votre serviteur ayant d’ailleurs pris soin d’aborder ce sujet délicat comme étant un gage de protection du chef d’entreprise dans sa thèse, « Le Soutien bancaire d’une entreprise en difficulté après la loi du 26 juillet 2005 » Université de Nice Sophia Antipolis janvier 2010 page 410 §697.

Ces dispositions permettaient de limiter la prise de risque de l’entrepreneur pour lequel aucune séparation n’était établie entre le patrimoine professionnel et le patrimoine privé.

La déclaration notariée d’insaisissabilité a pour effet de soustraire l’immeuble résidence principale du dirigeant à ses créanciers afin de lui permettre de ne pas voir son bien immobilier saisi.

Elle apporte une protection concrète à l’entrepreneur individuel.

Cette loi a institué une véritable mécanique protectrice de la résidence principale de l’entrepreneur.

Elle a pour principal effet d’empêcher le mandataire judiciaire de saisir ce bien en cas de liquidation judiciaire.

La déclaration notariée d’insaisissabilité a vocation à inciter le débiteur à ouvrir les portes du Tribunal de Commerce en se sentant bien protégé et insaisissable par de telles dispositions.

L’avantage de la déclaration d’insaisissabilité de la résidence principale de l’entreteneur est multiple à ce stade.

Le débiteur est assuré de pouvoir garder son bien et il n’a plus à craindre de déposer le bilan pour ensuite présenter un plan de sauvegarde ou de redressement.

Bien plus, dans l’hypothèse d’un plan de sauvegarde ou de redressement, l’entrepreneur peut même imaginer rassurer les organes de la procédure par l’existence d’un actif immobilier qu’il viendrait apporter en garantie, le Tribunal pouvant alors prononcer une aliénabilité au profit des créanciers de la procédure collective.

Cela aurait curieusement pour effet pour le tribunal de commerce de rendre  aliénable un actif immobilier déjà insaisissable.

Mais à l’inverse, dans l’hypothèse malheureuse où la liquidation judiciaire serait prononcée, le mandataire judiciaire ne pourrait venir saisir l’actif.

Pour autant, la pratique montre que les mandataires judiciaires n’ont pas manqué de faire preuve d’imagination pour obtenir, coute que coute, la levée de la déclaration notariée d’insaisissabilité.

Cet arrêt est intéressant car il vient effectivement apporter une évolution majeure,

En effet, la Cour de Cassation considère désormais que la déclaration notariée d’insaisissabilité irrégulière est inopposable à la procédure collective,

De telle sorte que le mandataire liquidateur peut envisager de réaliser l’actif immobilier,  nonobstant l’existence d’une déclaration notariée d’insaisissabilité, sous l’expresse réserve que celle-ci soit irrégulièrement publiée.

Dans cette affaire, un débiteur personne physique avait, avant son placement en procédure collective, réalisé une déclaration notariée d’insaisissabilité sur sa résidence principale.

Cependant cette déclaration n’avait pas été publiée au Registre du Commerce et des Sociétés malgré l’obligation légale de le faire comme le rappelle et le prévoit expressément l’article L526-2 alinéa 2 du Code de Commerce.

Le mandataire judiciaire utilise alors cette brèche.

En effet, Madame B commerçante exerçant à titre individuel, avait publié le 18 octobre 2010 une déclaration notariée d’insaisissabilité au bureau des Hypothèques portant sur un bien constituant sa résidence principale dont elle était propriétaire indivis avec son époux.

Pour autant cette déclaration n’avait été publiée au Registre du Commerce et des Sociétés.

Suite au prononcé du redressement judiciaire en janvier 2011 et de la liquidation judiciaire en mars 2011, le liquidateur avait engagé une procédure afin la déclaration notariée d’insaisissabilité lui soit rendue inopposable pour défaut de publicité au Registre du Commerce et des Sociétés, ce qui lui permettait dans le même temps de solliciter la licitation de l’immeuble indivis.

L’approche est effectivement nouvelle car jusqu’alors la jurisprudence avait à maintes reprises rappelé que la déclaration notariée d’insaisissabilité était opposable à la procédure collective et que le mandataire judiciaire ne pouvait effectivement la contester.

Un premier arrêt était venu consacrer ce principe le 28 juin 2011 dans lequel la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation avait décidé que la déclaration notariée d’insaisissabilité était opposable à la procédure collective.

Par la suite, en 2012, la Cour de Cassation rappelait que le mandataire judiciaire ne pouvait s’opposer à la déclaration notariée d’insaisissabilité dans la mesure où il n’intervenait pas pour l’intérêt collectif des créanciers mais seulement pour certains d’entre eux.

En effet, il convient de rappeler que le mandataire liquidateur représente l’ensemble des créanciers, tant professionnels que personnels.

Or, la Cour de Cassation a toujours sanctionné le mandataire judiciaire qui ne pouvait réclamer l’inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité irrégulièrement publiée dans la mesure où celui-ci ne représentait pas l’ensemble des créanciers.

Seuls ceux qui pouvaient être affectés par la déclaration pouvaient initier une action en inopposabilité,

 Le mandataire judiciaire intervenant pour l’ensemble des créanciers sans distinction possible était irrecevable à agir.

Pour autant, dans la jurisprudence étudiée, la Cour de Cassation a « changé son fusil d’épaule » et vient au titre de l’intérêt collectif des créanciers, modifier et élargir la notion des créanciers,

Elle permet désormais au mandataire judiciaire d’obtenir l’inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité à la seule et unique condition que celle-ci soit irrégulière.

En effet, la Cour considère que, pour déclarer irrecevable la demande en inopposabilité et rejeter la demande en licitation de l’immeuble indivis, l’arrêt de la Cour d'Appel de Nîmes après avoir constaté que la débitrice en liquidation est une personne physique ayant des créanciers tant professionnels que personnels et retenu que le liquidateur représente deux catégories dont seule la première à un intérêt à agir en inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité pour irrégularité de sa déclaration au Registre du Commerce et des Sociétés, en déduit que le liquidateur ne peut se prévaloir d’une action relevant de l’internet collectif de tous les créanciers du débiteur en procédure collective.

Pour autant, la Cour de Cassation casse cet arrêt et rappelle dans son attendu de principe que si cette décision de la Cour d'Appel de Nîmes était effectivement conforme à la jurisprudence applicable (Cass Com 13 mars 2012), il n’en demeure pas moins que cette solution rendue en son temps, a pour effet de priver les organes de la procédure collective de la possibilité de contester l’opposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité à la procédure.

La Haute Juridiction rappelle que par un arrêt du 2 juin 2015 de la Chambre Commerciale Financière et Economique, la Cour de Cassation a jugé que les organes de la procédure collective avaient qualité à agir pour la protection et la reconstitution du gage commun des créanciers.

Qu’il apparait alors et par conséquence qu’il est nécessaire de retenir désormais que la déclaration notariée d’insaisissabilité n’est inopposable à la liquidation judiciaire que si elle a fait l’objet d’une publicité régulière.

Le liquidateur qui a qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers est recevable à en contester la régularité à l’appui d’une demande tendant à reconstituer le gage commun des créanciers.

La décision est donc novatrice car elle vient malmener les droits du débiteur qui pensait être totalement protégé par sa déclaration notariée d’insaisissabilité.

Il convient de profiter de la présente analyse pour aborder une autre hypothèse, celle de la tentative de nullité de la déclaration notariée d’insaisissabilité par e mandataire judiciaire au motif pris qu’il s’agirait d’un acte pris en pleine période suspecte,

Dans cette affaire, il est question d’un chef d’entreprise inscrit en nom personnel, Monsieur C,   placé en redressement  judiciaire le 8 mai 2015 puis en liquidation judiciaire le 7 septembre 2015.

Monsieur C avait quant à lui procédé à une déclaration notariée d’insaisissabilité qu’il avait formalisée le 29 décembre 2012 et cette dernière avait bel et bien été publiée au Registre du Commerce et des Sociétés le  23août 2013.

L’approche du mandataire judiciaire était de partir sur la base d’un jugement de redressement judiciaire qui fixait la date de cessation de paiement de manière provisoire au 8 juin 2015, et de faire une action afin d’envisager un report de la date de cessation de paiement au 8 décembre 2013.

Le mandataire judiciaire au visa de l’article L 631-8 du Code de Commerce rappelle que l’état de cessation des paiements du débiteur mentionné aux articles L 631-2 et L 631-3 du même code est caractérisé par l’impossibilité de faire face au passif exigible avec les actifs disponibles en tenant compte dans l’appréciation  de la situation patrimoniale, des réserves de crédit et des moratoires consentis par les créanciers.

Fort de cette argumentation et au visa de l’article L 631-8 du Code de Commerce, le mandataire judiciaire obtient un report de la date de cessation de paiement au 8 décembre 2013.

C’est le premier acte de cette bataille judiciaire pour lequel par la suite, le mandataire judiciaire engage une autre action en considérant que dans la mesure où le Tribunal de Commerce a, par un jugement de juin 2016, reporté la date de la cessation des paiements au 8 décembre 2013, il pouvait désormais évoquer les dispositions de l’article L 632-1-10 du  Code de Commerce qui précisent que sont nuls lorsqu’ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements les actes tels que la déclaration d’insaisissabilité faite par le débiteur en application de l’article L 562-1 du Code de Commerce.

Cette approche était subtile et diligentée en deux étapes,

Pour autant le mandataire judiciaire a procédé à une mauvaise lecture de l’article L632-1-10èmement  du Code de Commerce,

En effet, cet article ne vise absolument pas la déclaration notariée d’insaisissabilité mais parle bien de contrat de fiducie de telle sorte que l’acte en tant que tel ne peut être annulé de plein droit sur cette base.

Une bonne lecture des textes permet de retenir, par contre, que l’article  L 632-1-12eme  du Code de Commerce précise que la déclaration d’insaisissabilité faite par application de l’article L 526-1 du Code de Commerce peut faire l’objet d’une nullité de plein droit.

Pour autant l’article L 632-2 précise quant à lui que le Tribunal peut annuler les actes à titre gratuit et la déclaration visée au 12èmement faits dans les 6 mois précédent la date de cessation des paiements.

Or dans cette affaire, le mandataire judiciaire fonctionne par raisonnement tronqué de la situation puisqu’il confond la déclaration notariée d’insaisissabilité faite le 29 décembre 2012 et la demande de publication au Registre du Commerce et des Sociétés qui elle n’est intervenue que le 23 août 2013.

Dès lors, le mandataire judiciaire tentait de faire croire que cette déclaration avait vocation a être prise en compte en août 2013 et qu’elle pouvait donc être annulée dans la mesure où le report de la date de cessation des paiements avait été effectué au 8 décembre 2013.

Il n’en est rien.

Il est bien évident que la déclaration a été publiée et que de fait elle est bien opposable à la procédure collective et cette publicité, fut-elle réalisée dans le délai de 6 mois ne peut faire l’objet d’une nullité au visa des dispositions selon lesquelles le mandataire judiciaire tente de se fonder.

Dès lors, ce n’est pas la déclaration qui peut faire l’objet d’une nullité puisque nous sommes bien au delà des délais et en tout état de cause, le mandataire judiciaire ne démontre en rien en quoi la publicité serait irrégulière.

Par voie de conséquences, dans la mesure où la publicité est régulière et que la déclaration d’insaisissabilité à été faite  bien avant le délai de 6 mois et du report de la date de cessation des paiements, celle-ci ne peut faire l’objet d’une quelconque nullité.

Par même voie de conséquence, le débiteur reste donc bien fondé à préserver son actif et à opposer au mandataire judiciaire la déclaration notariée d’insaisissabilité.

Dès lors cette jurisprudence démontre les actions faites par le mandataire judiciaire pour tenter d’obtenir tantôt l’inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité au motif pris qu’elle n’a pas été correctement enregistrée, tantôt en essayant de combiner l’action en report de la date de cessation des paiements combinée avec l’action en nullité des actes de la période suspecte pour obtenir la nullité de  déclaration notariée d’insaisissabilité.

Pour autant, il convient de ne pas oublier l’esprit de la Loi,

Le chef d’entreprise, et ses conseils, notaire et avocat, doivent rester vigilants aux démarches entreprises pour bénéficier des avantages de la déclaration notariée d’insaisissabilité et empêcher tout organe judiciaire de la procédure collective de tenter de le remettre en question,

Ainsi, le chef d’entreprise peut, et doit, préserver son bien immobilier, 

Vous avez une question ?

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
22/04/2017 15:00

Nîmes , la mafia du tribunal de commerce , ou un liquidateur peut spolier 2 millions d'€uros à une femme aveugle, Alzheimer et la faire placer sous tutelle extérieure pour continuer à la dépouiller

2 Publié par laurentstz
24/04/2017 00:27

n'hésitez pas à me contacter si vous le désirez
latapie.avocat@hotmail.fr

3 Publié par Visiteur
13/11/2017 14:21

Donc en justice française lorsqu un notaire ne fait pas son travail(en l occurence déclaration à la chambre du commerce ,comme inscrit sur l acte PAYANT fait chez lui). l entrepreneur qui malheureusement fait faillite n a aucun recours !!!! !il a payé chez le notaire et il se fait saisir sa maison..........? ?.....les mandataires et tout leurs énormes pouvoirs peuvent rigoler ....la France va aller mieux......les petits et moyens français vont sûrement se lancer.......les gros quant à eux ne craignent toujours pas grand chose ,ils ont les moyens d aller de procès ,en appel ,en cassation en attendant que les jurisprudences retournent leurs vestes
Il faut toujours y croire à une justice égalitaire ????

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles