Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation le 4 juillet 2012, sous le numéro 11-11.107, et qui, hasard des dates, au fameux jour de l’indépendance américaine, vient rendre une décision concernant les conflits de juridiction dans le cadre d’un divorce franco-américain.
Dans cet arrêt, la Cour de Cassation précise que l’action en divorce, exercée devant une juridiction française, sur le fondement de l’article 14 du Code Civil, est étrangère au litige relatif à l’exercice de l’autorité parentale.
Il y a donc une distinction entre, d’une part, le divorce et d’autre part, le sort de l’enfant.
Ainsi, la nationalité française du demandeur fonde en effet la compétence des juridictions française pour connaître de son action en divorce, et ce, indépendamment du déplacement illicite des enfants du couple destiné à faire échec aux droits parentaux.
En effet, cet article 14 du Code Civil, qui a un caractère subsidiaire par rapport aux règles ordinaires de compétences internationales, offre un privilège au demandeur de nationalité française.
Ainsi, celui-ci grâce à ce texte peut attraire devant une juridiction française « tout étranger, même non-résident en France, pour l’exécution des obligations contractées en France avec un français, ou pour toutes les obligations par lui contractées en pays étranger envers des français. ».
En dépit de sa formulation, cette disposition s’applique à toutes les actions patrimoniales ou extrapatrimoniales, que ce soit en matière gracieuse ou contentieuse.
Par ailleurs, cet article est important puisque, lorsque la compétence d’une juridiction française se fonde sur l’article 14 du Code Civil, cette juridiction française et les juges français, sont donc compétents pour connaître de l’ensemble du contentieux porté devant eux, c’est ce qu’avait précisé la Cour de Cassation, première chambre civile, le 25 janvier 2005.
Ainsi, la cour précise dans cet arrêt du 25 janvier 2005 : « Vu l’article 14 du Code Civil, attendu que pour déclarer la juridiction française incompétente pour statuer sur la demande d’un divorce formulé par Madame X, de nationalité française, à l’encontre de Monsieur Y, de nationalité américaine, la Cour d’Appel relève que Madame X a déplacé de façon illicite ses enfants en France, dans le seul but de faire échec aux droits parentaux de son mari et s’est soustraite à la juridiction américaine, juge naturel des époux, domiciliés aux Etats-Unis, ces agissements constituant une fraude qui l’empêche de réclamer le bénéfice de l’article 14 du Code Civil.
En se fondant sur de tels motifs, exclusivement référents à l’exercice de l’autorité parentale à l’égard des enfants de Monsieur Y et de Madame X, quand l’action en divorce exercée par celle-ci devant le juge français, saisi sur le fondement de l’article 14 du Code Civil, était étrangère au litige relatif à cet exercice, la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
Comme tout divorce, il n’est pas rare que dans une procédure de divorce les parents se battent pour obtenir l’exercice de l’autorité parentale sur leur(s) enfant(s).
Cela prend une dimension particulière lorsqu’il s’agit de divorce international puisque cela peut faire également objet de discussion la détermination de la compétence de la juridiction internationale appelée à se prononcer.
En pareil cas, chaque partie essaye d’obtenir de son juge, tantôt français, tantôt américain, une décision favorable.
Dans cette affaire, il s’agit d’un couple franco-américain, qui s’était marié et établi dans le Michigan aux Etats-Unis en 2000.
Leur premier enfant étant né de cette union en 2005, et enceinte de leur deuxième enfant, l’épouse, de nationalité française, était rentrée en France auprès de son père malade, en novembre 2007 pour ne jamais retourner aux Etats-Unis.
Son époux américain, avait alors accordé une autorisation de sortie du territoire à leur première enfant qui accompagnait sa mère en France.
Moins d’une semaine après avoir accouché du deuxième enfant, le 10 février 2008 à Lyon, et quatre jours après l’expiration d’autorisation de sortie du premier enfant, Madame X, de nationalité française, introduit une demande en divorce auprès du Juge aux Affaires Familiales du Tribunal de Grande Instance de Lyon.
Son mari, quant à lui, introduit le 13 mars 2008 une demande en divorce devant le Tribunal du Comté d’Oakland dans le Michigan. Parallèlement à cela, il introduit une demande de retour des enfants auprès des autorités américaines sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.
La Cour d’Appel de Lyon, qui a tranché sur la question, se déclare incompétente pour connaître du divorce, en retenant tout d’abord que l’épouse avait résidé moins de six mois en France avant d’introduire sa demande, de telle sorte que l’article 3 du règlement Bruxelles II bis, n°2201/2003, n’était pas applicable.
En outre, la cour avait également écarté l’application de l’article 14 du Code Civil, au motif que cette disposition ne consacre qu’une compétence facultative impropre à exclure la compétence du juge étranger.
La Cour de Cassation, dans un arrêt de la première chambre civile, du 22 mai 2007, rappelle que l’article 14 du Code Civil n’ouvre au demandeur français qu’une simple faculté et n’édicte pas à son profit une compétence impérative, exclusive de la compétence d’un tribunal étranger déjà saisi et dont le choix n’est pas frauduleux.
Or, il s’avère qu’en l’espèce la juridiction avait été régulièrement saisie et ce le 10 février 2008, soit avant que le juge américain ne soit pareillement saisi, le 13 mars 2008.
Dans la mesure où la juridiction française est régulièrement saisie avant le juge américain, conformément à l’article 14 du Code Civil, celui-ci est parfaitement compétent pour rendre sa décision et ce conformément un arrêt rendu par la Cour de Cassation, première chambre civile, du 30 septembre 2009, sous le numéro 0819793.
Par ailleurs et enfin, la Cour d’Appel de Lyon, procède par voie de confusion puisqu’elle rejette la compétence des juridictions françaises, estimant que l’épouse française avait invoqué l’article 14 de manière frauduleuse.
En effet, la cour considère qu’en gardant son premier enfant sur le territoire national français après l’expiration de l’autorisation de sortie, la maman avait opéré un déplacement illicite des enfants communs afin de faire échec aux droits parentaux de son mari en se soustrayant à la juridiction américaine.
La Cour de Cassation casse une nouvelle fois et confirme la compétence des juridictions françaises sur fondement de l’article 14 du Code Civil.
En effet, dans son arrêt du 4 juillet 2012, la Cour de Cassation sanctionne le raisonnement pris par la cour d’appel, qui viendrait à considérer que le choix de porter l’action en divorce devant une juridiction française aurait été frauduleux.
Ainsi, la Cour de Cassation édicte deux principes bien simples.
Tout d’abord, le fait de quitter le territoire américain pour s’installer en France avec ses enfants ne caractérise pas forcément une attitude frauduleuse et la volonté de se soustraire la compétence des juridictions américaines.
Ensuite, cet arrêt est important en ce qu’il précise surtout qu’aucune disposition du droit français n’impose au juge français statuant sur le divorce de pareillement statuer en matière d’autorité parentale.
Dès lors, il y a bien une distinction entre, d’une part, la procédure de divorce et, d’autre part, la garde de l’enfant. Tant bien même le juge français serait compétent pour prononcer le divorce, celui-ci ne serait pas nécessairement en mesure de se prononcer sur l’exercice de l’autorité parentale.
La Cour de Cassation vient par cet arrêt consacrer la compétence du juge français sous l’expresse réserve que nous sommes effectivement en présence d’une personne de nationalité française, nonobstant le fait que celle-ci s’installe en France pendant plus de six mois, et vient écarter toute fraude qui viendrait annihiler la compétence de la juridiction française.
Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle permet à un ressortissant de nationalité française et/ou vivant sur le territoire national depuis plus de six mois, de saisir la juridiction française afin d’obtenir une décision proche de chez lui pour voir prononcé le divorce et éventuellement déterminer la garde de l’enfant.
Les éventuelles velléités qui seraient reprochés par l’ex-époux de l’autre côté du globe, pourraient être écartés en ce que justement, il conviendrait à ce dernier de caractériser la fraude, ce qui est largement discutable.
Enfin, cela n’empêcherait pas pour le ressortissant français d’obtenir à tout le moins le divorce et en plus de cela, de retenir la compétence du juge français pour pouvoir déterminer le droit de garde de chacun sur enfant commun.