Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu le 20 mars 2012 par la Cour de Cassation.
Il convient de rappeler que l’associé est une personne qui est membre d’une société.
Il a adhéré aux statuts et en contrepartie de cet apport, il reçoit des droits sociaux représentant les droits de l’associé au sein de ladite société, comme le droit de vote, le droit d’être informé… Tout associé d’une société civile a le droit de se maintenir et ne peut être ni exclu, ni forcé à céder ses titres contre son gré.
Cependant, l’arrêt de la Chambre commerciale du 20 mars 2012 pose un cas de droit d’exclusion d’un associé.
En l’espèce, des salariés exerçant des fonctions de direction au sein de sociétés d’un groupe S, se sont vus proposer d’acquérir des parts de la société civile F, titulaire d’actions de la société N, nouvelle société mère de ce groupe.
Monsieur X, salarié de la société S, a ainsi acquis des parts de la société F.
Toutefois, ce dernier a été licencié pour faute grave, de la société S, suite à quoi une transaction a été conclue entre le salarié et son employeur.
Par la suite, le gérant de la société F a informé par lettre Monsieur X, qu’en raison de la perte par celui-ci de la qualité de salarié d’une société du groupe, requise pour conserver le statut d’associé, il entendait mettre en œuvre la procédure prévue par les statuts, en vue de son exclusion partielle par voie de réduction de sa participation.
Monsieur X a donc saisi la Justice afin de voir annuler son exclusion partielle en qualité d’associé de la société F.
La question qui se pose aux juges est de savoir si un associé, par la perte de sa qualité de salarié du groupe, peut se voir exclure conformément aux statuts de la société.
Il convient de rappeler, qu’effectivement, existent des prévisions légales et jurisprudentielles permettant le droit d’exclure l’associé.
En effet, l’exclusion d’un associé consiste à le forcer à vendre ses parts ou ses actions volontairement ou non.
Il s’agit d’une procédure exceptionnelle, limitée par des principes juridiques, tel que le droit de propriété et l’impossibilité d’exproprier, sauf pour des motifs d’intérêt public, le droit qui interdit de modifier les règles d’un contrat sans l’accord des parties et enfin, le principe d’égalité des actionnaires.
En effet, le législateur prévoit dans certaines formes de société, telles que les sociétés à capital variable, les sociétés par actions simplifiées, des cas d’exclusion des associés.
La possibilité d’exclusion est notamment possible lorsqu’un associé manque à une de ses obligations, comme le défaut de libération des actions ou encore le défaut de conversion de titres au porteur en titres nominatifs. Il existe une seconde possibilité d’exclusion, notamment en cas de redressement judiciaire, par laquelle le tribunal peut ordonner la cession des actions ou des parts, d’un ou plusieurs dirigeants, si la survie de la société le justifie.
Toutefois, la Loi n’encadre que faiblement la procédure d’exclusion proprement dite et c’est pourquoi la jurisprudence s’est prononcée pour établir les critères de validité d’une telle procédure d’exclusion de l’associé.
Ainsi, au côté des prévisions légales, la jurisprudence pose un nouveau cas de droit d’exclusion d’un associé.
Les juges du fond ont retenu que les statuts de la société F prévoyaient que dans le cas où l’un des associés ne remplirait plus les conditions requises pour le demeurer, notamment en raison de son licenciement lorsqu’il est salarié du groupe, il pourrait être exclu, en tout ou en partie, à l’entière discrétion du gérant.
En estimant que l’exclusion partielle de Monsieur X, prise par le gérant de la société F à la suite du licenciement du premier était régulière, puisque prévue par les statuts et que les associés n’avaient pas à être consultés à partir du moment où aucune modification des statuts n’était en cause, les juges du Droit approuvent la décision de la Cour d’Appel et reconnaissent ainsi que les statuts d’une société civile peuvent confier au gérant la faculté de mettre en œuvre, l’exclusion d’un associé pour un motif qu’ils ont prévu, notamment celle de la qualité de salarié qu’a Monsieur X au sein du groupe S, requise pour conserver son statut d’associé dans la société F.
La Cour a également relevé que la société F avait pris la décision d’exclure l’ex-associé après lui avoir notifié la mise en œuvre de la procédure prévue par une lettre qui précisait les motifs de l’exclusion envisagée, ainsi que les modalités, et qui invitait Monsieur X à présenter ses observations sur ces points.
Ainsi, le gérant a respecté le principe du contradictoire donnant la possibilité à Monsieur X de se défendre.
Ainsi la Cour reconnaît que les clauses statutaires d’exclusion sont valides et peuvent donc exclure un associé, mettant ainsi en lumière, une fois de plus, le principe de supériorité du contrat, fusse-t-il les statuts d’une société.
Il est ainsi possible d’insérer dans les statuts d’une société, une clause permettant, sous certaines conditions d’exclure un associé.
L’absence de dispositions légales, interdisant ce type de clause et sa validation implicite en l’espèce par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, certifie une telle clause.
Ainsi, une telle clause peut figurer dans les statuts dès la création de la société ou y être introduite en cours de vie sociale par un vote des associés à l’unanimité.
Les associés doivent en effet avoir personnellement accepté le principe de l’exclusion, soit à l’origine, en signant les statuts, soit en adhérant aux statuts lors de leur entrée dans la société, soit enfin en votant en faveur de l’insertion d’une clause d’exclusion dans les statuts lors d’une assemblée générale extraordinaire.
Ainsi, Monsieur X en signant les statuts pour être associé de la société F a accepté personnellement cette clause présente en l’article 16 des statuts de la société.
Enfin, la Cour de Cassation souligne que l’une des dernières conditions de validité de la clause statutaire d’exclusion est que cette procédure doit être contradictoire, afin d’offrir à l’associé la possibilité de se défendre.
En l’espèce, le gérant avait notifié la mise en œuvre de la procédure, prévue en pareil cas par les statuts de la société, par une lettre qui précisait les motifs de l’exclusion envisagée, ainsi que ses modalités et invitait l’associé concerné à présenter ses observations sur la ou les cause(s) de son exclusion de la société en qualité d’associé.
Ainsi, Monsieur X, en perdant sa qualité de salarié a également perdu sa qualité d’associé. Finalement, la qualité de salarié-associé est moins protectrice que la seule qualité de salarié, laquelle bénéficie de dispositions particulièrement protectrices par le Code du Travail.
De fait, le salarié-associé semble moins protégé, et, surtout, cet arrêt met en exergue l’accroissement de l’importance et la nécessité d’une bonne rédaction des statuts des sociétés afin que ceux-ci soient adaptés aux besoins et situations concrètes de leurs associés, en permettant, le cas échéant, le rachat forcé des parts de l’associé évincé par le gérant.