La jurisprudence constante ne manque pas de rappeler qu’à bien des égards, l’établissement bancaire engage sa responsabilité au titre de ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde.
Ainsi, la banque est tenue à la plus grande prudence lorsqu’elle fournit des informations, notamment fiscales et qui peuvent être déterminantes dans le choix du client de (pour) conclure le contrat proposé.
La jurisprudence est extrêmement claire sur ce point ; il est loisible de citer une jurisprudence récente, en date du 8 mars 2012, dans laquelle la première chambre civile de la Cour de Cassation a sanctionné un professionnel qui avait pris l’initiative de présenter à son client un calcul prévisionnel de crédit d’impôt.
Or, la haute juridiction a considéré que ce professionnel engageait sa responsabilité pour avoir présenté (à son client) un calcul erroné qui déterminait son consentement, faute d’avoir recueilli les renseignements indispensables au calcul exact du crédit d’impôt. (Il s’agit d’un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de Cassation, en date du 8 mars 2012, sous le numéro 10-21.239.) Cette jurisprudence est symptomatique des obligations qui pèsent sur la banque et ce qui vaut pour tout professionnel, et ce qui vaut pour le crédit d’impôt, vaut également pour l’incidence fiscale d’un placement financier.
A ce titre, la banque est tenue à des obligations précontractuelles et contractuelles qui lui imposent d’avoir une certaine attitude.
En effet, l’établissement financier doit s’assurer que celui-ci a bel et bien rempli son obligation d’information, de conseil et de mise en garde, au moment de la signature et préalablement à cette signature de contrat, avec celui qui a vocation à le signer.
La banque est bel et bien tenue à une obligation de conseil quant aux conséquences fiscales d’un placement financier.
Ainsi, il convient de citer la Cour d’Appel de Poitiers (deuxième chambre civile), en date du 23 novembre 2010, sous le numéro 10-21.239.
Dans cet arrêt, le conseil, auquel était tenu l’établissement financier envers le client, lui imposait d’informer ce dernier des avantages et des inconvénients aux termes de rendements financiers et d’incidence fiscale d’un remplacement immédiat, ou différé, du contrat souscrit en son temps par un nouveau placement. Or, il appelle des circonstances de la cause, que l’établissement financier en question ne justifie pas avoir fourni une telle information à son client. Par voie de conséquence, la banque a donc manqué à son obligation de conseil et de mise en garde engageant sa responsabilité.
Ainsi dans un autre arrêt récent, de la Cour d’Appel de Toulouse (deuxième chambre, section I), en date du 18 janvier 2012, sous le numéro 10/01945, là-encore, la Cour d’Appel de Toulouse considère que la banque est tenue à une obligation d’information et qu’elle se doit de démontrer qu’elle a parfaitement respecté ces conditions.
En effet, dans cette figure, la Cour précise « que l’établissement bancaire, sur qui incombe la charge de la preuve de l’information précontractuelle, ne verse au débat que le recto d’un mot de capitalisation au porteur, mentionnant seulement que ces valeurs ne tiennent pas compte des prélèvements sociaux et fiscaux, ainsi que la note d’information valant dispositions générales annexée à la demande de souscriptions, qui mentionne seulement que le régime fiscal qui s’applique est le régime fiscal français.
Ces seules mentions sont insuffisantes à établir le respect de l’obligation d’information incombant à l’établissement bancaire alors que la déposition recueillie lors de l’enquête diligentée sur la plainte de Monsieur X, contraire entre les parties, ne permet pas de connaître le contenu précis d’information donné lors de la souscription litigieuse. ».
Ainsi, par cet arrêt, Cour d’Appel de Toulouse considère, à juste titres d’ailleurs, que les informations précontractuelles ont été largement insuffisantes et qu’elles n’ont pas permis de démontrer que le client avait une parfaite connaissance de l’incidence sociale et fiscale de son placement.
Il convient également, enfin et encore, de citer un arrêt de Cour d’Appel de Nîmes, (première chambre civile), en date du 29 juin 2010, sous le numéro 08/00415, dans lequel la Cour précise que « Il n’est pas de la connaissance de tout un chacun de connaître les contrats les plus adaptés à ses besoins et à sa situation financière et l’intensité et l’étendue de l’obligation s’apprécient conformément au principe de l’attention nécessaire qui doit être accordée au profane.
Les époux X, d’évidence, n’ont reçu de la part de ce professionnel aucune recommandation positive, ni avertissement sur les risques de perte et sur l’opportunité ou les conséquences des choix faits, notamment en ce qui concerne les rachats anticipés ou la fiscalité des bons au porteur par rapport à des placements en assurance-vie. » La cour précise même que « c’est bien parce qu’ils n’étaient pas en mesure de gérer seuls leurs intérêts et d’assurer des meilleurs placements, que les époux X s’en sont remis à un professionnel ».
Enfin, cela était corroboré sur cette obligation par un arrêt de la Cour de Cassation, (chambre commerciale), en date du 13 avril 2010, numéro de pourvoi 09-13712.
Par voie de conséquence, l’établissement bancaire ou l’établissement financier qui manquerait à son obligation de conseil concernant l’incidence fiscale du placement, engagerait donc sa responsabilité pour avoir manqué à ses obligations.
Un bémol doit cependant être apporté, en ce qu’effectivement, si faute il y a, le préjudice n’est pas la hauteur de la faute évoquée.
En effet, la Cour de Cassation considère que le préjudice n’est pas équivalent à l’incidence fiscale du placement mais il est équivalent à la perte de chances d’avoir opté pour un autre financement, si le client avait eu connaissance à ce moment-là de cette incidence fiscale. Cette définition à effectuer, concernant la notion de préjudice est importante, car elle distingue deux choses essentielles.
La première,c’est qu’il est bien évident que si la faute de l’établissement bancaire est avérée et caractérisée, la question du préjudice peut également faire l’objet d’une discussion.
En effet, sur le terrain du préjudice, la jurisprudence considère que celui-ci ne correspond pas forcément à la somme totale du coût fiscal du placement. Il est plutôt question de perte de chances. Cette notion de perte de chances vient indemniser, non pas la faute en elle-même, mais le fait que, si le client avait été parfaitement informé de l’incidence fiscale, il aurait fait peut-être un placement différent.
De telle sorte que l’indemnisation est forcément minorée, et que le client, qui a vocation à reprocher quelque faute que ce soit à l’établissement bancaire, aura un préjudice de moindre importance.
La seconde, Si l’indemnisation du préjudice au titre de la perte de chances laisse à penser que l’indemnisation n’aura pas lieu sur la totalité de l’incidence fiscale mais sur une quotité mal évaluée, revue à la baisse par les juges du fonds en ce que cela ne correspondrait qu’à une perte de chances d’avoir opté pour un placement financier plus judicieux, il arrive tout de même, que dans certains cas, il y ait matière à une forte indemnisation.
En effet, et pour exemple, dans l’hypothèse où le client est lui-même quasi-usufruitier d’un placement financier, celui-ci serait alors tenu de procéder lui-même à des placements financiers ayant le moins d’incidences fiscales possibles, puisque ces fonds ne lui ont été que confiés et qu’il a vocation à les reverser intégralement au nu-propriétaire de ces fonds.
L’article 587 du Code Civil permet au quasi-usufruitier de placer son argent comme bon lui semble, sous la seule et expresse réserve de rendre à la fin de l’usufruit les valeurs de départ.
Dès lors, et dans pareille hypothèse, il appartient à l’établissement bancaire de justifier avoir rempli ses obligations à l’égard du quasi-usufruitier, afin que justement, l’établissement bancaire prenne en considération l’incidence fiscale du placement et s’assure bien que le quasi-usufruitier sera en mesure de rendre dans son intégralité les valeurs de départ de l’usufruit.
Ainsi, l’établissement financier, banque ou compagnie d’assurances, engage sa responsabilité pour manquer à son obligation de conseil et de mise en garde sur les incidences fiscales qui peuvent être attachées à tel ou tel placement. Cette responsabilité est donc source de préjudice et donc d’indemnisation, et tant bien même nous ne serions que sur le terrain de la perte de chances, il est bien évident que la banque doit rendre des comptes et que sa responsabilité, même allégée, a vocation à être caractérisée.