Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en avril dernier et qui vient aborder la problématique de l’indemnisation des préjudices extra patrimoniaux lorsque la victime d’un accident de la circulation se retrouve sous le coup d’une liquidation judiciaire.
Se pose comme question la limite du dessaisissement du débiteur et du pouvoir du mandataire liquidateur de venir saisir tous les actifs de son débiteur en ce compris l’indemnisation de l’accident de la route.
Dans cette affaire, Monsieur S avait été victime d'un accident de la circulation dont un tiers avait été déclaré responsable.
Dans la même foulée il avait été malheureusement mis en liquidation judiciaire, Maître H étant désignée liquidateur.
La difficulté est que le mandataire liquidateur a cru bon former des demandes de réparation des préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Monsieur S pour que la liquidation judiciaire encaisse l’indemnisation de ses préjudices et non pas Monsieur S directement.
Le mandataire liquidateur considérait que les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur, et ce dans l’intérêt de la procédure collective et de l’ensemble des créanciers.
Le mandataire liquidateur estimait que les dommages-intérêts qui pourraient être versés à Monsieur S en réparation de ses préjudices extra-patrimoniaux et patrimoniaux avaient vocation à être appréhendés par le liquidateur.
Cependant il convient de distinguer indemnisation des préjudices patrimoniaux et indemnisation des préjudices extra patrimoniaux.
Ces derniers doivent échapper au mandataire liquidateur puisque si l'article L. 641-9 du Code de Commerce précise que le dessaisissement résultant du jugement qui prononce la liquidation judiciaire, ne concerne que les droits et actions portant sur le patrimoine.
Des lors si les actions en responsabilité en vue d'obtenir la réparation d'un préjudice matériel ont vocation à être exercées par le seul liquidateur, il en va autrement lorsqu'il s'agit de réparer un préjudice corporel ou moral que seul le débiteur peut solliciter, même si les dommages et intérêts en résultant ont vocation à être appréhendés par le mandataire liquidateur.
Pour autant, la compagnie d’assurances du tiers responsable avait soulevé, à bon droit, l'irrecevabilité des demandes du mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de Monsieur S relatives aux préjudices extra-patrimoniaux qui avaient vocation à revenir seulement à ce dernier.
La compagnie d’assurance considérait que le mandataire liquidateur sans qualité pour réclamer le paiement d'indemnités au titre du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément.
La Cour de Cassation rejoint l’analyse de la Cour d'Appel et considère qu'ayant constaté que l'action engagée par le liquidateur tendait à obtenir réparation des préjudices résultant du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice d'agrément de Monsieur S, la cour d'appel en a déduit à bon droit que seul ce dernier pouvait exercer cette action, attachée à sa personne
Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle les limites du dessaisissement, le mandataire liquidateur ne pouvant pas appréhender tous les droits du débiteur.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,