Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue en avril dernier qui vient aborder la problématique de l’implication d’un tracteur dans un accident de moto.
Le cas semble d’école.
Et pourtant….
L’approche factuelle est déterminante.
En effet la Cour de Cassation considère qu’il était établi que Monsieur X motard avait perdu le contrôle de sa moto au moment où il se rabattait sur sa voie de circulation et que c'est la présence du tracteur qui, alors qu'il était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétait sur la voie de circulation, avait contraint le motard à cette manœuvre de dépassement de telle la Cour d'Appel avait estimé que ce tracteur était impliqué dans l'accident.
Dans cette affaire Monsieur X avait effectivement perdu le contrôle de sa moto alors qu'il dépassait un tracteur appartenant au Conseil Général et qui procédait au fauchage du bas-côté de la route.
Le motard avait alors assigné le département du Territoire de Belfort et son assureur, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie, pour obtenir la réparation de ses préjudices, une expertise médicale aux fins d'évaluer lesdits préjudices, voir condamné solidairement le département et son assureur à lui payer une provision à valoir sur son indemnisation définitive et voir déclarer le jugement commun et opposable à l’assureur du département.
Pour autant le Conseil Général contestait cette demande en considérant que la seule présence d'un véhicule sur les lieux d'un accident de la circulation ne suffit pas à caractériser son implication dans ledit accident ;
En effet, il estimait qu'en déduisant l'implication du tracteur du conseil général dans l'accident de sa présence sur la voie de circulation ayant contraint la victime à une manœuvre de dépassement, la Cour d’Appel avait violé l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985.
Il convient de rappeler qu'au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985, un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu'il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation, sans que soit exigée la preuve de son rôle perturbateur.
La notion d'implication est étrangère à la notion de causalité, y compris en l'absence de contact entre le véhicule et la victime.
En l'absence de contact, l'implication n'est seulement pas présumée et il appartient à la victime de démontrer que le véhicule est intervenu d'une manière ou d'une autre dans le processus accidentel.
Dans le cas d’espèce, selon le procès-verbal d'enquête de la gendarmerie, l'accident s'est produit sur une route départementale que la victime connaissait parfaitement pour l'emprunter quatre fois par jour pour se rendre et revenir de son travail, de jour, dans de bonnes conditions de visibilité, dans une légère courbe à gauche, le point d'impact de la moto se situant à la sortie de cette courbe, sur l'accotement droit.
Il était néanmoins établi qu'il avait effectué peu de temps auparavant le dépassement d'un véhicule automobile et qu'il a perdu le contrôle de sa moto alors qu'il venait d'effectuer le dépassement du tracteur du département qui, positionné en partie sur sa voie de circulation et en partie sur l'accotement de la route, circulait à allure très réduite, son conducteur étant en action de fauchage.
Le conducteur du tracteur déclarait que, son regard étant fixé sur la droite sur son outil de travail, et il avait soudainement aperçu une masse sombre arriver sur le devant de son tracteur et avoir ensuite vu qu'il s'agissait d'une moto qui se trouvait dans le fossé.
Le tribunal avait retenu que c'est au moment où Monsieur X se rabattait sur sa voie de circulation qu'il avait perdu le contrôle de la moto et que la présence du tracteur circulant à allure très réduite en empiétant sur sa voie de circulation, en le contraignant à une manœuvre de dépassement, avait joué un rôle dans la réalisation de l'accident.
Il n’est absolument pas démontré que la victime qui circulait à une allure normale aurait adopté un comportement accidentogène, par un freinage intempestif, un changement de direction trop brutal ou une manœuvre de rabattement prématurée.
Les circonstances de la perte de contrôle, qui ne résulte pas nécessairement d'un défaut de maîtrise supposant un acte ou une abstention contrevenant à une règle de conduite, restent indéterminées.
Tout laisse à penser que sans la présence du tracteur en action de fauchage au bord de la route, le dépassement n'aurait pas été nécessaire et l'accident ne serait pas survenu et que, par ailleurs, la présence d'un tracteur qui circule à très faible vitesse en empiétant sur la chaussée constitue un élément perturbateur pour la circulation, les véhicules circulant à une allure normale devant nécessairement faire une manœuvre de dépassement pour l'éviter.
De telle sorte que le tracteur a joué un rôle dans la survenance de l'accident.
Les juges considèrent que le rôle du tracteur n'était pas purement passif, la présence d'un véhicule lent empiétant sur la chaussée étant de nature à surprendre les autres véhicules ; qu'enfin, il convient de rappeler que l'implication du tracteur qui vient d'être démontrée, doit être retenue alors même que la présence de cet engin était parfaitement régulière, et qu'elle était correctement signalée, l'existence d'une faute ou d'un simple lien de causalité entre la présence du tracteur et l'accident n'ayant pas à être rapportée pour caractériser l'implication qui résulte suffisamment du fait que sa présence était nécessaire à la production du dommage.
La Cour de Cassation confirme cette approche en considérant qu’il découle des constatations établies que Monsieur X avait perdu le contrôle de sa moto au moment où il se rabattait sur sa voie de circulation et que c'est la présence du tracteur qui, alors qu'il était en action de fauchage, circulait à allure très réduite et empiétait sur la voie de circulation, l'avait contraint à cette manœuvre de dépassement et que c’est à bon droit que la Cour d'Appel avait jugé décidé que ce tracteur était impliqué dans l'accident.
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Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,
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