Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d'Appel d’Orléans qui vient aborder la problématique de l’obligation de proportionnalité lorsqu’il s’agit d’une question de financement d’un prêt qui fait justement l’objet d’un refinancement.
Dans cette affaire, par acte sous seing privé en date du 9 août 2011, la banque avait consenti à la SARL B qui avait ouvert un compte en ses livres, un prêt de 144.000 euros, destiné à financer l'acquisition et les travaux d'aménagement d'un bateau de navigation fluviale.
Ce prêt était remboursable en 40 trimestrialités, au taux nominal de 4,40 % majorable de trois points en cas de retard de paiement.
Le remboursement de ce prêt était garanti par une hypothèque fluviale inscrite sur le bateau acquis au moyen du prêt mais également par le cautionnement solidaire de Monsieur B, gérant et associé unique de la SARL B, souscrit le même jour à hauteur de 50% des sommes restant dues pour un montant maximum de 93.600 euros.
Pour autant, les conditions financières du prêt avaient été modifiées par un avenant en date du 9 novembre 2012 aux termes duquel la créance de la banque, alors d'un montant de 168.000 euros, avait été stipulée remboursable en 120 mensualités, moyennant un intérêt au taux annuel de 4,40 % majorable de trois points en cas de retard de paiement.
Il était également prévu que dans le cadre de ce refinancement, Monsieur B se porterait une nouvelle fois caution à hauteur de 50% des sommes restant dues pour un montant maximum de 109.200 euros.
Le 10 juin 2013, la banque informait la SARL B de la passation du débit en compte à compter du 12 août 2013 et procédait à la clôture du compte courant le 1er octobre 2013 et avait, à cette même date, prononcé la déchéance du terme de l'emprunt.
C’est dans ces circonstances que la société B a déposé le bilan et s’est retrouvée en liquidation judiciaire.
Dite liquidation judiciaire de la société B pour lequel la banque a régulièrement déclaré sa créance au passif.
Ainsi, et par jugement en date du 29 septembre 2016 le Tribunal a fixé la créance de la banque au passif de la société B à hauteur de 191.429,68 euros au titre du prêt et de 2.674,96euros au titre du solde débiteur du compte courant.Â
Il a en outre condamné Monsieur B à lui payer la somme de 85.848,93 euros avec intérêts au taux annuel de 7,40% à compter du 1er octobre 2013, dans la limite de la somme de 93.600 euros.
Monsieur B a donc interjeté appel et a demandé à la Cour d'Appel de juger que la banque ne pouvait se prévaloir de ce nouvel engagement de caution en raison de son caractère disproportionné à ses ressources et patrimoine et de la débouter de ses demandes.Â
A titre subsidiaire, il sollicitait également la déchéance de la banque de son droit à réclamer paiement des intérêts conventionnels pour non-respect de son obligation annuelle d'information de la caution.Â
A titre également subsidiaire, il réclamait la condamnation de la banque à lui verser 10.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui lui a été causé par la décision de la banque de suspendre tous les moyens de paiement de la société garantie.Â
Le débat ainsi posé, la Cour d'Appel rappelle qu’au visa de l'article L 341-4 devenu L 332-1 du Code de la Consommation, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Dès lors, c’est à la caution qui se prévaut d'une disproportion d'en apporter la preuve.
La jurisprudence rappelant alors que, tenue d'une obligation de loyauté dans les déclarations faites lors de la souscription de l'engagement, la caution ne peut faire la preuve de faits contraires à ceux qu'il a lui-même déclarés pour obtenir qu'un concours bancaire soit accordé à l'emprunteur grâce à cette garantie.
La Cour d'Appel souligne que l'appelant a certifié sur l'honneur être propriétaire d'un bien immobilier d'une valeur de 80.000 euros et être à la tête d'une épargne disponible de 15.000 euros et qu’il se prévalait de ce que le bien immobilier dont il est propriétaire pourrait faire l'objet d'une déclaration d'insaisissabilité.
La Cour d'Appel précise encore que l'emploi du conditionnel et l'absence de pièces produites ne permettent pas, en effet, de retenir qu'en application des dispositions de l'article L 526-1 alinéa 2 du Code de Commerce, Monsieur B a procédé à une déclaration d'insaisissabilité avant de souscrire l'engagement litigieux et que cette argumentation ne peut qu'être écartée.
La Cour considère donc qu'au regard du patrimoine qui lui était déclaré, la banque a pu sans faute retenir qu'un cautionnement initialement consenti à hauteur de 93.600 euros n'était pas disproportionné au regard d'un bien immobilier d'une valeur de 80.000 euros et d'une épargne de 15.000 euros.
L’arrêt est critiquable sur ce point car il ne fournit aucun élément sur l’engagement bancaire propre au bien et ne recherche pas si ce dernier était gagé ou non.
Pour autant, cette jurisprudence demeure intéressante en ce que la Cour d'Appel décide de vérifier la disproportion de l’engagement de caution lors de la signature de l’avenant.
Elle rappelle que l’argumentation de la banque qui soutient que cet avenant n'a pas opéré novation de l'engagement de Monsieur B est sans effet.
Elle précise qu'aux termes de l'article 1273 du Code Civil, la novation ne se présume pas mais qu'il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte.
En conséquence, en présence de deux engagements successifs pris par la même personne pour des montants différents, il convient de conclure au cumul des engagements plutôt qu'à la substitution du premier par le second si la volonté de nover n'est pas clairement exprimée.
Or, en l'espèce Monsieur B a souscrit successivement deux cautionnements à une hauteur différente.
Ces deux engagements concernent très exactement le même prêt dont l'avenant précise qu'il est réaménagé afin de permettre à la société de payer des échéances moins élevées.
Peut-on alors considérer qu’il y a novation ?
Pour la Cour, il est constant qu'il n'y a pas eu novation du prêt, ce que l'avenant précise d'ailleurs expressément.
Par contre la Cour considère qu'il y a bien eu novation de l'engagement de caution puisqu'au lieu de conserver le premier engagement régulièrement consenti, la banque a cru bon de faire souscrire à Monsieur B un nouvel engagement de caution de 50% d'une somme de 168.000 euros et non plus de 144.000 euros pour un montant maximum garanti de 109.200 euros et non plus de 93.600 euros pour une durée de 150 mois à compter de novembre 2012 et non plus de 147 mois à compter du 9 août 2011.
Ce nouvel engagement de caution n'a, dès lors, aucunement réaménagé sa première garantie mais l'a entièrement modifiée puisque tant la somme cautionnée que la durée et la hauteur de la garantie accordée par la caution ont été augmentées et complètement modifiées,Â
Il convient dès lors de retenir que le cautionnement, dont il sera d'ailleurs relevé qu'il a été entièrement réitéré et a fait l'objet d'une nouvelle mention manuscrite, ne s'ajoute pas au premier mais s'y substitue, ce qui opère indubitablement une novation.
Sur ce seul point, cette jurisprudence est intéressante car si l’engagement de prêt reste identique il y a bel bien novation du cautionnement.
Ainsi, dans cette affaire, la Cour d'Appel reproche à la banque de ne pas avoir pris soin de vérifier les ressources et patrimoine de Monsieur B avant de lui demander une garantie supérieure de 15.400 euros à celle accordée auparavant.
Elle rappelle à la banque qu'en l'absence d'une telle vérification, la caution peut faire état de toutes ses charges sans que le prêteur ne puisse lui opposer un défaut de déclaration.Â
Ainsi, en l'espèce, si Monsieur B ne démontre aucunement que son immeuble n'avait pas, en 2012 la valeur de 80.000 euros qu'il avait lui-même déclarée en 2011, il justifie de ce qu'il avait investi 5.000 euros dans les fonds propres de la société et 10.000 euros pour sa trésorerie, ce qui explique que son compte courant d'associé présentait, à la date de son second engagement, un solde créditeur d'un tel montant dont il a accepté qu'il soit bloqué à titre de garantie.
La Cour d'Appel considérant alors que la banque ne peut donc se prévaloir de ce second engagement qui s'est substitué à l'engagement initial dont elle ne peut pas plus se prévaloir du fait de la novation intervenue.
La novation de cautionnement l’emportant sur le cumul de cautionnement.
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Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,Â
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