Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en décembre dernier et qui vient aborder la problématique des termes du cautionnement et plus particulièrement concernant son caractère déterminé.
Dans cette jurisprudence, la Cour de Cassation considère que la mention « pour la durée de » dans un engagement de cautionnement à durée déterminée implique nécessairement l’indication d’une durée précise.
La Haute juridiction confirme l’analyse de la Cour d’appel,
La cour d’Appel avait en effet décidée d'annuler le cautionnement contenant une mention manuscrite stipulant un engagement de la caution jusqu'au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d'accord entre le créancier et le débiteur principal,
Or, la Cour d'Appel considère, à juste titre, que cette mention ne permettait pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci.
Dans cette affaire, par des actes du 7 novembre 2013, Monsieur Y s'était rendu caution des dettes de la société L, envers les coassociés de celle-ci dans le capital de la société S.
Ces derniers associés ont alors assignés la caution en exécution de dits engagements,
Monsieur Y a invoqué la nullité des actes de cautionnement en raison de leur non-conformité aux dispositions légales relatives aux mentions manuscrites.
Et il a obtenu gain de cause.
La société S a contesté la décision de la Cour d'Appel de Paris et lui faisait grief d’avoir déclarés nuls les actes de cautionnement signés par Monsieur Y alors que ce dernier avait, dans les engagements de caution qu'il avait souscrits, recopié de manière manuscrite et exacte la mention prévue à l'article L. 341-2 du Code de la Consommation indiquant, quant à la durée, jusqu'au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d'accord partie entre la société L et, selon les actes, la société créancière concernée ;
La société S considérait que ces articles n’imposaient aucune obligation quant à la manière dont la durée de l'engagement devait être déterminée, et que les dits textes n’interdisaient nullement le choix d'une durée alternative fixée au regard d'un événement futur précisément défini, quel qu’il soit.
La société S soutenait également que la nullité de l'engagement de cautionnement en son intégralité ne pouvait être encourue que lorsque l'omission portait atteinte à la compréhension, par la caution, des éléments essentiels de son engagement et que, hors cette hypothèse, l'ajout d'une mention non prévue par la loi ne pouvait avoir pour seule conséquence que la nullité de la seule mention litigieuse en tant que telle et non pas l’engagement de caution.
La Cour d'Appel, quant à elle, avait constaté que Monsieur Y avait, dans les engagements de caution qu'il avait souscrits, recopié de manière manuscrite la mention prévue à l'article L. 341-2 du Code de la Consommation, indiquant, quant à la durée, jusqu'au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée, suivant un éventuel accord pris entre le créancier et le débiteur principal, (sans solliciter l’avis de la caution),
La société créancière concernée estimait ainsi que la Cour d’appel ne pouvait valablement prononcer la nullité de l'engagement de caution en son intégralité et que la sanction ne devait se cantonner qu’à la clause critiquée, sans remettre en question l’engagement de caution en tant que tel,
Fort heureusement, la Cour de Cassation ne retient pas cet argumentaire.
La Haute juridiction souligne que l’arrêt de la Cour d’Appel énonce exactement que la mention « pour la durée de… » qu’impose, pour un cautionnement à durée déterminée, l’article L. 341-2 du Code de la Consommation, implique nécessairement l’indication d’une durée précise.
La Cour de cassation retient qu'ayant retenu que les mentions des différents actes de cautionnement, stipulant un engagement de la caution jusqu'au 31 janvier 2014 ou toute autre date reportée d'accord entre le créancier et le débiteur principal, ne permettaient pas à la caution de connaître, au moment de son engagement, la date limite de celui-ci, de telle sorte que la Cour d'Appel, sans ajouter à la Loi ni avoir à effectuer la recherche inopérante invoquée par la troisième branche, a légalement justifié sa décision d'annuler les cautionnements en totalité .
Cette jurisprudence a intéressé la doctrine, puisque Monsieur JD PELLIER a fait une chronique publiée dans la SEMAINE JURIDIQUE faisant état de la notion de potestativité rappelant que le Code Civil sanctionne la condition potestative du débiteur c’est-à-dire la condition dont la réalisation dépend de la seule volonté de ce dernier.
Il souligne que « la potestativité n’est pas moins dangereuse en matière de termes notamment en ce qu’elle est susceptible de conférer un caractère perpétuel à une obligation tel le cas en présence d’un terme potestatif c’est-à-dire un terme dont la survenance dépend de la seule volonté des parties, créancier ou débiteur, et ce que le terme soit suspensif ou extinctif ».
Il rappelle que la notion de terme potestatif peut amener à conclure à la caducité du contrat.
Cette approche est d’autant plus pertinente que la caution n’avait aucun mot à dire sur l’accord qui aurait pu être intervenu entre créancier et débiteur principal sur les délais d’engagement de cautionnement alors que ce dernier était le principal intéressé et se retrouvait assujetti à des délais qu’il ne fixait pas lui-même.
La nullité de l’engagement de cautionnement s’imposait,
La caution n’est pas à la disposition, ni à la merci du bon vouloir du créancier.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,