Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu il y a un certain temps déjà, mais qui vient caractériser et clarifier la situation concernant la fourniture d’une prothèse dentaire et dans laquelle la jurisprudence confirme enfin que le chirurgien-dentiste est véritablement tenu à une obligation de résultat.
Le Cour de Cassation opérait jusqu’à présent une distinction entre les soins et la prothèse elle-même.
Elle en déduisait que le professionnel de santé était débiteur d’une obligation de moyen en matière de soins et de résultat concernant la prothèse.
Fort heureusement, la jurisprudence a donc changé car dans un arrêt en date du 23 novembre 2004, la Cour de Cassation a généralisé l’obligation de résultat à toutes les étapes du traitement prothétique, de la conception à la pose, en passant par la confection.
Cette jurisprudence vient dégager une véritable obligation de qualité de résultat de la prothèse fournie.
Il est évident que le droit de la responsabilité médicale a suivi ces dernières années de nombreuses secousses, tant au titre de l’intervention du législateur que par ces jurisprudences qui viennent finalement consacrer les droits des patients.
Jusqu’alors, en matière de prothèse dentaire, la doctrine distinguait les soins et la prothèse elle-même.
Le chirurgien-dentiste était débiteur d’une obligation de moyen en matière de soin concernant la pause, adaptation de la prothèse à la mâchoire du patient, et de résultat concernant la prothèse, lorsque par exemple celle-ci s’effritait ou lorsque par exemple il y avait un effritement de la céramique.
Dès lors et désormais, la jurisprudence considère, notamment dans cet arrêt du 23 novembre 2004, que « le chirurgien-dentiste est en vertu du contrat le liant à son patient tenu de lui fournir un appareillage apte à rendre le service qu’il peut légitimement en attendre. Une telle obligation, incluant la conception et la confection de l’appareillage, étant de résultat. »
Il était enfin temps que le droit des patients soit bien pris en considération afin de les préserver des éventuels problèmes qu’ils pourraient rencontrer par la suite sur le plan dentaire, au titre d’une prothèse défectueuse ou mal adaptée à la mâchoire du patient, étant précisé que dans pareil cas la procédure est toujours longue et plus ou moins fastidieuse, avec comme préalable nécessaire une expertise médicale.
Cette jurisprudence désormais acquise et bien en place, permet de définir avec précision l’obligation de qualité de résultat du chirurgien-dentiste au titre de la fourniture de la prothèse et va généraliser cette obligation de résultat à tout le traitement prothétique. Dès lors, le traitement prothétique est considéré juridiquement comme un tout, une prestation unique et non une succession d’étapes, conception – confection et pose, dont la teneur de l’obligation du chirurgien-dentiste varierait selon l’étape.
Ceci est d’autant plus bienvenu que cette divergence d’importance de responsabilité du chirurgien-dentiste selon l’étape, générait un certain nombre de difficultés pratiques, largement exploitées par le professionnel de santé, puisqu’il permettait jusque là de jouer avec ses différentes formes de responsabilité, dans la mesure où il est toujours difficile de déterminer avec certitude si le dommage provient des soins ou du défaut de la prothèse.
Toujours est-il que dans la rupture de la prothèse, que celle-ci soit due à une mauvaise conception ou un défaut intrinsèque, cela n’enlève rien au fait que le patient est extrêmement gêné par cette situation, subit un réel préjudice et il serait anormal que le patient soit indemnisé différemment selon que la responsabilité soit de moyen ou de résultat.
Par voie de conséquence, il n’y a plus matière à distinguer dans le cadre du traitement prothétique de différentes étapes que peuvent être la confection puis la fourniture de la prothèse, ainsi que sa pose et son adaptation, lesquelles sont considérées classiquement comme des prestations de service.
A ce titre déjà, une jurisprudence de 1985, plus précisément un arrêt du 29 octobre 1985, précisait que le fournisseur de la prothèse délivrait un appareil apte à rendre les services que le patient pouvait légitimement en attendre, c’est-à-dire sans défaut.
Ceci laissait déjà à penser que la responsabilité du chirurgien-dentiste pourrait même être envisagée sur le terrain du vice-caché.
Ceci d’autant plus, à mon sens, que l’obligation de qualité de résultat permet de caractériser la responsabilité du chirurgien-dentiste dans la mesure où la prothèse dentaire est une prestation qui est faite sur mesure, parfaitement individualisée, qui ne peut satisfaire qu’un seul individu et le travail d’orfèvre du chirurgien-dentiste consiste à l’adapter parfaitement au patient dont il s’occupe.
Il est particulièrement heureux que les juges, dès 2004, aient décidé de généraliser et affirmer l’obligation de résultat au titre des diligences du chirurgien-dentiste, de la conception à la confection de l’appareillage dentaire.
Ainsi, la jurisprudence consacre donc cette obligation de qualité de la prestation fournie, qui emporte disparition de la distinction entre soins et prothèse.
Ceci est une bonne chose pour le patient qui voit ses droits consacrés et, surtout, s’assure de ne pas être empêtré dans des discussions stériles et sans fin sur l’étendue de la responsabilité du médecin, alors même que le préjudice est avéré.
Il est bien évident que le patient se préoccupe davantage de la prestation promise, à savoir la qualité de la prothèse, que de l’aptitude de la personne qui est présupposée, en raison de la formation même du contrat et des diplômes qu’a le chirurgien-dentiste, de telle sorte que le patient est en droit de considérer que son praticien est réputé être capable et compétent.
Cette obligation de qualité de résultat ne se confond cependant pas avec la notion de sécurité.
L’avantage de cette jurisprudence est qu’elle vient finalement compléter les dispositions de l’article L 221-1 du Code de la Consommation et 1386-4 du Code Civil, qui intègrent l’idée de sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre.
En effet, les textes légaux portent surtout sur la sécurité, alors que la jurisprudence se préoccupe de l’aptitude et de la sécurité.
Les textes viennent sanctionner le non-respect de l’obligation de sécurité, qui suppose une atteinte de l’intégrité physique de la personne.
Le défaut de sécurité cause nécessairement un dommage corporel.
En revanche, le défaut de qualité ne présuppose pas un dommage corporel.
Cette responsabilité s’intéresse plutôt aux situations de créances et d’obligations, à savoir que le patient ne subit pas d’atteinte à son intégrité physique mais possède une chose inutilisable qui ne correspond pas à l’usage souhaité et qui peut, à bien des égards, lui créer quelques préjudices, parfois même un dommage physique.
Par voie de conséquence, l’arrêt de la Cour de Cassation est très clair et les juges procèdent désormais à une véritable étude du comportement du praticien, ainsi qu’à la prothèse elle-même.
Les juges s’intéressent donc à la qualité des soins, qui suppose effectivement que le professionnel est bel et bien compétent et pour lequel ce praticien doit également intégrer toutes les données physiologiques du patient et n’en négliger aucune.
Dès lors, le chirurgien-dentiste compétent doit pouvoir affirmer ce à quoi un patient ne peut légitimement s’attendre. Il est alors tenu, même en cas de connaissances scientifiques incertaines, de les expliquer au patient, afin que ce dernier saisisse mieux l’utilité et les imperfections du traitement prothétique, comparées à sa situation dentaire actuelle. Dès lors pèse bel et bien et de surcroît sur le chirurgien-dentiste une véritable obligation d’information et de conseil.
La jurisprudence vient conforter les dispositions légales de l’article L 1142-1 du Code de la Santé Publique, qui consacre le principe de responsabilité pour faute et également les dispositions de l’article L 1110-5 du Code de la Santé Publique, issu de la Loi du 4 mars 2002, qui vient consacrer le droit de la personne, et par là-même le droit du patient, en ce que ce texte dispose que « Toute personne a le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l’efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire possible au regard des connaissances médicales avérées. ».
Il est bien évident que le défaut de qualité de la prothèse entraîne la violation du droit de recevoir des soins les plus appropriés.
Le praticien et donc le chirurgien-dentiste engage sa responsabilité, à la fois pour les actes et pour les produits de santé qu’il propose.
Même s’il est vrai que la qualité parfaite, voire idéale, n’existent pas, il n’en demeure pas moins que le patient est en droit d’exiger que le chirurgien dentiste fasse tout son possible pour réaliser une prothèse dentaire la plus fiable possible.
C’est dans ce sens que pèse non seulement sur le chirurgien-dentiste une obligation de conseil et de mise en garde, mais encore, à la lueur de cette jurisprudence 2004, une véritable obligation de qualité de résultat à toutes les étapes de l’opération, de telle sorte que le patient est désormais protégé, préservé de ses droits et est en mesure d’engager la responsabilité du chirurgien-dentiste dans l’hypothèse où ce dernier aurait manqué à ses obligations.