Il convient de s’intéresser à la réforme de la Loi n°2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante et qui est venu définir et dissocier le périmètre des différents patrimoines, personnels et professionnels de l’entrepreneur indépendant qui décide, en cas de cessation des paiements de bénéficier des dispositions protectrices du droit de l’entreprise en difficulté, et ce, à la lumière de cette nouvelle Loi du 14 février 2022 désormais entrée en vigueur depuis le 15 mai 2022.
Il appartient désormais au Tribunal de Commerce ou encore au Tribunal Judiciaire, chambre des procédures collectives, de déterminer dans le jugement d’ouverture la situation procédurale applicable puisque plusieurs hypothèses s’offrent à nous.
En effet, les conditions d’ouverture d’une procédure collective étant remplie, il convient désormais de s’intéresser aux conditions d’ouverture de la procédure collective qui doivent être remplies mais également de celles relative à l’ouverture d’une procédure de surendettement des particuliers puisque le débiteur peut faire l’objet d’une procédure collective limitée à son seul patrimoine professionnel, comme le précise l’article L.681-2 2ème du Code du Commerce :
« II. - Dans le cadre de la procédure ouverte, si les conditions prévues au 2° de l'article L. 681-1 ne sont pas réunies à la date du jugement d'ouverture, les dispositions des titres II à IV du présent livre qui intéressent les biens, droits ou obligations du débiteur sont comprises, sauf dispositions contraires, comme visant les éléments du seul patrimoine professionnel. Celles qui intéressent les droits ou obligations des créanciers du débiteur s'appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine professionnel. »
Dans l’hypothèse où, par extraordinaire, le Tribunal n’aurait pas déterminé dans son jugement d’ouverture qu’elle était la situation procédurale applicable, il apparait que le débiteur peut saisir le Tribunal d’une requête en omission à statuer sur le fondement classique de l’article 462 du Code de Procédure Civile afin d’envisager trois situations procédurales distinctes.
En effet, la situation du patrimoine professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel, tel que précisé par la Loi du 14 février 2022, peut conduire à trois situations procédurales distinctes :
1° - Le cas n°1, tel que visé dans l’article L.681-2 2° précise que :
« Les conditions d’ouverture d’une procédure collective étant remplies mais non celles d’une procédure de surendettement des particuliers, le débiteur doit faire l’objet d’une procédure collective limitée à son patrimoine professionnel. »
2° - Dans l’hypothèse d’un cas n°2, à la lecture de l’article L.681-2 3° du Code du Commerce précise que :
« Les conditions d’ouverture d’une procédure collective et celles d’une procédure de surendettement des particuliers étant remplies mais la séparation de ces patrimoines étant imparfaite, le débiteur doit faire l’objet d’une procédure collective bi patrimoniale, c’est-à-dire englobant son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel, tout en distinguant le droit de gage à chaque créancier. »
3° - Enfin, cas n°3, à la lecture de l’article L.681-2 4° précise que :
« Les conditions d’ouverture d’une procédure collective et celles d’une procédure de surendettement des particuliers étant remplies et la séparation de ces patrimoines étant parfaite, le débiteur doit faire l’objet d’une procédure collective pour son patrimoine professionnel et d’une procédure de surendettement des particuliers pour son patrimoine personnel. »
La séparation des patrimoines est alors tenue pour parfaite au sens de l’article L.681-2 4° si deux conditions cumulatives sont réunies.
Premièrement, la distinction des patrimoines professionnel et personnel a été strictement respectée, ce qui suppose notamment un compte bancaire dédié à une comptabilité régulière.
Deuxièmement, aucun des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle n’a pour gage le patrimoine personnel.
Cela concerne essentiellement les créanciers antérieurs au 15 mai 2022, créanciers bénéficiant d’une renonciation d’une sureté réelle sur un actif personnel ou encore les titulaires d’une créance fiscale ou sociale bénéficiant d’un gage étendu.
S’agissant de ce dernier cas, le créancier est titulaire d’une créance fiscale ou sociale bénéficiant d’un gage étendu, il ressort qu’en présence des dettes professionnelles nées avant le 15 mai 2022, et si les conditions prévues aux 1 et 2 de l’article L.681-1 sont réunies à la date du jugement d’ouverture, les dispositions des titres 2 à 4 qui intéressent les biens, droits ou obligations des débiteurs entrepreneurs individuels sont compris, sauf dispositions contraires comme visant à la fois les éléments du patrimoine professionnel et ceux du patrimoine personnel.
En clair, c’est la procédure visée au 3 de l’article L.381-2 du Code du Commerce qui devrait être applicable, ce qui permettrait dès lors d’intégrer dans la procédure collective non seulement les créances professionnelles mais également les créances personnelles, ce qui serait le plus judicieux car l’apport de cette Loi du 14 février 2022 qui vient déterminer des périmètres distincts des patrimoines concernés par la procédure collective en faveur de l’activité concernant les entrepreneurs indépendants et individuels font que cette dissociation entre patrimoine professionnel et personnel vont immanquablement impacter le bon déroulement procédural et viennent le complexifier à l’infini.
En effet, il faudra d’un côté justifier de la recevabilité de la procédure collective sur la base d’un passif constitué de créances professionnelles, en déterminant une date de cessation des paiements, tout en sachant que la notion de bonne ou mauvaise foi est absolument inopérante dans le cadre de la procédure collective.
Alors que, de l’autre côté, il conviendra non seulement d’analyser les créances personnelles sujettes à procédure de surendettement mais également, et surtout, de s’assurer que le critère de bonne foi, critère déterminant, est caractérisé.
Enfin, rappelons que les deux procédures, collective d’un côté et surendettement de l’autre côté, ne sont pas du tout liées par un calendrier distinct mais ont, au contraire, justement des agendas et des déroulements complètement différents.
Ce qui amène à intégrer un champ des hypothèses particulièrement large car quid du sort des créances professionnelles en cas de présentation et d’acceptation d’un plan de sauvegarde ou de redressement.
Qu’en est-il si par la suite une liquidation judiciaire est prononcée et qu’en est-il si de l’autre côté sur les créances personnelles font tout simplement l’objet d’un plan de surendettement ?
Soit le surendettement est accepté, soit il est rejeté au motif pris d’une problématique de mauvaise foi.
Si procédure de surendettement il y a, qu’en sera-t-il d’une présentation d’un plan de surendettement ou de l’hypothèse d’un rétablissement avec un abandon partiel ou total des créances ?
Et, qu’en sera-t-il de la question du rétablissement personnel si ce dernier n’est plus en mesure de faire face à ses obligations personnelles ?
Toutes ces hypothèses montrent bien le champ des possibles.
Ces possibles sont nombreux et offrent beaucoup d’options pour le débiteur qui doit déterminer, si possible à l’avance, la meilleure procédure pour faire face à ses obligations ou pour repartir à zéro.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit,