Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation, Chambre commerciale, du 19 avril 2023 N°21-19743 et qui vient aborder la question de l’effacement de la dette en cas de rétablissement personnel dans le cadre d’une procédure de surendettement.
Quid de l’effacement des dettes en cas de rétablissement personnel
Cette jurisprudence confirme qu’une dette n’est susceptible d’être effacée par la clôture de la procédure de rétablissement professionnel qu’à concurrence du montant indiqué dans l’état chiffré des créances.
Cela est important de le rappeler car les stratégies peuvent varier suivant que nous sommes en surendettement ou en procédure collective, étant rappelé que dans les deux cas le débiteur est tenu de remettre une liste des créanciers.
Que mettre dans la liste des créanciers que le débiteur doit remplir ?
Or, dans le cadre d’une procédure collective, il est parfois intéressant de réduire le passif autant que faire se peut et de ne pas forcément retenir le bon montant pour, au contraire, l’amoindrir au maximum pour permettre justement le champ des contestations de créance par la suite.
Alors qu’en procédure de surendettement, la stratégie serait du coup inversée puisqu’il conviendrait de préciser le plus juste montant possible afin que justement celui-ci soit intégralement purgé afin d’obtenir une purge du passif de l’intégralité de la créance empêchant ainsi le créancier de reprendre son droit de poursuite.
Il convient de rappeler en effet que selon l’article L645-11 du code du commerce, la clôture de la procédure de rétablissement personnel un débiteur entraine l’effacement de ses dettes à l’égard des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture de cette procédure qui a été portée à la connaissance du Juge commit par le débiteur et a fait l’objet de l’information prévue à l’article L645-8 de ce code.
Selon l’article R645-17 du même code, le jugement de clôture comprend l’état chiffré des créances effacées avec l’indication selon le cas du nom ou de la dénomination et du domicile ou siège des créanciers.
L’effacement des dettes déclarées au passif lors de la clôture du rétablissement personnel
Il en résulte qu’une dette n’est susceptible d’être effacée par la clôture de la procédure qu’à concurrence du montant indiqué dans cet état chiffré des créances.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, la SCI avait consenti à Madame G un bail portant sur un local commercial moyennant le paiement d’un loyer payable mensuellement et d’avance par termes égaux de 702.33 euros.
Le 08 novembre 2019, la SCI avait fait délivrer à sa locataire un commandement de payer la somme de 36 429.40 euros en principal, cet acte reproduisant la clause résolutoire incluse au contrat de bail, or, par jugement en date du 03 décembre 2019, Madame G avait bénéficié d’une procédure de rétablissement personnel.
Pour autant, cela n’a pas suffi à arrêter la SCI bailleresse puisque celle-ci a, le 09 mars 2020, assigné en référé Madame G en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire du bail et en paiement d’une somme prévisionnelle égale aux loyers impayés.
Entre temps, un jugement du 21 juillet 2020 avait ordonné la clôture de la procédure de rétablissement professionnel de Madame G disant que cette clôture entrainait l’effacement des dettes figurant sur la liste des créances déclarées et annexées au jugement.
Un montant minimisé par le débiteur au rétablissement personnel
Dans le cadre de ce pourvoi, la SCI faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel, rendu le 18 mai 2021 par la Cour d’appel de Fort de France, de rejeter ses demandes de résiliation du bail et de paiement d’un arriéré des loyers ainsi que d’une indemnité alors que selon elle la clôture de la procédure de rétablissement professionnel entraine effacement des dettes à l’égard des créanciers dont la créance née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure a été portée à la connaissance du Juge commis par le débiteur et a fait l’objet de l’information prévue à l’article L645-8 du code du commerce de telle sorte que c’est à tort que la Cour d’appel a constaté que la débitrice avait indiqué devoir à la SCI la seule somme de 18 330.58 euros.
Pour autant, la Cour d’appel de Fort de France avait bel et bien infirmé l’ordonnance de référé en ce qu’elle avait constaté que le commandement de payer du 08 novembre 2019 visé la clause résolutoire et portait sur la somme globale de 36 774.87 euros dont 36 420.40 euros au titre du principal de créance de l’allié étant demeurée infructueux un mois après sa signification.
Constatant ainsi que la clause résolutoire était bel et bien acquise au bailleur à compter du 08 décembre 2019 et constaté la résolution du bail signé le 07 avril 1989.
Considérant ainsi la dette de d’un montant de 36 429.40 euros comme ayant été effacée en totalité par la clôture de rétablissement professionnel alors que cette dette n’était pas portée par la débitrice à la connaissance du Juge commit mais seulement à concurrence de la somme de 18 330.58 euros, la Cour d’appel n’a pas déduit de ses propres constatations les conséquences qui s’en déduisaient nécessairement au regard de l’article L645-11 du code du commerce sus visé.
Une purge de la dette suivant le seul montant déclaré à la procédure de rétablissement personnel
La Cour de cassation est sensible à cette argumentation puisqu’elle précise, au visa des articles L645-11 et R645-17 du code du commerce que, selon le premier de ces textes la clôture de la procédure de rétablissement professionnel entraine l’effacement des dettes à l’égard des créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, a été portée à la connaissance du juge commis par le débiteur et a fait l’objet de l’information prévue à l’article L645-8 du code du commerce.
Selon le second article (R645-17) du code du commerce, le jugement de clôture comprend l’état chiffré des créances effacées avec l’indication selon le cas du nom ou de la dénomination et du domicile au siège du créancier.
Il en résulte qu’une dette n’est susceptible d’être effacée par la clôture de la procédure qu’à concurrence du montant indiqué dans cet état chiffré des créances.
Dès lors, pour rejeter les demandes de constat de la résiliation du bail et de paiement de l’arriéré de loyers formé par la SCI, l’arrêt retient que la dette de loyer de la locataire existait avant le 08 novembre 2019, date du commandement de payer, et que par une lettre en date du 06 avril 2020 le mandataire au rétablissement personnel de Madame G avait invité la SCI a lui adresser sa déclaration de créance dans les délais légaux, lui exposant que la débitrice avait indiqué lui devoir la somme de 18 330.58 euros et que les créances de loyers ne font pas partie des créances exclues de l’effacement de telle sorte que les créances de loyers ne pouvaient donc faire partie des créances exclues de l’effacement.
Une créance non déclarée exclue de l’effacement
En statuant ainsi alors que la créance portée à la connaissance du Juge commit et faisant l’objet du jugement de clôture de la procédure de rétablissement professionnel de Madame G important, son effacement était de 18 330.58 euros tandis que la SCI se prévoyait d’un commandement de payer portant sur un arriéré de loyers d’un montant supérieur de plus de 36 429.40 euros en principal, de telle sorte que la Cour d’appel a, en retenant l’effacement intégral de la dette de Madame G, a violé les taxes susvisées.
La Cour de cassation cassant et annulant l’arrêt rendu en mai 2021.
Quelle stratégie face au passif en procédure de rétablissement personnel ?
Dès lors, cette jurisprudence est intéressante puisque dans le cadre d’un rétablissement professionnel il importe dès lors au débiteur de préciser le montant exact qui serait dû alors que, comme nous l’avons vu tantôt, dans certaines autres procédures il serait parfois judicieux de ne pas déclarer l’intégralité du montant dû pour permettre justement dans le cadre d’une procédure collective classique de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, de contester la créance.
Rétablissement professionnel ou rétablissement personnel ?
Il en est ainsi dans le cadre d’une procédure de rétablissement personnel ainsi que de rétablissement professionnel où là l’intérêt est réel de voir la créance déclarée dans son intégralité au juste montant afin de permettre l’effacement de celle-ci, sans quoi, le créancier serait à même de reprendre un droit de poursuites à l’encontre du débiteur pour le solde de la créance ou pour une autre créance qui n’aurait pas été déclarée ou déclarée partiellement au rétablissement professionnel.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit,