Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour de Cassation en date du 29 juin 2011, n°10-25.098, dans lequel la Cour précise « que le liquidateur exerce en l’action du débiteur dessaisi sur le fondement de l’article 815 du Code Civil, une Cour d’Appel ne peut subordonner de l’exercice de l’action en partage à la justification de la créance ».
Dans cette affaire, il était question d’époux mariés sous le régime de la participation aux acquêts, qui avaient acheté un immeuble d’habitation en indivision. Le mari avait été quant à lui déclaré en liquidation judiciaire, et le mandataire liquidateur, en charge de réaliser les actifs et de vérifier le passif, avait alors assigné l’épouse aux fins d’obtenir, sur le fondement de l’article 815 du Code Civil, le partage de l’indivision et la licitation du bien indivis. La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, sur un arrêt du 4 mai 2010, avait cru bon pouvoir débouter le liquidateur, au motif qu’il résultait des règlements effectués par l’épouse que le passif de la liquidation judiciaire avait été intégralement réglé. Ainsi, faute de passif, il n’y avait pas lieu de réaliser l’actif. La Cour d’Appel relève d’ailleurs que le mandataire liquidateur ne justifie d’aucune créance. Toutefois, la Cour de Cassation casse cet arrêt et précise que l’exercice de l’action en partage ne peut être subordonné à la justification d’une créance.
En effet, le liquidateur exerçant l’action du débiteur dessaisi est en mesure, sur le fondement de l’article 815 du Code Civil, de procéder à une licitation de partage car, selon cet article, nul n’est contraint de demeurer dans l’indivision.
Ainsi de par le dessaisissement du débiteur, le mandataire liquidateur peut agir en licitation de partage, tant bien même celui-ci ne serait pas en mesure de justifier d’une quelconque créance à la procédure collective. En effet, la Cour de Cassation estime « qu’alors qu’elle constatait que le liquidateur exerçait l’action du débiteur dessaisi sur le fondement de l’article 815 du Code Civilla Cour d’Appel, en subordonnant l’exercice de l’action en partage de la justification d’une créance, a violé par fausse application les textes susvisés ».
La Cour de Cassation se fonde sur le dessaisissement du débiteur saisi, puisqu’en vertu de l’ancien article L622-9 du Code du Commerce « Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire importe de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens, même de ceux qu’il a acquis à quelque titre que ce soit, tant que la procédure de liquidation judiciaire n’est pas clôturée. ». Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. Il est alors paradoxal de remarquer que, alors que le mandataire judiciaire est considéré comme le représentant des créanciers, il représente également le débiteur de par l’effet du dessaisissement. Il est en mesure de réaliser les actifs et de procéder à une licitation de partage, alors même qu’il n’y a aucune créance à la procédure collective.
Cet arrêt du 29 juin 2011, parfaitement fondé en droit, peut malgré tout surprendre car le débiteur dessaisi pourrait être en mesure de s’opposer à cette licitation de partage, en ce qu’il aurait vocation à conserver sa part indivise du bien, alors que la liquidation judicaire serait intégralement désintéressée, plus aucune créance ne justifiant la réalisation des actifs. Afin de contrecarrer cette jurisprudence, le débiteur pourrait alors envisager de déposer une requête aux fins de clôture pour extinction du passif, afin de mettre un terme à la mission du mandataire liquidateur, qui du coup ne pourra se prévaloir du dessaisissement pour pouvoir réaliser cet actif et procéder à une licitation de partage.