Il convient de s’intéresser au cas spécifique des sociétés de quirataires qui définissent et régissent l’hypothèse de la copropriété d’un navire.
Cette société de quirataires se définit notamment par la volonté de plusieurs personnes de limiter les risques ou de s’associer par insuffisance des ressources personnelles afin de construire ou d’acheter un navire.
Ainsi ces personnes, en prenant une ou plusieurs parts dans le navire, deviennent des quirataires. Il est alors question de copropriétés de quirataires. Le navire est alors divisé en plusieurs parts, appelées quirats, qui constituent, par là -même, une copropriété.
À ce moment-là , les quirataires sont alors exploitants communs. Le navire est alors exploité en commun par l’ensemble des copropriétaires ou quirataires, ou à défaut par l’intermédiaire de gérants.
C’est la loi du 3 janvier 1967 qui régit le sort de la copropriété des navires mais qui n’apporte aucune réponse sur la constitution de cette copropriété et il est bien évident que celle-ci doit prendre forme par le biais de statuts qui vont constituer la copropriété et ce, à peine de nullité.
C’est en effet au vu de ce document, attestant la constitution de la copropriété, que le navire pourra alors être immatriculé et l’acte de francisation sera alors délivré.
Les statuts sont d’autant plus importants qu’ils permettent également de clarifier la position du quirataire vis-à -vis des tiers.
En effet, dans l’hypothèse où la copropriété du navire a vocation à faire face à des dettes de copropriétés, la qualité du quirataire et sa contribution au sein du quirat est importante et détermine la fraction d’obligation aux dettes pouvant peser sur le quirataire.
D’autant plus que le contrat de copropriété maritime a vocation à faire l’objet de publicités qui vont déterminer immanquablement les relations des quirataires vis-à -vis des tiers.
Au sein de la copropriété et conformément à l’article 11 de la loi du 3 juin 1967, les décisions relatives à l’exploitation et la propriété d’un navire sont prises à la majorité des intérêts, c’est-à -dire à la majorité des quirats.
Chaque quirataire dispose d’un droit de vote qui correspond à sa part de propriété.
Concernant la gérance de la copropriété, la gestion peut être confiée par la majorité ou par les statuts à un gérant de quirat. Cette nomination doit également être publiée, lorsqu’elle est intervenue de telle sorte que le nom du gérant doit figurer sur la fiche matricule et sur l’acte de francisation du navire.
Il convient de s’intéresser au quirataire en tant que tel et au sort de la copropriété de quirats dans l’hypothèse où celle-ci rencontre de véritables difficultés économiques.
Le droit de propriété étant partagé entre les copropriétaires, chaque quirataire détient un droit réel sur le navire et n’en fait pas apport à la copropriété.
Par conséquent, le quirataire participe aux profits et aux pertes de l’exploitation au prorata de ses intérêts dans le navire et contribue dans les mêmes proportions aux dépenses de la copropriété.
Ainsi les quirataires peuvent être effectivement tenus responsables des dettes de la copropriété.
Les copropriétaires doivent répondre des dettes légales, contractuelles, délictuelles ou quasi-délictuelles de la gérance. Du moment où le ou les gérants ont agi dans la limite de leurs pouvoirs légaux.
Les quirataires sont donc tenus d’être contractés par l’un d’entre eux, ou bien par une autre personne agissant sur leur mandat express, ou bien encore par le gérant agissant dans le cadre de ses pouvoirs (Ce qui n’est pas le cas lorsqu’une dette contractée a été contractée par une personne dépourvue de qualités pour engager l’ensemble des quirataires, de telle sorte que seul l’auteur de la date est tenu de la payer).
Il convient de rappeler qu’initialement les quirataires étaient indéfiniment et solidairement responsables du passif de la copropriété.
Toutefois, cela a fait l’objet d’une réforme puisque la loi n°87-444 du 26 juin 1987 prévoit désormais que les soldes de copropriétaires gérants demeurent engagés envers les créanciers de la copropriété de manière indéfinie et solidaire, sans pouvoir bénéficier de mention contraire.
Par contre, les quirataires non gérants sont tenus indéfiniment à proportion de leurs intérêts dans le navire, ce qui est important,
Il conviendra de savoir si oui ou non, la société de quirats peut faire l’objet d’une liquidation judiciaire, dans l’hypothèse où les créanciers se manifesteraient à leur encontre.
Et dans pareil cas, il convient de savoir ce qui, effectivement, a vocation à être supporté, par la suite, par les quirataires pris individuellement.
La copropriété de quirataire doit s’analyser à la lueur de l’article 1832 du Code civil qui définit le contrat de société.
En effet, un ou deux ou plusieurs quirataires conviennent d’affecter à une exploitation maritime, la jouissance de leur part dans le navire, chacun d’entre eux conserve un droit réel sur le bateau et ce afin de partager les bénéfices ou de profiter d’une économie ou bien encore de contribuer aux pertes. L’affectio societatis n’est pas un critère légal de l’article 1832 du Code civil, mais demeure l’élément déterminant des contrats de société, qui s’entend comme l’intention des parties de se traiter comme des égaux et de poursuivre ensemble une œuvre commune, semble également caractérisé entre les différents quirataires.
Il est évident que tout laisse à penser que la copropriété de quirataires ou bien encore ce que d’aucuns appellent la société de quirataires, peut bénéficier d’une personnalité juridique propre puisque celle-ci a un intérêt propre, fonctionnant suivant la loi de la majorité et représentée par un dirigeant, un gérant qui agit au nom et pour le compte de la copropriété en toutes circonstances comme le rappelle très clairement la loi de 1967.
Toutefois, s’il est vrai que la loi de 1967 n’apporte aucune précision sur la personnalité morale de la copropriété du navire, il n’en demeure pas moins qu’il n’y aucune restriction légale permettant à cette dernière d’exister en tant que telle et par conséquent de déposer le bilan si besoin était.
La jurisprudence a par ailleurs répondu à cette question par une jurisprudence ancienne de la Cour d’appel de Basse Terre, 1ère chambre, en date du 6 novembre 1995, dans laquelle la Cour rappelle que la personnalité civile n’est pas une création de la loi, elle appartient en principe à tout groupement pourvu d’une possibilité d’expression collective pour la défense d’intérêts licite dignes par la suite d’être juridiquement reconnus et protégés.
Dès lors, même dans ces textes, la reconnaissance de la personnalité juridique est possible pourvu que l’on ne puisse hésiter sur l’existence d’intérêts collectifs d’une part et sur la possibilité d’une expression collective organisée de ses intérêts d’autre part.
L’existence d’un patrimoine signe le corollaire de la personnalité juridique en n’étant pas la condition nécessaire.
Ainsi, la Cour considère, par une approche a contrario, que le fait que la loi du 3 janvier 1967, portant statut des navires et autres bâtiments de mer, qui a réglementé l’exploitation des navires en copropriétés ou sociétés de quirataires, disposait de la personnalité morale ne permet pas d’en déduire que ce groupement n’a pas en réalité la personnalité juridique et par conséquent ne puisse faire l’objet d’une procédure de redressement de liquidation judiciaire.
Par voie de conséquence, cette décision est extrêmement intéressant en ce qu’il vient permettre à une société de quirataires de déposer le bilan puisque celle-ci bénéficie d’une personnalité juridique propre au visa notamment de ce contrat de société qui lui permet donc de bénéficier des avantages des droits d’entreprise en difficulté.
Dès lors, il convient de s’intéresser aux causes de dissolution de la copropriété.
La dissolution peut être prononcée par la vente forcée du navire, la dissolution volontaire ou encore la décision de justice.
Selon l’article 26 de la loi du 3 janvier 1967, il est mis fin à l’exploitation en commun du navire par soi sa vente forcée aux enchères, soit sa dissolution volontaire, soit, par décision de justice.
La venté forcée aux enchères s’effectuerait par le créancier de la copropriété ou par un créancier hypothécaire d’une part de l’intégralité des parts du navire.
Elle peut être également ordonnée par décision de justice puisque celle-ci peut intervenir à la requête d’un copropriétaire lorsqu’aucune majorité ne peut plus se dégager au sein du groupement ou en cas d’annulation répétée des décisions de la majorité comme le rappelle l’article 13 de la loi de 1967.
Ce qui a d’ailleurs été confirmé par la jurisprudence.
Il est par contre regrettable que la loi de 1967 ne prévoit aucune stipulation express sur le sort de la copropriété en cas de cessation des paiements de la copropriété de quirataires.
Dès lors, la société de quirataires peut faire l’objet d’une liquidation judiciaire, à charge pour chacun des quirataires d’être tenu indéfiniment à proportion des parts qu’il a au sein de la copropriété de quirats.
Il appartient alors à chaque quirataire de se défendre au sein de la procédure collective, afin de faire valoir ses droits ou en tout état de cause ses multiples contestations contre les créanciers.
Car finalement, la vrai question est de savoir si, oui ou non, le quirataire s’expose à une action en extension de la liquidation judiciaire ?