Il convient de s’intéresser au sort de l’allocation veuvage en cette période de retraite, tout juste ralentie par l’État d’urgence sanitaire.
Tout laisse à croire que la réforme des retraites va amener le gouvernement à proposer d’harmoniser les divers régimes de réversion et de garantir au conjoint survivant l’équivalant de 70 % de la somme des pensions du couple.
Et ce, quel que soit le statut professionnel du défunt.
Cependant, reste à définir, d’une part le statut du défunt, et d’autre part le plafond de revenu retenu ? Le projet de réforme ne vient pas encore répondre à ces questions, ce qui est regrettable et donne un gout d’inachevé,
Dans le projet actuel, il n’est pas tenu compte du statut du défunt ? Grande question ? ni de revenus ?
Actuellement, le conjoint survivant peut prétendre à 54 % de la pension de retraite de son mari ou de sa femme décédée et ce, au régime général, alors que le bareme est 50 % dans les régimes de fonctionnaires, et que le bareme est aussi de 60 % à l’Agirc-Arrco.
A noter qu’aujourd’hui seul le régime général et l’Agirc-Arrco impose un seuil d’âge pour y prétendre : 55 ans.
Dans les régimes de fonctionnaires, aucune condition d’âge n’est appliquée.
La pension de réversion est attribuée le 1e jour qui suit le décès du conjoint.
De plus, il faut savoir que les régimes fonctionnaires et l’Agirc-Arcco versent cette pension sans aucune condition de ressources, ce qui n’est pas du tout le cas au régime général.
En effet, dans le régime général, il est tenu compte non seulement des ressources mais également des biens propres (mobiliers et immobiliers 3 % de la valeur / 12 (mois).
Le plafond de ressources actuel pour une personne seule est de 5 278,00 € par trimestre soit 1 759.33 € bruts par mois.
Un abattement de 30 % est aujourd’hui effectué pour les veuf(s) à compter de 55 ans qui exercent une activité professionnelle.
En pratique, les injustices sont nombreuses, les CARSAT qui effectuent les vérifications de droits ont la fâcheuse tendance à modifier la date de cristallisation et à, non seulement réduire les montants des pensions de réversion en question, mais surtout, viennent également solliciter, parfois plusieurs années plus tard, le remboursement d’indus versés,
Plongeant ainsi bon nombre de personnes dans des situations désastreuses.
Or, dans le futur système de retraite universel, la personne veuve conservera, au titre de la réversion, 70 % des droits à retraite dont bénéficie le couple, sans qu’aucune condition de ressources ne soit imposée.
Ce qui peut sembler parfaitement rassurant et intéressant.
Quoiqu’en disent les manifestants….
L’analyse technique prenant le pas sur la vindicte populaire….
Cependant le projet apporte un certain nombre de nouveautés, savoir que la pension de réversion sera réservée uniquement aux couples mariés (ce qui met une fois de plus à mal le principe du pacs), et ce, à compter de 62 ans.
Toutefois, pour garantir la situation des couples d’ores et déjà à la retraite, les droits à pension de réversion pour toute personne devenant veuve d’un conjoint parti à la retraite avec les règles du système actuel (donc jusqu’en 2037) seront inchangés.
A bien y comprendre l’esprit du texte, il s’agirait de prévoir une transition en douceur.
Cependant, une autre question demeure.
Qu’en sera-t-il de l’allocation veuvage ?
Aujourd’hui, lorsqu’une personne âgée de moins de 55 ans se retrouve veuf (ve) suite au décès de son époux(se), il est possible de bénéficier d’une allocation veuvage.
Cette allocation est soumise à des conditions d’âge du bénéficiaire et de ressources.
Son montant est de 622,82 euros par mois maximum en 2020 (montant en vigueur au 1er janvier).
Il peut être réduit selon les ressources du bénéficiaire.
Là encore l’assujettissement aux calculs et « caprices » de la CARSAT sont énormes.
Et varient d’ailleurs d’une CARSAT à une autre….
Elle est servie pendant 2 ans mais les textes actuels précisent aussi que si vous avez plus de 50 ans au moment de la demande vous pouvez y prétendre jusqu’à l’octroi de la pension de réversion soit jusqu’à 55 ans.
L’allocation veuvage fait le lien avec la pension de réversion.
Aucune information n’a été donnée concernant l’allocation veuvage … on peut penser qu’un lissage des minima sociaux va s’élargir en intégrant l’allocation veuvage au RSA….
Cela est l’occasion d’aborder la mécanique de l’allocation veuvage,
Qu’est-ce que l'allocation de veuvage ?
L'allocation de veuvage est une allocation temporaire qui peut être attribuée au conjoint survivant, sous condition de ressources.
Elle est servie pendant 2 ans à partir du 1er jour du mois qui comprend le décès. Si le conjoint survivant a au moins 50 ans à la date du décès, le service de l'allocation est prolongé jusqu'à son 55e anniversaire, comme le précise l’article L536-1 du Code de la sécurité sociale.
Le conjoint survivant qui ne remplit pas la condition d'âge pour avoir droit à la retraite de réversion peut avoir droit à l'allocation de veuvage.
Le droit à l'allocation de veuvage n'est pas ouvert pour :
- l'ex-conjoint divorcé ;
- le conjoint remarié ou vivant maritalement ;
- le conjoint qui a conclu un pacte civil de solidarité.
Le conjoint d'un assuré absent ou disparu peut avoir droit à l'allocation de veuvage si un jugement déclaratif d'absence ou de décès a été rendu par un tribunal de grande instance.
Les règles à respecter : exemples de situation :
- La date d’effet de l’allocation veuvage est le 1er jour du mois du décès de l’assuré.
Exemple : Monsieur X décède le 15 janvier 2019 = date d’effet 1er janvier 2019 pour une durée de 2 ans si le bénéficiaire a moins de 50 ans sinon l’allocation veuvage peut être servie jusqu’à 55 ans, date d’effet de la retraite de réversion. Le versement s'achève le jour du dernier mois de la date du décès de l'événement ou de la notification.
- Pour continuer à la percevoir, il est impératif de retourner tous les trimestres le questionnaire de ressources adressé au bénéficiaire (sinon l’allocation veuvage est suspendue).
- A la date de l’examen de la demande, le conjoint décédé doit avoir été affilié à l'assurance vieillesse au moins 3 mois, continus ou non, durant l'année précédant le décès.
- Le conjoint survivant ne doit pas disposer de ressources trimestrielles supérieures à 3,75 fois le montant maximal de l'allocation de veuvage en vigueur à cette date ( art. D. 356-2 du code de la sécurité sociale), soit depuis le 1er janvier 2019 il est de 2 31.43 € (770.81 € par mois). En cas de dépassement de ce montant, l'allocation est réduite à due concurrence
- Si la demande est faite au-delà des 12 mois suivant le décès la date d’attribution est le 1er jour du mois de votre demande. Exemple Monsieur X décède le 15 janvier 2019. Dépôt de l’allocation veuvage le 5 février 2020. Date d’attribution : 1er mars 2020 et jusqu’au 1er mars 2021 (maximum deux ans après la date du décès). L’assurée a perdu 1 an de bénéfice à l’allocation veuvage.
- Dans la situation où la conjointe sollicite le bénéfice de l’allocation veuvage deux ans après le décès de son conjoint, aucun droit ne pourra lui être servi.
- Le conjoint survivant doit résider en France. Toutefois, des exceptions existent. Compte tenu des accords internationaux de sécurité sociale, d'autres lieux de résidence sont possibles, selon la nationalité du conjoint survivant ou de l'assuré décédé.
Cette réforme est ainsi l’occasion de rappeler les règles relatives à l’allocation veuvage.
Et bien sur il conviendra de revenir sur le sujet de l’allocation veuvage lorsque la réforme sera aboutie.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,