Il convient de s’intéresser à une jurisprudence récente qui a été rendu par la Cour de cassation en octobre 2020, et qui vient aborder la problématique de l’exécution forcée de la vente lorsque l'une des parties, acquéreur ou vendeur, se refuse à réitérer l’acte et signer l'acte authentique de vente.
Il convient de rappeler qu’en matière de vente immobilière, à part quelques exceptions prévues dans le cadre des conditions du compromis de vente, l’expiration du délai fixé pour la réitération de la vente par acte authentique ouvre le droit pour chacune des parties, soit d'envisager une exécution forcée de la vente immobilière, soit d'en demander la résolution et l’indemnisation de son préjudice.
Dans certains cas même le demandeur peut solliciter d’un côté l’exécution forcée de la vente et de l’autre l'indemnisation du préjudice.
Dans certains cas celles-ci pouvant se cumuler.
La question est de savoir à partir de quand le demandeur à l'action est bien fondé à intervenir, rappelant bien que la date fixée aux fins de réitération de l'acte de vente dans le cadre du compromis est une date indicative et non pas une date impérative permettant juste à l'une des parties d'agir en exécution, ouvrant juste le droit pour chacune des parties d’agir tantôt en exécution forcée tantôt en indemnisation de son préjudice.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, la SCI N avait consenti à la société la SCI DR une promesse synallagmatique de vente sous conditions suspensives une parcelle de terrain sur laquelle était édifié un immeuble non achevé.
Un avenant avait prorogé la date de réalisation des conditions suspensives et de signature de l’acte authentique de vente au 30 avril 2010.
Cependant, après 2 mises en demeure de réaliser la vente des 22 novembre 2013 et 12 mai 2015 demeurées infructueuses, la SCI N avait alors assigné la SCI DR en résolution de la vente qu'elle considérait parfaite en raison de la réalisation des conditions suspensives et en paiement des dommages et intérêts.
Cependant, dans le cadre de la procédure, la SCI DR avait opposé une fin de non-recevoir, liée à la prescription de l’action rappelant en tant que de besoin que nous sommes sur une prescription à 5 ans.
Qu’en est-il de la prescription de l’action ?
La SCI DR soutenait cette prescription en considérant que dans la mesure où la date de la réalisation des conditions suspensives était fixée au 30 avril 2010, toutes actions engagées après le 1er mai 2015 étaient nécessairement prescrites.
Cette jurisprudence répond à la question du point de départ de la prescription permettant à la partie lésée d’assigner aux fins d’exécution forcée de la vente.
Elle vient également rappeler dans quelles conditions il y a lieu de caractériser le refus du contractant de signer l’acte authentique de vente.
La SCI, quant à elle, soutenait que la prescription en action responsabilité contractuelle ne pouvait courir qu’à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établie qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance.
Dès lors, en fixant un point de départ du délai de prescription au délai fixé par le compromis pour la réitération de la vente par acte authentique sans rechercher si à cette date la SCI N savait que la SCI DR abandonnait définitivement le projet, la Cour d'appel n’avait pas pu fonder en droit sa décision et c'est pour cela que la SCI N s’est pourvue en cassation.
La Cour de cassation rappelle en tant que de besoin que les actions personnelles et immobilières sont prescrites par 5 ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Cependant, quel point de départ retenir pour caractériser, ou non, la prescription ?
Ainsi, à bien y répondre, ce n’est pas parce que sur le compromis de vente il y a une date fixée que celle-ci correspond forcément le point de départ de la prescription dans le cadre de l'action aux fins d’exécution forcée de la vente.
En effet, la Cour de cassation rappelle qu’en matière de promesse de vente l’expiration du délai fixé pour la réitération de la vente par acte authentique ouvre, seulement, le droit pour chacune des parties soit d’agir en exécution forcée de la vente soit d’en demander la résolution et l’indemnisation de son préjudice.
Dès lors, le fait justifiant l’exercice de cette action ne peut consister que dans la connaissance par la partie titulaire de ce droit du refus de son co-contractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente.
Cette connaissance trouvant son expression au moment où l’acheteur se refusant s’exprime clairement soit en l’officialisant à travers une correspondance claire et non équivoque, et à défaut au jour de la signature de l’acte, sur convocation des parties, acheteur et vendeur, nécessairement par voie d’huissier et en établissant un procès-verbal de constat de difficultés liée soit à l’absence de l’une des parties, soit au refus de l’une des parties de signer l’acte réitératif,
Dès lors, à bien y comprendre la Cour d’appel n’avait pas de raison de déclarer l’action prescrite en retenant que le point de départ de la prescription aurait débuté le 1er mai 2010, soit le lendemain de la date fixée pour la signature de l’acte authentique de la vente.
Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse.
En effet, la Haute juridiction considère qu’en se déterminant ainsi la Cour d’appel n’a pas réussi à caractériser la connaissance à cette date par la SCI N, du refus de la SCI DR de ne plus acheter le bien.
Ainsi, force est de constater que le point de départ de la prescription découle clairement du moment où le vendeur a la parfaite connaissance du refus du co-contractant d'exécuter son obligation principale de signer l'acte authentique de vente.
Cette connaissance offre alors le droit pour chacune des parties soit d’agir en exécution forcée de la vente soit d’en demander la résolution et l’indemnisation de son préjudice.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,