Il convient de nous intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 15 mars 2012, concernant la responsabilité d’un gestionnaire de portefeuille financier auprès de son client.
Dans les faits qui nous occupent, un Monsieur à la retraite entretient des relations amicales avec son voisin, lequel est conseiller financier.
Des rapports de confiance s’établissent et ledit conseiller financier fait miroiter à son voisin, Monsieur X, qu’il est en mesure de lui faire fructifier un capital avec des performances de gains records. Monsieur X remet donc une somme de 100 000 euros, qu’il donne en gestion.
La convention de gestion est signée et prévoit clairement que le gestionnaire gèrera les avoirs et aura comme objectif un accroissement maximal du capital investi, qu’il pourra sur initiative, accomplir au nom et pour le compte des clients, des actes de disposition et d’administration portant sur les avoirs qui pourra notamment effectuer sur tous les marchés réglementés ou non, toute opération à terme ou au comptant, de vente, d’achat, d’encaissement d’arbitrage, d’échange, de souscription, concernant les instruments financiers. Une rémunération est établie à cette fin.
Ce même contrat de gestion prévoit que, le gestionnaire fournira au client un rapport de gestion tous les mois. Or, les mois passent, et nonobstant l’importance du placement effectué, Monsieur X n’a aucune nouvelle.
Lorsqu’il obtient enfin des informations, la situation de son compte est désastreuse, puisque c’est près de 90% de son placement qui aurait été perdu sur les places boursières.
C’est dans ces circonstances que Monsieur X a engagé la responsabilité du conseiller financier, lequel est un conseiller financier indépendant.
Inversement, le conseiller financier indépendant se défend de n’avoir apporté qu’un conseil amical, et n’avoir absolument pas rempli sa mission de gestionnaire de compte.
Or, il convient de rappeler que l’article 11 du règlement n°96-02 de l’ancienne COB (Commission des Opérations de Bourse), prévoit que, ces mandats de gestion doivent mentionner, les objectifs de la gestion, la catégorie d’instrument que peut comporter la gestion de portefeuille, les modalités d’information du mandant sur la gestion du portefeuille, la durée du contrat, les modalités de reconduction et de résiliation du mandat, et le mode de rémunération du mandataire.
Il est bien évident que le conseiller financier a, d’une part, procédé à un démarchage bancaire et financier, et s’est d’autre part, comporté en conseiller en investissement financier, or ladite profession est strictement réglementée par le code monétaire et financier.
En effet, celui-ci, au vu des dispositions de loi de la sécurité financière n°2003-706 du 1er août 2003, peut être inscrit auprès de l’autorité des marchés financiers.
Par la même, il appartient au conseiller financier indépendant de justifier avoir souscrit un contrat d’assurance le couvrant contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile professionnelle.
Il doit également justifier avoir adhéré à une association chargée de représentation de défense des droits et intérêts de ses membres.
De telle sorte que le conseiller financier n’ayant pas opéré ces diligences, a agi en total violation des articles L 341-3 et suivant et L 541-1 et suivant du code monétaire et financier.
Il convient d’ailleurs de rappeler à ce titre, que les articles L 353-2 et L 353-3, précisent bien que la violation des règles définies par le code monétaire et financier est par ailleurs consécutive d’un délit pénal, punissable des peines prévues par l’article 313-1 du code pénal.
Or, il convient de rappeler que le professionnel, plus particulièrement le professionnel de la finance, est tenu par un devoir d’information auprès de son client sur le risque encouru dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme. Cass. com 5 novembre1991, Cass. com 18 mai 1993, et Cass. com du 22 mai 2001.
En effet, le prestataire de service d’investissement est tenu dans l’obligation d’information et de mise en garde à l’égard de son client profane. Cass. com 31 janvier 2006.
Selon l’article 19 alinea 2 du règlement n°96-03 de l’ancienne COB, « Les informations utiles lui sont communiquées afin de lui permettre de confier la gestion de ses actifs ou de prendre une décision d’investissement en toute connaissance de cause ».
Bien plus, l’article 58 de la loi demodernisation des activités financières du 2 juillet 1996, précise ainsi dans une section consacrée aux règles de bonne conduite, que les prestataires de services d’investissement « doivent s’enquérir de la situation financière de leur client, de leur expérience en matière d’investissement et de leur objectif en ce qui concerne les services demandés ».
Ils doivent pareillement « communiquer d’une manière appropriée les informations utiles dans le cadre des négociations avec leur client ».
Ces règles « doivent être appliquées en tenant compte de la compétence professionnelle en matière de services d’investissement de la personne à laquelle le service d’investissement est rendu ».
Outre, la jurisprudence est unanime concernant l’obligation d’information et de conseil.
La Cour d’appel de Paris rappelle ce principe : « une société de bourse a, quelles que soient les relations contractuelles entre elle et son client, le devoir d’informer celui-ci des risques encourus dans les opérations spéculatives sur les marchés à terme, hors les cas où il en a connaissance ». CA Paris, 25e ch. B, 26 nov. 1999, Chaumet c/ SA Wargny, RD bancaire et financier 2000, n° 79
Cette information en amont, préalable à la prise de décisions par le client, sera suivie d’une information en aval, après accomplissement d’opérations pour le compte du client : le prestataire porte à la connaissance du mandant les engagements qui ont été souscrits pour son compte, en lui adressant des avis d’opéré et des relevés de comptes (Cf. M. Storck, Le silence du client après réception d’un avis d’opéré portant sur des opérations de bourse, Rev. dr. bancaire et bourse 1992, p. 12 ; T. com Paris, 12 mars 1996 : Juris-Data n° 041744 ; CA Aix-en-Provence, 17 nov. 1994, Juris-Data n° 048753).
L’obligation de conseil est en revanche délimitée essentiellement in concreto, compte tenu de la compétence et de l’expérience du client (V. en ce sens CA Versailles, 12ech., sect. 1, 30 mai 1996, Juris-Data n° 44269). Le prestataire de services met en lumière l’opportunité du comportement envisagé au regard du but poursuivi par le client (M. Fabre-Magnan, th. préc. n° 471), par une mise en garde contre les risques encourus, ou par une orientation dans la prise de décisions. Cette obligation de conseil doit être assurée après que le client a été informé des opérations ou investissements susceptibles d’être réalisés pour son compte, mais avant que des engagements soient effectivement souscrits.
Par ordre chronologique, il y aura donc information préalable du client sur les services d’investissement offerts par le prestataire, puis conseil donné au client sous forme de mise en garde ou d’incitation à l’accomplissement d’une opération, et enfin information du client sur les investissements réalisés dans ce cadre contractuel.
Le conseiller est également tenu d’une obligation de mise en garde.
La mise en garde est une information orientée de manière négative qui consiste à « attirer l’attention du cocontractant sur un aspect négatif du contrat, ou de la chose objet du contrat » (M. Fabre-Magnan, De l’obligation d’information dans les contrats, LGDJ, coll. Bibl. dr. privé, 1992, n° 467) : il s’agit de prévenir un risque de dommage ou d’inexécution en appelant l’attention de l’autre partie sur les précautions à prendre.
Il est donc bien évident que le conseiller financier indépendant avait une obligation de mise en garde vis-à-vis de son client, il lui a fait perdre la chance d’échapper à une mauvaise opération et à ses conséquences.
Ainsi, la Cour d’appel en son arrêt du 15 mars 2012 précise que le conseiller financier indépendant a « manqué à son obligation pré-contractuelle d’information de conseil et de mise en garde en ne se conformant en rien aux obligations prescrites en la matière au professionnel par la réglementation prévue au code monétaire et financier, étant appelé à ce sujet que le mandat de gestion lui avait été consenti dans une perspective de rendement maximum et donc avec une prise de risque également maximum, et en apportant aucune preuve d’un quelconque conseil ou d’une mise en garde autre qu’un simple avertissement de ce que les opérations envisagées ou en cours n’étaient pas sans risque ».
Il a encore manqué, au cours de son contrat, de se conformer sur l’ensemble de la période pendant laquelle la convention de gestion a eu un effet a son obligation de remettre ses rapports de gestion conformes aux stipulations contraires.
Ces diverses fautes ont entrainé pour Monsieur X, ainsi que ce dernier l’exprime dans ses écritures, un préjudice résulté de la perte d’une chance d’échapper à une mauvaise opération et à ses conséquences, ou encore d’en limiter la portée qu’il convient d’évaluer en première part, au titre d’une perte de capital à une somme de X, compte tenu de la confiance et de l’estime dont jouissait apparemment le conseiller financier indépendant auprès de lui, et d’autre part au titre du manque à gagner sur ce capital sachant qu’il est justifié par les productions, que la somme investie entre les mains du conseiller financier indépendant avait été obtenue en très grande partie par la vente d’OPCM qui auraient pu continuer à générer des revenus, qui convient d’évaluer à la somme de X.
Cet arrêt intéressant étant en droite lignée avec la jurisprudence de la Cour de Cassation, il convient de citer à ce titre l’arrêt de la Cour de Cassation rendu par la Chambre Commerciale le 26 juin 2012 sous le n° 11-11450.
Dans cet arrêt, il est précisé que l’investisseur qui tarde à couvrir ses positions bénéficie d’un crédit relevant du code de la consommation et peut obtenir du professionnel, qui a tardé à liquider ses positions débitrices, l’indemnisation totale de son préjudice, cette faute étant absorbée par celle du second.
Dans cette affaire, il s’agit de placements fait sur les marchés à règlement mensuel, qui ont été supprimés le 22 septembre 2000 et pour laquelle suite, il était question d’ordre à règlement en livraison différée au SRD.
En cas de OSRD, l’intervention de l’intermédiaire financier est essentielle, puisque sans lui, aucune opération à terme ne peut être effectuée par le client.
En effet, dans pareilles opérations, les ordres sont au comptant vis-à-vis du marché, et à terme vis-à-vis du client. L’obligation immédiate du paiement du prix ou de livraison des titres pèsent non pas sur le client, mais bel et bien sur le professionnel, qui, en contre partie devient détenteur du prix.
Dans son arrêt en date du 26 juin 2012, la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation précise que « le prestataire de service d’investissement intervenant pour le compte d’un donneur d’ordre sur le marché à règlement différé, est tenu, même sans ordre de liquidation et nonobstant tout ordre contraire de ce dernier, de liquider les positions de son client lorsque celui-ci n’a pas, le lendemain du dernier jour de la liquidation mensuelle, remis les titres ou les fonds nécessaires à la livraison des instruments financiers vendus ou au paiement des instruments financiers achetés. Une telle liquidation d’office devra également avoir lieu lorsque les positions du donneur d’ordre ont été reportées et que celui-ci n’a pas, avant la même date, réglé son solde débiteur et constitué ou complété la couverture afférente à l’opération de report.
Cette jurisprudence rendu très récemment a créé quelques débats, puisque la Cour de Cassation exclue tout partage de responsabilité entre le client et l’intermédiaire financier, ce dernier étant entièrement responsable du préjudice quelque soit l’attitude que peut avoir son client.
Une partie de la doctrine considère que cette jurisprudence est extrêmement sévère contre les établissements bancaires.
Mais pour ma part, je considère qu’elle est bienvenue, dans la mesure où les conseillers financiers manquent, dans certains cas, cruellement à leurs obligations de conseil et d’information, tant dans le cadre de leurs relations pré-contractuelles que dans le cadre des relations contractuelles.
Il n’est alors pas rare qu’après la signature des contrats de placement, toute information régulière ne soit pas nécessairement mis en place, de telle sorte que le client ayant fait un placement, qui cherche à un moment donné ou à un autre à savoir ce qu’il en advient, ne manque pas de tomber des nues devant la déconfiture qu’il a subi, alors même qu’il avait bien en tête la rentabilité maximale et les gains prometteurs, proposés par le conseiller financier en son temps.