Il convient de s’intéresser au cas spécifique de la société civile immobilière qui rencontre des difficultés économiques et qui est notamment poursuivie par l’établissement bancaire qui a financé l’acquisition du bien immeuble, propriété de la SCI.
Il n’est pas rare, effectivement, de constater que cette forme de société soit choisie par des personnes qui souhaitent effectuer un investissement immobilier à des fins locatives et créent donc une société civile immobilière afin d’acquérir ce bien.
De même, pour acquérir ce bien, ils se font financer par des établissements bancaires et par la suite, le bien étant acquis, celui-ci est mis en location et les lots sont alors loués à des tierces personnes.
Toutefois, en ces temps de conjoncture difficile, il n’est pas rare de constater que ces mêmes locataires rencontrent des difficultés, ne paient plus les loyers, mettant ainsi en difficulté la SCI qui se retrouve elle-même dans l’incapacité de faire face à ses obligations bancaires.
C’est dans ces circonstances que l’établissement bancaire peut prononcer la déchéance du terme et engager une action aux fins de saisie immobilière, dans la mesure où le prêt ne sera pas payé et dans la mesure où la déchéance du terme serait acquise, faute pour la SCI notamment d’avoir imaginé solliciter la suspension judiciaire des échéances du prêt.
Dès lors que la saisie immobilière est engagée, il est tout à fait possible, au titre de l’arrêt des poursuites individuelles, de déposer le bilan afin d’obtenir un redressement judiciaire, ce qui permettrait de présenter un plan de redressement, à la seule et unique condition, naturellement, que l’ensemble de la créance bancaire, ainsi que l’entier passif de la SCI, soit payable en dix échéances puisque le plan de redressement permet justement de désintéresser les créanciers sur dix ans.
Dans pareil cas, il appartient à ce moment-là à la SCI de vérifier la faisabilité de son plan de redressement en s’assurant bien que la créance bancaire pourrait être désintéressée en dix ans.
L’attrait principal de cette ouverture de redressement judiciaire de sauvegarde est de permettre de préserver l’actif, puisque l’ouverture du redressement judiciaire s’entend en tant que telle par l’arrêt des poursuites individuelles, de telle sorte que le bien ne peut plus être saisi et qu’il a juste vocation à être placé et les créanciers ne peuvent plus le saisir, à charge pour le créancier de déclarer au passif de la procédure collective.
Toutefois, il n’est pas rare, à ce stade, de remarquer que l’établissement bancaire va à ce moment-là réagir et ne va pas forcément attendre l’ouverture de la procédure collective pour réagir.
Elle procède alors par voie de saisie-attribution sur les revenus locatifs de la SCI et ce, alors même que la SCI n’est pas encore sous le coup d’un redressement judiciaire.
La saisie-attribution est extrêmement efficace.
En effet, cette procédure permet à tout créancier muni d’un titre exécutoire, constatant une créance liquide exigible, de saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.
La particularité de la saisie-attribution réside dans l’effet attributif immédiat qu’elle opère.
Cet effet est immanquablement le principal attrait de la saisie-attribution qui la rend incontestablement efficace.
Cependant, cela constitue corrélativement une véritable difficulté dans le cadre du redressement judiciaire de la SCI, car la SCI peut effectivement envisager présenter un plan de redressement sur la base des revenus locatifs qu’elle détient, sauf à ce que la saisie-attribution vienne justement appréhender l’ensemble des revenus locatifs permettant de présenter un plan de redressement.
Ainsi, par cette approche, l’établissement bancaire viendrait empêcher toute faisabilité de plan de redressement et plongerait par là même la SCI en liquidation judiciaire.
Pour le créancier, la saisie-attribution présente des caractéristiques extrêmement intéressantes en ce qu’elle met à rude épreuve les grandes entreprises en difficulté et permet d’appréhender directement les loyers, au risque d’empêcher la SCI de présenter un plan de redressement.
Ainsi, il appartiendra naturellement à la SCI de vérifier les modalités de signification de la saisie-attribution, afin d’imaginer solliciter sa nullité ou son inopposabilité.
Enfin, il convient de rappeler que la mise en œuvre d’une saisie-attribution implique le respect de certains impératifs liés à l’acte de saisie lui-même, et à la procédure que doit respecter sa signification.
Il convient naturellement de vérifier l’absence d’irrégularités liées au contenu même de l’acte de saisie.
La question peut alors se poser de savoir s’il est possible d’obtenir la nullité de la saisie-attribution dans la mesure où l’établissement bancaire, ou en tout cas le créancier ne pouvait ignorer la cessation de paiement de la société civile immobilière.
Or, l’ouverture d’un redressement judiciaire à l’encontre d’un débiteur entraîne immanquablement la fixation de la date de cessation de paiement, soit de manière provisionnelle à la date du jugement d’ouverture du redressement judiciaire, soit à une date antérieure.
Il s’agit là d’une compétence attribuée au Tribunal puisque l’article L631-8 du code du commerce prévoit que le Tribunal fixe la date de cessation des paiements.
A défaut de détermination de cette date, la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d’ouverture de la procédure.
Or cette date de cessation de paiement peut être fixée à dix-huit mois avant la date du jugement d’ouverture, ce qui laisse entrer dans le champ de cette période suspecte bon nombre d’actes posés qui peuvent être contestés.
A cet égard, il convient de préciser que l’article L632-2 du Code du commerce prévoit l’annulation de toute saisie-attribution si celle-ci a été délivrée par un créancier, à compter de la date de cessation de paiement et en connaissance de celle-ci.
Deux conséquences découlent de ce principe : en premier lieu, il apparaît évident que la saisie-attribution pratiquée en période suspecte est présumée valide.
Cependant, en deuxième lieu, celle-ci peut être annulée au motif pris que le créancier a justement connaissance de la cessation des paiements de l’entreprise.
En effet et fort heureusement, l’article L432-2 du Code du commerce prévoit que tout avis à tiers détenteur, toute saisie-attribution, toute opposition peut également être annulé lorsqu’il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation de paiement et en connaissance de celle-ci.
Toutefois, il n’échappera pas au lecteur attentif que le législateur sollicite une condition commutative à celle de l’existence de la cessation de paiement puisqu’il faut également démontrer que le créancier saisissant a eu connaissance de ladite cessation de paiement au moment de la saisie-attribution.
Il est vrai que dans pareil cas, dans l’esprit du législateur, le créancier saisissant bénéficie d’une présomption lorsque celui-ci signifie une saisie-attribution en période suspecte.
En effet, il ne lui appartient pas de s’assurer que le débiteur n’est pas en cessation de paiement.
Dès lors, lorsque la saisie-attribution a été effectuée en période suspecte, et que la SCI qui n’a plus accès à ses revenus locatifs entend faire annuler la saisie-attribution sur ce fondement, il est bien évident que la preuve de la connaissance de l’état de cessation des paiements par le créancier doit être rapportée par cette dernière.
La jurisprudence est claire sur ce point : Cour d’appel de Nancy, 16 mars 2011, n°09/02559.
La jurisprudence semble encline à reconnaître la connaissance de l’état de cessation de ses paiements par le créancier lorsqu’un véritable faisceau d’indices laisse à penser que l’entreprise est effectivement en difficulté.
Ainsi, la Cour d’appel de Nancy a retenu, concernant l’avis à tiers détenteur, que les éléments de comptabilité transmis à l’administration fiscale démontraient une dégradation toujours plus importante des résultats du débiteur depuis 2008, sans qu’une solution de redressement n’apparaisse et décrivait, au-delà d’une situation difficile, une situation compromise, de nature à caractériser un état de cessation des paiements, Cour d’appel de Nancy, 26 octobre 2011, jurisdata n°2011-032141.
La difficulté encore est que l’annulation de la saisie-attribution pratiquée en période suspecte demeure facultative.
Il faut pour la SCI se montrer convaincante, car l’article L132-2 du Code du commerce dispose que tout avis à tiers détenteur, toute saisie-attribution ou toute opposition peut « également être annulée lorsqu’elle a été délivrée ou pratiquée par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci ».
Il en découle que la nullité attachée à l’exécution d’une saisie-attribution en période suspecte n’est que facultative.
Par voie de conséquence quand bien même les conditions d’annulation de la saisie-attribution pratiquée en période suspecte sont réunies, il appartient au juge de décider de l’annulation ou non de ladite saisie, le juge de l’exécution bénéficiant à cet égard d’un véritable pouvoir souverain d’appréciation de prononcer ou non cette nullité.
Ainsi certaines jurisprudences viennent refuser la nullité de la saisie-attribution au motif pris notamment des graves conséquences de l’annulation de la saisie litigieuse sur la situation financière du créancier saisissant, comme l’illustre par exemple la Cour d’appel de Paris, 5 novembre 2010, n°10/06684
La Cour soulignera d’ailleurs que cette décision semblait parfaitement légitime afin justement d’éviter une défaillance en chaîne du créancier saisissant.
Cependant, il m’apparait que ce critère objectif de refus d’annulation de la saisie-attribution pratiquée en période suspecte doit être contesté dans la mesure où il est bien évident qu’un établissement bancaire n’est pas lui-même exposé à une difficulté financière récurrente au motif pris que la saisie-attribution serait annulée.
Bien au contraire, il convient de procéder par voie d’équilibre financier, car dans l’hypothèse où la SCI ne pourrait faire face à ses obligations financières et se retrouverait en liquidation judiciaire, il est bien évident que le sort des baux d’habitation ou même des baux commerciaux serait altéré par les opérations liquidatives engagées par le mandataire liquidateur de la SCI si celle-ci se retrouvait en liquidation judiciaire.
En effet, le mandataire liquidateur n’a pas, quant à lui, pour mission de procéder au recouvrement des loyers en tant que tels et a par contre vocation à procéder à la réalisation des actifs.
On ne peut que s’interroger sur la pertinence et l’efficacité d’une opération de réalisation des actifs d’une SCI dont l’ensemble des revenus locatifs serait appréhendé par la banque.
Ainsi, le créancier qui cherche à se privilégier et à appréhender les loyers, priverait la SCI de chances d’obtention d’un plan de redressement, plongeant la SCI en liquidation judiciaire.
Or, la liquidation judiciaire viendrait mettre fin aux contrats de location, et donc aux revenus locatifs…
Toutefois, d’autres questions se posent, en premier lieu sur la dénonciation qui doit être faite aux organes de la procédure collective, lorsque justement la SCI est placée en redressement ou en liquidation judiciaire.
Dans l’hypothèse où nous ne sommes qu’en présence d’une procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire, le destinataire de la dénonciation demeure le chef de l’entreprise ou le dirigeant de la SCI, puisqu’il n’y a pas de dessaisissement du débiteur saisi en tant que tel.
Cependant le destinataire de la dénonciation variera selon que l’administrateur est investi d’une simple mission de surveillance ou d’une mission d’assistance.
En effet, en cas de procédure de sauvegarde, l’administrateur désigné ne peut intervenir que par une mission de surveillance.
Dès lors, dans pareil cas, l’administration de l’entreprise continue d’être assurée par son dirigeant.
Le dirigeant de la SCI conserve alors l’ensemble de ses prérogatives et est entièrement libre, c’est donc lui le destinataire de la dénonciation de la saisie-attribution.
Par contre, lorsque le Tribunal de commerce ajoute à la mission de surveillance, une mission d’assistance par l’administrateur, l’administrateur a vocation à effectuer des actes de gestion qui sont placés du coup dans son champ de compétences et il appartient à ce moment-là à procéder à la dénonciation de la saisie-attribution entre ses mains.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 4 mars 2003, rappelle que la dénonciation de la saisie-attribution doit être faite avant tout au débiteur qui demeure encore à la tête de ses biens, dans la mesure où la mission d’assistance n’a pas pour effet de le dessaisir.
Toutefois, une telle dénonciation au débiteur qui est encore à la tête de ses biens, n’est pas suffisante, l’administrateur chargé d’une mission d’assistance pouvant être aussi en vertu des actes de gestion entrant dans le champ de sa compétence destinataire de la dénonciation.
Enfin, dans l’hypothèse d’une liquidation judiciaire, il est bien évident que le débiteur est déssaisi, et seul le mandataire judiciaire a vocation à être destinataire de la saisie-attribution.
Enfin, il convient de rappeler que la procédure de saisie-attribution a vocation à bénéficier à tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide exigée.
Or, pour en revenir au cas spécifique de la Société Civile Immobilière, qui se retrouve engagée par un emprunt financier important, lequel a été conclu par acte authentique, il apparaît que, justement, le créancier saisissant, l’établissement bancaire, peut se prévaloir de cet acte de prêt authentique qui est revêtu du caractère exécutoire.
Est-ce que pour autant cet acte authentique permet de considérer que la créance est liquide et exigible, cela n’est pas forcément acquis, car aucun jugement n’est venu conforter l’acte notarié de prêt en tant que tel en venant confirmer que la déchéance du terme est bien valide, que le calcul des intérêts est tout aussi valide et qu’enfin, le créancier est donc bien fondé à venir engager une saisie-attribution.
A mon sens, les moyens de contestation sont également importants, car, dans la mesure où l’effet attributif immédiat a pour conséquence de faire sortir la créance qu’a le débiteur saisi de son patrimoine pour le faire entrer dans le patrimoine du créancier saisissant la SCI en question se retrouve sans aucun revenu locatif et ne peut plus user des avantages mêmes de l’esprit du droit de l’entreprise en difficulté, qui consistent à présenter un plan de redressement afin de faire face à ses créances, de les payer sur dix ans, tout en conservant, c’est d’importance l’actif immobilier.
Ainsi s’il est vrai que la saisie-attribution, par son effet attributif immédiat, vient immanquablement malmener les bénéfices du droit de l’entreprise en difficulté, il n’en demeure pas moins que la SCI qui est frappée d’une saisie-attribution venant lui enlever les revenus locatifs de ladite SCI, n’est pas démunie et peut manifester un certain nombre de contestations.
Ainsi, cela est autant plus vrai lorsque cette saisie-attribution apparait le temps d’une procédure de saisie immobilière, alors même que la SCI a sollicité dans le cadre de la contestation qu’elle émet de cette saisie immobilière, l’hypothèse d’un dépôt de bilan afin justement de pouvoir préserver l’actif et de payer le créancier dans le cadre d’un plan de redressement.
Dans pareil cas, il n’est pas rare de constater que l’établissement bancaire se repositionne par le biais de saisies-attributions sur les revenus locatifs qui viennent détériorer considérablement les chances de faisabilité d’un plan de redressement.
Cela est parfaitement contestable.
D’autant plus qu’il apparaît bien évident que l’établissement bancaire en question ne peut ignorer l’existence d’une cessation de paiement puisqu’il a, lui-même, fait le choix de délivrer avant cela un commandement de payer valant saisie immobilière.
Dès lors, il appartient à la SCI en difficulté économique de solliciter un redressement judiciaire, de contester tout naturellement la créance même de l’établissement bancaire, tant sur son fondement que sur les modalités de calcul, notamment en sollicitant la contestation des intérêts et sollicitant l’annulation de la clause de stipulation des intérêts, afin de permettre de réduire comme peau de chagrin la créance bancaire.
La créance bancaire étant ainsi réduite, il est d’autant plus aisé pour la SCI d’y faire face dans le cadre d’un plan de redressement, ce qui est important, car cela permettra de désintéresser les créanciers, avec des créances admises à leur juste proportion, tout en préservant l’actif immobilier, conformément à l’esprit même de la Loi.
Ainsi s’il est vrai que la saisie-attribution présente des avantages incontestables pour le créancier et vient très sérieusement malmener le débiteur en difficulté, il n’en demeure pas moins que la SCI qui se retrouve frappée d’une saisie-attribution sur ses revenus locatifs a malgré tout des armes pour se défendre et peut venir contester la validité de la saisie-attribution.