Il convient de s’intéresser à deux arrêts récents, le premier de la Cour de cassation, le deuxième de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
En premier lieu, il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation ce 4 mars 2014 et qui vient répondre à une question importante, déterminant le sort d’une SCI lorsque celle-ci entend déposer le bilan pour se placer en redressement judiciaire, et bénéficier des avantages du droit de l’entreprise en difficulté.
Lui permettant ainsi de pouvoir bénéficier du principe de l’arrêt des poursuites individuelles afin de préserver son bien immobilier, afin que ce dernier ne soit pas vendu aux enchères publiques.
En effet, en présence d’un acte de prêt conclu devant notaire, et revêtu par conséquence, de la force exécutoire, il n’est pas rare de constater qu’en cas de difficulté économique, la SCI se retrouve poursuivie par la banque aux fins de saisie immobilière.
L’acte authentique du notaire ayant force exécutoire, la seule défaillance de la SCI peut permettre à la banque d’envisager immédiatement une saisie immobilière du bien, ce qui a pour effet d’exposer très rapidement, dans un calendrier procédural extrêmement court, le bien immobilier aux enchères publiques.
Une véritable course contre la montre s’installe alors.
Ceci d’autant plus que le débiteur a l’obligation procédurale de soulever tous les moyens de fait et de droit devant le juge de l’orientation.
Il est alors tout à fait possible pour la SCI d’imagine déposer le bilan et solliciter un redressement judiciaire, lorsque l’actif de celle-ci est composé d’un certain nombre de logements qui sont autant de revenus locatifs.
En effet, fort de ces revenus locatifs elle peut envisager présenter un plan de redressement qui permettra de payer ses créanciers, au besoin de contester le bien-fondé de la créance bancaire, et surtout de préserver l’actif dans la longueur, ce qui est une bonne chose.
Toutefois, dans cette véritable course contre la montre, il faut d’un côté ne pas manquer de soulever tous les moyens de fait et de droit à sa disposition devant le juge de l’orientation et, en cas d’appel, faire de même devant la Cour d’appel et dans ce même laps de temps il convient de déposer le bilan.
La question qui peut alors se poser est de savoir s’il n’est pas trop tard lorsque la Cour d’appel a rendu un arrêt de confirmation de la vente aux enchères publiques du bien avant que le redressement judiciaire ne soit prononcé.
Ce stade procédural est particulier.
En effet, dans l’hypothèse où le Juge de l’orientation ordonne la vente aux enchères publiques, le débiteur saisi peut frapper d’appel cette décision.
Cependant, le délai d’appel est extrêmement court, quinze jours, et dois faire l’objet d’un appel motivé, effectué avec assignation à jour fixe, pour une audience fixée dans des délais brefs, et où les possibilités de renvoi sont réduites à leur plus simple expression.
Très rapidement, la décision de la Cour d’appel peut venir confirmer la procédure de vente aux enchères publiques et prendre de court le débiteur malheureux, la SCI en difficulté financière, qui aimerait bénéficier des avantages du droit de l’entreprise en difficulté et des avantages d’un redressement judiciaire auxquels est attaché le principe de l’arrêt des poursuites individuelles.
Et ce, alors même que la prochaine étape est l’audience d’adjudication, autrement appelée audience de criée.
Les deux jurisprudences abordées dans cette chronique apportent des réponses.
Dans l’arrêt de la Cour de cassation du 4 mars 2014, une banque avait fait délivrer en novembre 2009 à une SCI un commandement de payer valant saisie immobilière.
Ledit commandement de payer avait été publié en décembre 2009 et par jugement du 15 avril 2010 le Juge de l’orientation avait ordonné la vente aux enchères publiques du bien et, plus particulièrement dans ce cas d’espèce par un jugement en date du 24 juin 2010, l’immeuble avait été adjugé à une société.
Or, une procédure de déclaration de surenchères avait été engagée et dans ce même laps de temps, le 2 juillet 2010, la SCI était placée en redressement judiciaire.
La SCI, son gérant et le mandataire judiciaire sollicitaient la constatation de la suspension de la procédure de saisie immobilière qui résulte, par le simple effet de la loi, de l’ouverture de la procédure collective.
La Cour d’appel de Bordeaux avait cru bon dire n’y avoir lieu à constater la suspension de la procédure immobilière, au motif pris notamment que comme implication de l’article 99 du décret du 27 juillet 2006, désormais codifié dans le Code des procédures civiles d’exécution, ledit texte prévoyant que les enchères seront prises en cas de surenchère, ce qui implique que la vente elle-même ne peut être remise en cause, de sorte que la surenchère en tant que modalité de l’enchère, le jugement d’adjudication intervenu avant le jugement d’ouverture de la procédure collective du débiteur saisi fait définitivement sortir le bien du patrimoine de ce dernier.
Or, fort heureusement, la Cour de cassation a rendu une décision en précisant que la Cour d’appel avait violé l’article L622-21 2 du Code du commerce qui vient consacrer le principe de l’arrêt des poursuites individuelles.
Dès lors, cette jurisprudence est extrêmement claire : en l’absence d’adjudication définitive de l’immeuble avant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire du débiteur saisi, la procédure de saisie immobilière à son encontre est arrêtée.
Par conséquent, cela signifie que quand bien même le Juge de l’orientation ordonnerait la vente aux enchères publiques, quand bien même la Cour d’appel viendrait le confirmer, la SCI en difficulté financière pourrait toujours imaginer déposer le bilan avant que le bien soit vendu à l’audience de criée.
Dans ce même état d’esprit, il convient également de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 20 juin 2014.
Dans cet arrêt, la SCI en litige avait été destinataire d’un commandement de payer valant saisie et par acte d’huissier en date du 22 avril 2013, la SCI avait été assignée à comparaître devant le Juge de l’orientation du Tribunal d’instance de Marseille à une audience d’orientation du 18 juin 2013 qui avait été renvoyée à plusieurs reprises et dans les dernières conclusions, la SCI sollicitait en décembre 2013 l’arrêt des poursuites individuelles au motif pris qu’elle était en cessation des paiements et qu’elle était en train de solliciter l’ouverture d’un redressement judiciaire.
Toutefois, faute de jugement d’ouverture, le Juge de l’orientation avait rejeté les prétentions de la SCI en question et avait ordonné la vente forcée de l’actif immobilier.
Appel avait été interjeté et, dans ce même laps de temps, la SCI régularise les formalités de dépôt de bilan.
L’une des particularités procédurales est que l’ouverture du redressement judiciaire n’est pas nécessairement prononcée par la même juridiction, puisque si la procédure de saisie immobilière est diligentée dans le ressort du Tribunal de Grande instance ou se situe l’immeuble, le redressement judiciaire d’une SCI est prononcé par le Tribunal de Grande instance de son siège social, qui peut donc être différent.
Or, en l’espèce, le Tribunal de grande instance du ressort du siège social de la SCI qui est compétent, ledit Tribunal de grande instance saisi avait opté pour une désignation d’un juge commis aux fins de vérifier si oui ou non la SCI était en cessation de paiement.
Cette décision pourrait sembler curieuse, car il est bien évident que le commandement de payer valant saisie immobilière emporte par sa nature même cessation de paiement et le redressement judiciaire était fondé.
Toutefois, la désignation du juge commis avec une mission de vérification de la cessation de paiement avec un délai de 2 mois venait clairement altérer dans le temps la demande de redressement judiciaire, car il importait pour la SCI d’obtenir une ouverture de redressement judiciaire avant que la Cour d’appel ne s’exprime.
Or le hasard du calendrier fera que, d’un côté, le 20 juin 2014, la Cour d’appel rejette la demande d’arrêt des poursuites individuelles au motif pris que le redressement judiciaire n’était pas encore prononcée.
De l’autre côté, l’autre juridiction prononce le redressement judiciaire de la SCI par une décision du 24 juin 2014.
Ainsi, 4 jours séparent l’arrêt confirmatif de vente aux enchères publiques du bien et le jugement de redressement judiciaire.
La question qui se pose alors est de savoir si la survenance d’un redressement judiciaire après l’arrêt de la Cour d’appel venant entériner et confirmer la procédure de vente forcée du bien, avait vocation à permettre à la SCI de ne pas voir son bien vendu à l’audience de criée.
Cette jurisprudence de mars 2014 de la Cour de cassation est effectivement salutaire, car elle met très clairement en exergue qu’à défaut d’adjudication définitive, l’arrêt des poursuites individuelles est parfaitement opposable en cas de redressement judiciaire par la SCI à tout établissement bancaire.
Dès lors, le bien n’a pas vocation à être vendu, la SCI débitrice a la possibilité de présenter un plan de redressement forte des revenus locatifs qui lui permettraient de désintéresser sur dix ans la créance bancaire, et dans ce même laps de temps elle peut parfaitement aller contester les décomptes toujours pharaoniques des établissements bancaires qui, en cas de défaillance du débiteur, ne manquent pas de venir faire état de frais et intérêts générés toujours importants.
Ceci tout en préservant l’actif de la SCI.
Voire même en le rendant inaliénable tout le temps du plan de redressement judiciaire.
Ainsi, le redressement judiciaire de la société civile immobilière demeure une alternative procédurale juridique, judiciaire et économique intéressante, car cela permet à la SCI de préserver son actif, de ne pas le voir vendu à vil prix aux enchères publiques et de présenter un plan de redressement pour pouvoir justement payer le créancier, préserver son actif et au besoin contester la créance pour la faire réduire comme peau de chagrin.