Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, en date du 31 janvier 2013, sous le numéro de pourvoi 12-12.670.
Cet arrêt vient préciser que la caducité du commandement de payer résultant d’une assignation tardive devant le juge de l’orientation ne peut être demandée après l’audience d’orientation.
Les faits sont les suivants.
Objet d’une saisie immobilière, une S.C.I. a sollicité à l’audience d’orientation, la vente amiable du bien, puisque justement l’audience d’orientation sert, soit à contester la procédure de saisie immobilière proprement dite, soit la créance qui en est la source, et à défaut, il est possible devant cette juridiction de proposer, afin d’éviter que le bien ne soit vendu aux enchères, une vente amiable.
Toutefois, passée cette audience et par une note en délibéré, la S.C.I. a invoqué la caducité du commandement valant saisie, puisque celle-ci avait été payée le 17 juillet 2010 et l’assignation datait quant à elle du 28 septembre 2010, de telle sorte qu’elle n’avait pas été délivrée dans les deux mois de la publication de celui-ci.
Toutefois, et nonobstant cette note en délibéré qui laissait à penser que la procédure était caduque et, en tout état de cause, irrégulière, le juge de l’exécution va ordonner la vente amiable du bien. La Cour d’Appel, qui viendra trancher sur le recours de la S.C.I., viendra confirmer le raisonnement pris par le juge de l’exécution.
Enfin, la Cour de Cassation rejette le pourvoi.
Sur un terrain purement procédural, il convient de rappeler que la procédure de saisie immobilière est une procédure extrêmement règlementée, qui souffre d’un formalisme extrêmement précis.
Il est d’ailleurs parfois curieux de constater que les commandements de payer et les assignations faites par les établissements bancaires, qui viennent poursuivre l’emprunteur qui n’aurait pas fait face à ses obligations, sont bien plus préoccupés par le formalisme de la procédure et les dispositions de rigueur qui ont vocation à être prises que finalement par le bienfondé de la créance.
Ce qui offre par ailleurs bien des possibilités de contestation sur le fond qu’il ne faut surtout pas occulter.
Hormis l’origine du prêt et le montant total de la créance réclamée, ces derniers font bien souvent l’économie de tout l’historique des rapports entre l’établissement bancaire et l’emprunteur.
Suivant la nouvelle codification, qui découle du Code des Procédures Civiles d’Exécution, aux termes de l’article R 322-4, il est prévu, dans les deux mois qui suivent la publication du commandement de payer valant saisie au bureau des hypothèques, désormais appelé le fichier immobilier, que le créancier poursuivant doit assigner le débiteur saisi à comparaître devant le juge de l’exécution à une audience d’orientation.
Ce délai de deux mois est prescrit à peine de caducité du commandement de payer valant saisie en application de l’article R 311-11 de ce nouveau Code des Procédures Civiles d’Exécution.
Toutefois, il faut rappeler que cette caducité n’est pas de droit et qu’il convient effectivement à l’emprunteur devenu débiteur, en l’état de la déchéance du terme, et à son conseil, de venir contester cette caducité.
L’article R 311-11 précise qu’il n’est pas fait droit à la demande si le créancier poursuivant justifie d’un motif légitime.
Plusieurs auteurs, notamment Monsieur Hervé CROZE et Monsieur Christian LAPORTE, observent à cet égard que « s’agissant de la déclaration de caducité du commandement, la radiation du commandement n’interviendra que sur la démonstration que cette déclaration ne peut être rapportée par la production d’un certificat du greffe, établissant que le créancier n’a pas fait connaître de motif légitime dans les quinze jours de déclaration de caducité », hypothèse de sauvetage prévue à l’article R 311-11, alinéa 4, du Code des Procédures Civiles d’Exécution.
Cette approche est effectivement curieuse, car là-encore, alors même que le décret de 2006 avait réformé en profondeur la procédure de saisie immobilière, avait vocation à rééquilibrer les rapports de force entre l’établissement bancaire créancier et l’emprunteur débiteur, afin que le débat soit plus équitable devant le juge de l’orientation.
Or, force est de constater, et cette jurisprudence en est le parfait exemple, que là-encore, les dispositions en vigueur et l’interprétation qui peut en être faite, servent surtout à offrir des portes de secours aux établissements bancaires et, qu’à l’inverse, le débiteur n’a quant à lui qu’une très faible marge de manœuvre, les textes ne lui étant pas favorables.
En effet, cette jurisprudence du 31 janvier 2013 précise que le juge n’a nullement à relever d’office les dépassements des délais pour assigner, de telle sorte qu’il appartient bien à l’emprunteur et à son conseil de le soulever.
Ils doivent donc procéder aux vérifications d’usage avant cette audience d’orientation, puisqu’en effet, si le juge n’a pas vocation à vérifier les manquements de la banque, il n’en demeure pas moins que ce dernier, en application des articles R 311-5 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, doit prononcer d’office l’irrecevabilité des demandes d’annulation du commandement valant saisie qui seraient formulées après l’audience d’orientation.
La Jurisprudence est extrêmement claire sur le sujet et il convient notamment de citer un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation, en date du 11 mars 2010, sous le numéro de pourvoi 09-13.312, qui vient rappeler qu’effectivement l’audience d’orientation vient purger tous les moyens de contestations qui n’auraient pas été évoqués devant le juge de l’orientation.
Cela est extrêmement regrettable car cela signifie très clairement que si le débiteur n’a pas tous les moyens de contestation de fait et de droit, il ne peut plus le faire par la suite.
Cette audience d’orientation vient purger les motifs de contestations qui font que tant bien même le débiteur ferait appel, il ne pourrait soulever ces nouveaux moyens de droit.
Ceci est, à mon sens, attentatoire aux droits de la défense du débiteur saisi, mais également attentatoire au double degré de juridiction, puisque le droit de voir rejugée l’affaire devant la Cour d’Appel devrait normalement permettre de soulever tous les moyens de droit à la portée de l’emprunteur qui souhaiterait contester la procédure de saisie immobilière, dans la mesure où ce dernier ne formule pas de demande nouvelle.
Tout cela est d’autant plus regrettable que les intérêts en jeux sont extrêmement importants puisque l’emprunteur saisi se retrouve avoir son bien immobilier exposé, alors même qu’il a dans certains cas payé pendant de très longues années les échéances bancaires et que pour une difficulté qui lui est propre, ce dernier se retrouve exposé à une vente judiciaire dans une procédure qui se veut finalement assez rapide.
C’est ainsi que la Cour de Cassation, dans son arrêt du 31 janvier 2013, rappelle donc que « C’est avec une exacte application des articles six et douze du décret du 27 juillet 2006, devenu R 311-5 et R 311-11 du Code des Procédures Civiles d’Exécution que la Cour d’Appel a retenus, dès lors que le juge d’exécution n’était pas tenu de relever d’office le dépassement du délai pour assigner, que le moyen invoquant cette cause de caducité du commandement était irrecevable pour avoir été formulé après l’audience d’orientation. ».
S’il est bien évident que cette jurisprudence est en harmonie avec les textes évoqués, il convient d’en tirer deux conséquences immédiates.
En premier lieu, il est curieux de constater que le décret de 2006, désormais codifié, n’est toujours pas plus favorable que cela à l’emprunteur saisi, alors même que les intérêts en jeu mériteraient pourtant une meilleure sérénité des débats, pour justement permettre à ce dernier, qui rencontre bien souvent de graves problèmes économiques, de pouvoir se défendre convenablement.
En deuxième lieu, il n’en demeure pas moins qu’il convient de tirer toutes les conséquences de cette jurisprudence et bien sûr, il appartient donc à l’emprunteur saisi de se défendre en soulevant tous les moyens de droit à sa portée sans en oublier aucun.
En effet, après cette audience d’orientation, celui-ci serait malheureusement bien en peine de faire valoir ses droits, tant bien même la banque aurait manqué à ses obligations légales et aurait « raté » sa procédure, de telle sorte que celle-ci serait caduque ou irrégulière.
Il n’en demeure pas moins que passée l’audience d’orientation, le bien serait vendu, nonobstant l’évidence de l’irrégularité de la procédure.
Il appartient donc à l’emprunteur saisi d’assurer sa défense convenablement, avec minutie et précaution, afin que l’ensemble des moyens de droit qui sont à sa portée soit utilement évoqué.
Il est classiquement entendu que ces moyens de droit tournent autour de deux axes, avec en premier lieu la contestation de la procédure de saisie immobilière proprement dite, puisqu’indubitablement cette jurisprudence montre bien que celle-ci peut être entachée d’erreurs, et, en deuxième lieu, la contestation de l’acte de prêt en lui-même, avec l’ensemble de ses tenants et de ses aboutissants contractuels, en ce y compris la contestation des intérêts conventionnels.