Il convient de s’intéresser à deux arrêts qui ont été rendus par la Cour de Cassation à la fin de l’année 2014, en décembre, et qui viennent aborder la question spécifique et récurrente en droit de la saisie immobilière, du droit que peut avoir le débiteur à exposer un certain nombre de moyens de fait et de droit, de demande et de contestation, tant devant le juge de l’orientation que, surtout, par la suite, devant la cour d’appel.
Si ces arrêts rappellent l’obligation pour les parties à la procédure de saisie immobilière de soulever, à peine d’irrecevabilité, à l’audience d’orientation l’ensemble des contestations et demandes d’incident ne s’appliquent pas au tiers à l’instance, il n’en demeure pas moins que cette règle particulièrement rigoureuse et rigide s’applique exclusivement pour le débiteur.
Ainsi, ce dernier a l’obligation de soulever l’ensemble des moyens de fait et de droit à sa portée devant le juge de l’orientation car, par la suite, si celui-ci omettait une demande, quelle qu’elle soit, il ne serait plus en mesure de le réclamer par la suite, fût-ce en cause d’appel.
D’autre part, il convient de rappeler qu’en application de l’article R.311-5 du Code de procédure civile d’exécution, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation ni aucune demande incident ne peut, sauf exposition contraire, être formée après l’audience d’orientation, à moins qu’elle ne porte sur des axes de procédure postérieurs à celle-ci.
Dans l’affaire qui nous occupe, et suivant arrêt de la Cour d’Appel de Nîmes, un établissement bancaire, avait fait délivrer à Monsieur X un commandement valant saisie-immobilière et l’avait par la suite assigné à comparaître devant le juge de l’orientation aux fins de voir le bien immobilier vendu.
Le temps de la procédure de saisie immobilière, une cession de créance intervient et, finalement, c’est la société M.C.S. et Associés qui, en sa qualité de cessionnaire de la créance, se prévaut de l’endossement de la copie exécutoire du titre et, par la suite, intervient volontairement dans la procédure de saisie immobilière pour reprendre les poursuites.
Ainsi, la créance bancaire a fait l’objet d’une cession de créance et l’acquéreur, le cessionnaire de la créance, reprend les poursuites en son nom.
Dans le cadre du jugement d’orientation, les contestations de Monsieur X avait été rejetées.
Dans la mesure où le premier établissement bancaire a cédé sa créance, il ne peut plus poursuivre la procédure de saisie immobilière. Un premier jugement est rendu en ce sens.
C’est dans ces circonstances que le cessionnaire de la créance, la société MCS, reprend la procédure de saisie immobilière.
Toutefois, un second jugement avait été rendu par le juge de l’orientation, qui considérait qu’était irrecevable cette nouvelle intervention.
C’est dans ces circonstances que la société M.C.S. a interjeté appel du second jugement.
Profitant de la procédure d’appel, le débiteur en profite pour formuler une offre de retrait litigieux et renonce, par la même occasion, à toute défense au fond.
Il convient de rappeler que la cession de créance est l’opération juridique par laquelle un créancier, le cédant, transfère à un cessionnaire sa créance contre son débiteur, appelé débiteur cédé.
Dans tous les cas, et conformément à l’article 1690 et suivants du Code Civil, le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la signification de la cession faite au débiteur. Pèse donc sur le cessionnaire l’obligation d’informer le débiteur de la cession.
L’exigence d’une telle information formalisée s’explique par le principe de l’effet relatif de convention et, surtout, par la nécessité évidente au débiteur de savoir qui est son créancier, l’article 1690 prévoyant à ce moment-là une information pouvant se faire soit par signification d’huissier, soit par acceptation dans un acte authentique.
La cession de créance joue un rôle translatif évident puisque la cession opère à ce moment-là un transfert instantané de la créance par l’échange de consentement. Par la suite, le cessionnaire, après la remise du titre, procède à la signification au débiteur qui est alors officiellement informé de l’identité exacte de son nouveau créancier.
En effet, le cessionnaire devient le titulaire de la créance pour son montant nominal, le montant pour lequel le débiteur est poursuivi, et ce, quel que soit prix de cession lequel est généralement négocié au plus bas.
Ainsi, le cessionnaire achète à bas prix, à vil prix, une créance d’un montant bien supérieur, et c’est sur la base de ce montant de créance bien supérieure qu’il poursuivra le débiteur saisi et pour lequel, le bien vendu, il récupérera le coût de son investissement financier outre une marge bénéficiaire conséquent.
Le débiteur doit alors payer au cessionnaire l’intégralité de sa dette.
Cependant, le débiteur peut aussi opposer l’ensemble des moyens de fait et de droit qu’il pouvait contester contre le créancier initial.
Mais surtout, le débiteur dispose d’un pouvoir spécial lorsque la cession de la créance est effectuée lorsque celle-ci est déjà litigieuse.
En effet, le principe de cessibilité des créances ne souffre pas d’exception et la créance peut être cédée tant bien même celle-ci est déjà contestée par le débiteur.
Cependant, en raison du caractère spéculatif de la cession d’une telle créance de somme d’argent, le Code Civil a prévu dans les dispositions des articles 1699 et suivant, une spécificité qui est dite relative à l’action en retrait litigieux.
Or, que doit-on entendre par créance ou cession de créance litigieuse ? Cela signifie qu’à la date de la cession, une procédure est engagée, portant sur le fond de la créance en tant que telle, qu’il s’agisse d’une remise en question de l’existence ou de la validité de la créance, et le débiteur doit alors être immanquablement défendeur au litige.
Ainsi, ce dernier est investi d’un droit spécifique de se substituer au cessionnaire en lui remboursant le prix effectif de la cession, augmenté des éventuels frais de contrat et des intérêts au taux légal du jour du paiement du prix.
Cette opération spécifique, appelée action en retrait litigieux, permet au débiteur, désormais appelé retrayant, de se substituer purement et simplement au cessionnaire, autrement appelé le retrayé, afin de reprendre l’opération à son compte.
Cette action, dite action en retrait litigieux, est extrêmement intéressante car elle permet in fine au débiteur de s’acquitter au meilleur compte, sans léser ni le cessionnaire, totalement indemnisé, ni le cédant, puisqu’il avait accepté d’avoir abandonné sa créance pour le prix convenu.
En outre, cela lui permet surtout de mettre fin à une procédure en faisant disparaître l’objet du litige.
Bien souvent, ces cessions de créance se font à des prix extrêmement avantageux, ce qui, par même voie de conséquence, permettrait au débiteur de mettre fin à ses obligations à un prix beaucoup plus intéressant que la somme pour lequel il est poursuivi dans le cadre de la procédure de saisie immobilière et pour lequel, il risque fort de perdre son bien immobilier.
A partir du moment où le débiteur est poursuivi par son créancier dans une procédure judiciaire, fut-ce t’elle une procédure de saisie immobilière, et, dans la même mesure, où ce même débiteur soulève un certain nombre de moyens de contestation de fait et de droit, il est alors défendeur à la procédure.
C’est dans ces conditions qu’il peut, en cas d’une cession de créance, solliciter au cédant de procéder à ce retrait litigieux, ce qui lui permet de solder à moindre coût la créance et de mettre fin au procès.
Dans notre cas, il est bien évident que cela a également pour effet de mettre fin à la procédure de saisie immobilière et de préserver le patrimoine personnel du débiteur.
En effet, il est loisible d’imaginer que le débiteur en difficulté a beaucoup plus de facilités pour racheter une créance à un prix dérisoire, prix convenu entre cession et cessionnaire dans le cadre de la cession de créance, plutôt que de payer ou de voir son bien saisi sur la base d’une créance bien plus importante.
Ceci d’autant plus que cette créance est généralement majorée d’ensemble de frais divers et variés, d’intérêts majorés, voire même d’indemnités de résiliation.
Cependant, la Cour d’Appel de Nîmes n’avait pas fait droit à la demande en retrait litigieux émise par le débiteur, qui ne l’avait formulée que dans le cadre de la procédure d’appel.
Monsieur X se pourvoit en cassation et fait grief à l’arrêt de la Cour d’appel d’avoir déclaré irrecevable son offre de retrait litigieux alors même que la faculté de retrait prévue par l’article 1699 du Code Civil ne peut être exercée qu’autant que les droits cédés sont encore litigieux à la date de l’exercice de cette faculté.
Ainsi, le débiteur considérait que cette faculté légale, dite de retrait litigieux, ne constituait en tant que telle, ni une nouvelle contestation, ni une demande incidente, de telle sorte que sa demande ne pouvait être jugée irrecevable au motif qu’elle était intervenue pour la première fois en cause d’appel, et donc, après l’ordonnance d’orientation.
Toutefois, la Cour de Cassation ne partage pas cet avis et considère qu’ayant constaté que la cession de créances avait été notifiée à Monsieur X avant l’audience d’orientation et que la société M.C.S. avait conclu avant cette date, en se prévalant à son profit de la copie à ordre transmissible par voie d’endossement, et que ce n’était qu’en cause d’appel que Monsieur X avait formulé l’offre de retrait litigieuse, alors qu’il avait été en mesure de le faire avant que le juge de l’exécution ne se prononce sur les contestations émises c’est exactement que la cour d’appel a décidé que cette offre était irrecevable.
Ainsi, l’offre de retrait litigieux formée par le débiteur dans une procédure de saisie immobilière, constitue aux yeux de la Cour de Cassation, une demande formée en qualité de défendeur à cette procédure pour s’opposer à la demande en paiement et aux poursuites.
Par voie de conséquence, il appartenait bien au débiteur saisi de manifester sa volonté de faire un retrait litigieux avant que le juge de l’orientation ne s’exprime.
Les dispositions de l’article R311-5 du Code des procédures civiles d’exécution sont donc strictement appliquées, ce qui, sur un terrain pratique, risque fort d’être mal compris par le débiteur.
Et pour cause….
En premier lieu, sur un terrain juridique et judiciaire, il est bien évident que cette irrecevabilité, c’est à dire cette impossibilité pour le débiteur de pouvoir évoquer tout moyen de fait et de droit, ainsi que toute demande incidente ou contestation, passée l’audience d’orientation, amène immanquablement le débiteur et son conseil à veiller très scrupuleusement à soulever l’ensemble de ces moyens avant l’audience d’orientation.
Ceci amène un travail de fond extrêmement important puisqu’il convient de procéder aux vérifications d’usage concernant tous les moyens de fait et de droit qui peuvent être évoqués et ils sont nombreux dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière.
En deuxième lieu, sur un terrain économique, cette décision est toute aussi sévère puisque, de toute évidence, le débiteur saisi, frappé d’un commandement de payer valant saisie, publié à la Conservation des hypothèques, et bien souvent fiché par ailleurs au sein du F.I.C.P. à la Banque de France, n’est pas forcément en mesure d’être dans une position confortable pour immédiatement proposer d’actionner ce retrait litigieux en payant le prix convenu.
Pour autant, dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière, il est bien évident que cela représente pour le débiteur saisi, la seule opportunité de solder la créance à vil prix tout en préservant son bien immobilier et en mettant fin à la procédure.
A charge pour l’établissement bancaire cessionnaire de communiquer, en toute bonne foi et rapidement, tant le prix de cession proprement dit que l’ensemble des frais inhérents à ladite cession.
En effet, pour que le débiteur puisse formaliser une offre et formaliser son retrait litigieux de manière structurée et juridiquement convenable, de connaître parfaitement les tenants et aboutissants de cette cession de créance en obtenant, tant du cédant que du cessionnaire, le prix exact de la cession.
Or, ce prix exact de cession n’est pas communiqué en tant que tel dans le cadre de la signification de la cession de créance et il appartient au débiteur de sommer cédant et cessionnaire de communiquer ces éléments, lesquels ne les communiquent pas nécessairement dans des délais raisonnables.
Ainsi, la mise en œuvre de l’action en retrait litigieux demeure donc un véritable parcours d’obstacle sur un terrain pratique.
Il peut sembler regrettable de constater qu’hormis les mentions légales obligatoires découlant du Code des procédures civiles d’exécution, le créancier poursuivant est particulièrement silencieux sur la date du premier impayé, sur les modalités de déchéance du terme, sur le capital réellement du au jour de l’impayé.
Ce n’est que lorsque le débiteur émet, par le truchement de son conseil, un certain nombre de contestations et de demandes incidentes, qu’in fine, l’établissement bancaire rend compte et apporte l’ensemble de ces précisions qui sont d’importance car ils éclairent à la fois le juge de l’orientation et le débiteur saisi de l’étendue exacte de la situation.
Or, c’est justement en obtenant l’ensemble de ces informations que le débiteur saisi est en mesure d’exercer ses droits et peut ainsi se défendre convenablement.
Dans l’affaire qui nous occupe, la société M.C.S. avait interjeté appel du second jugement d’orientation, qui avait alors jugé sa demande irrecevable en l’état de la cession de créance.
Fort de cet appel interjeté par le créancier, le débiteur saisi a manifesté devant la Cour sa volonté d’exercer cette action en retrait litigieux dans le cadre de la cession de créances qui avait été effectuée, tant bien même celle-ci avait été effectuée avant l’audience d’orientation.
La question qui se pose alors est de savoir si le débiteur, au stade de l’appel, est en droit d’exercer cette action en retrait litigieux ?
La réponse de la Cour de Cassation est claire, elle considère que le débiteur ne peut manifester en cause d’appel et pour la première fois, une offre de retrait litigieux.
Cette décision peut sembler sévère et paradoxale.
Sévère parce qu’une action en retrait litigieux demande un certain nombre de préparatifs et préalables et le débiteur ne peut qu’être procéduralement handicapé pour organiser sa défense et sa demande au sein d’une procédure de saisie immobilière qui est rapide par nature.
Paradoxale car dans le même temps et en cause d’appel, le créancier, est quant à lui, en mesure de justifier devant la Cour du bienfondé de sa créance afin que celui-ci puisse reprendre son droit de poursuite en qualité de cessionnaire de la créance, afin de réaliser l’actif du débiteur.
La Cour de cassation apporte également une précision technique relative à l’exercice de l’action en retrait litigieux.
En effet, il convient de rappeler que la demande de l’offre de rejet litigieux s’accompagne nécessairement du renoncement à toute défense au fond.
La banque profite de ce mécanisme pour tenter, par voie de subterfuge, de faire acter par la Cour que si d’un côté l’action en retrait litigieux est irrecevable, il n’en demeure pas moins que de l’autre côté il y a lieu de prendre acte que le débiteur renonce à l’ensemble de ses contestations….
Cette approche est spécieuse.
La banque tente de tirer profit de la situation procédurale en venant d’un côté considérer que son action en retrait litigieux est irrecevable, mais qu’en même temps, dans la mesure où, pour ce faire, il était obligé de renoncer à l’ensemble de ses moyens de contestations, il convient d’en prendre acte et de considérer qu’en tout état de cause il y a lieu de considérer que le débiteur abandonné l’ensemble de ses moyens de contestations.
Cela ne trompe pas la Cour de Cassation qui relève que le débiteur n’avait renoncé à toute contestation de quelque nature que ce soit que parce que celui-ci formulait une offre de retrait litigieux et que l’irrecevabilité de l’un entrainait la caducité de l’autre.
Ainsi la Cour de Cassation apporte une réponse précise sur le sort de l’action en retrait litigieux en rappelant toute la rigueur des dispositions de l’article R 311-5 du Code de procédure civile d’exécution, lequel prononce l’irrecevabilité d’office à toute contestation ou demande incidente qui serait formée après l’audience d’orientation.
La décision peut sembler sévère tant l’action en retrait litigieux est difficilement compatible avec une procédure de saisie immobilière à l’encontre d’un débiteur par nature en difficulté financière.
Dès lors, il importe à l’emprunteur en délicatesse financière et qui subit une procédure de saisie immobilière de soulever, sans attendre, tous les moyens de fait et de droit pour se défendre devant le juge de l’orientation.
Il doit émettre toutes les contestations que de droit, tant sur la procédure de saisie immobilière proprement dite, que sur les conditions et modalités d’octroi du prêt, et qu’enfin sur les sur les conditions et modalités du Taux Effectif Global et des intérêts du prêt, et organiser de manière extrêmement structurée, complexifiés et diversifiée, ses moyens de défense et ses demandes incidentes.
Dans l’hypothèse d’une cession de créance, et qu’importe la résistance habituelle de la banque qui se refuserait à apporter toutes les précisions relatives au prix de cession et aux frais qui vont de pair, le débiteur saisi doit manifester immédiatement sa volonté d’exercer son droit à retrait litigieux. Il pourrait alors solder sa créance à un prix bien inférieur à ce qu’il doit réellement et sauver son patrimoine immobilier.