Saisie immobilière contre un tiers détenteur, quid du débiteur ?

Publié le 17/12/2016 Vu 4 212 fois 0
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L’établissement de crédit peut-il procéder à une saisie immobilière contre un tiers détenteur sans le signifier au débiteur principal ? Quels sont les risques en terme de prescription ? Le débiteur saisi peut-il former tierce opposition et tenter d’empêcher la vente ?

L’établissement de crédit peut-il procéder à une saisie immobilière contre un tiers détenteur sans le

Saisie immobilière contre un tiers détenteur, quid du débiteur ?

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en début d’été 2016 par la Cour de Cassation et qui vient s’intéresser une fois de plus aux spécificités techniques et juridiques du droit de la saisie immobilière,

Cette jurisprudence apportant plusieurs éclaircissements sur la question des voies de recours exercées tantôt par un débiteur saisi, tantôt par un tiers détenteur de l’immeuble subissant une procédure de saisie immobilière qui ne le concernerait pas directement,

Dans cette affaire, la Haute Juridiction a, en effet, relevé que le créancier avait poursuivi une procédure immobilière contre un tiers détenteur de l’immeuble et ce, sans attraire la société débitrice devant le juge de l’exécution.

Le créancier avait cru bon saisir le juge de l’orientation afin de faire retenir l’existence d’une créance liquide et exigible à l’encontre d’une société débitrice curieusement non appelé dans la cause immobilière, pour ensuite, fort de cette créance, solliciter la saisie immobilière du bien immobilier alors entre les mains du tiers détenteur de l’immeuble.

En formalisant son recours, la société débitrice vient au secours du tiers détenteur devant la Cour d’appel, sur appel du jugement d’orientation,

La société débitrice sollicitait notamment de voir constater l’extinction de la créance, de telle sorte que, faut de créance, la procédure de saisie immobilière était mal fondée devant le tiers détenteur,

Il convient de rappeler que pour procéder à la signification d’un commandement de payer valant saisie immobilière sur un bien immobilier détenu par un tiers détenteur, le créancier hypothécaire titulaire d’un droit de suite doit justement faire signifier au tiers détenteur,

Pour autant, les effets attachés à cette mesure d’exécution ne concernent que le tiers détenteur tant que le créancier ne fait pas le choix d’assigner et de signifier également au débiteur en question, 

Dès lors, et à bien y comprendre, tout laisserait à penser que le délai de prescription de la créance du poursuivant contre le débiteur n’est interrompu que par la signification qui est en outre faite à ce dernier du commandement de payer, mentionnant que le commandement valant saisie-immobilière est signifié au tiers détenteur.

Pour appréhender l’apport de cet arrêt, il convient de revenir sur les faits de l’espèce.

L’établissement de crédit avait engagé des poursuites de saisie immobilière contre Monsieur X, le fameux tiers détenteur, et avait délivré un commandement de payer valant saisie immobilière le 4 novembre 2010, avant de délivrer, le 24 février 2011, un commandement de payer au débiteur principal, la société G.

Par la suite, l’établissement de crédit avait assigné Monsieur X, en qualité de tiers détenteur, devant le juge de l’orientation, suivant acte en date du 25 février 2011, afin d’obtenir la vente aux enchères publiques du bien en question.

Celui-ci avait envisagé de contester la demande de saisie immobilière notamment en soulevant divers moyens de nullité tirés de l’absence de T.E.G. ou encore de la prescription de la créance.

Pour autant, la Cour a considéré que ce dernier tiers détenteur n’était pas recevable à émettre de pareille contestations, de telle sorte que la créance de l’établissement de crédit était fondée, certaine, liquide et exigible et qu’il y avait par conséquent vocation à ordonner la vente du bien.

C’est dans ces circonstances que la société G, débiteur principal, a formé tierce opposition à l’encontre de l’arrêt en question, d’ou la décision de la Cour de Cassation de ce début d’été 2016.

Le recours avait tout son sens dans la mesure ou le créancier n’ayant procédé à aucune signification du débiteur tout au long de la procédure de saisie immobilière, celui-ci s’exposait à une prescription de l’action contre le débiteur principal, tant bien même ledit créancier aurait pris soin de poursuivre le tiers détenteur dans le délai de ladite prescription,

Pour faire droit à cette approche, la Haute Juridiction en profite pour s’intéresser à la question spécifique de la prescription quinquennale puisque le débiteur principal est effectivement une société commerciale et cette dernière avait obtenu un prêt sur la base d’un acte authentique ayant force exécutoire, conclu entre les parties le 29 octobre 1985.

Ces prêts en question étaient relatifs à la construction d’un bâtiment en VEFA avec des aménagements.

Ledit prêt était remboursable en quinze annuités, comprenant des intérêts au taux maximum de 10,65 %.

Les prêts étaient garantis par une affectation hypothécaire des biens objets de l’acquisition et de privilège de prêteur de denier, régulièrement inscrits par le prêteur.

Le terme de ces deux prêts avait été fixé au 5 novembre 2000, étant précisé qu’un contrat de prêt avait prévu le remboursement du prêt en 15 annuités à compter du 5 novembre 1986 au 5 novembre 2000.

C’est fort de ces éléments que le débiteur principal, la société G, a entendu soulever la question spécifique de la prescription à  5 ans,

Le débiteur principal rappelle que lorsqu’une dette est payable par termes successifs, la prescription se divise comme elle est elle-même et court à l’égard de chacune de ses fractions à compter de son échéance.

Il résultait ainsi des constatations mêmes de l’arrêt que les prêts litigieux étaient remboursables en 15 annuités à compter du 5 novembre 1986, la date de la dernière échéance étant fixée au 5 novembre 2000.

A bien y comprendre, le point de départ unique de la prescription était donc au 5 novembre 2010.

Pour autant, l’établissement bancaire considère que dans la mesure où la signification du commandement de payer valant saisie immobilière a été signifiée in extremis le 4 novembre 2010 entre les mains du tiers détenteur, à savoir Monsieur X, la prescription serait interrompue en l’état du commandement de payer valant saisie signifié à Monsieur X,  tant bien même elle ne l’aurait pas été au profit du débiteur principal.

Par voie de conséquence, la société G maintient le fait que la créance est prescrite, de telle sorte que, si la créance est prescrite à l’encontre du débiteur principal, le créancier serait malvenu à venir saisir le tiers détenteur sur la base d’une créance qui n’existe plus.

L’approche semble correcte puisque selon les dispositions applicables au commandement de payer valant saisie immobilière, de telle sorte que si le créancier hypothécaire titulaire d’un droit de suite fait signifier au tiers détenteur un commandement de payer valant saisie, ce dernier commandement ne produit des effets attachés à cette mesure d’exécution qu’à l’égard de celui-ci.

Le délai de prescription de la créance du poursuivant contre le débiteur n’est interrompu que par la signification, qui est en outre faite à ce dernier, du commandement de payer mentionnant que le commandement de payer valant saisie immobilière est signifié au tiers détenteur.

Or, cette signification faite au débiteur comme équivalent à une dénonce, a été faite postérieurement aux délais, de telle sorte que celle-ci est donc prescrite.

Ce raisonnement est juste,

Inversement, l’établissement de crédit soutenait de plus fort que le commandement de payer valant saisie signifié au tiers détenteur était opposable à la société G, débiteur principal, comme si cette signification emportait, au sens de l’article 2244 du Code civil une véritable mesure d’exécution forcée à l’encontre du débiteur, de nature à interrompre le délai de prescription

Pour autant, la Cour de Cassation a rejeté les prétentions de  l’établissement de crédit et considère qu’il y a bel et bien une absence totale de solidarité entre le détenteur d’un immeuble poursuivi en raison du droit de suite dont dispose le créancier hypothécaire et le débiteur dudit créancier.

De telle sorte que le commandement de payer valant saisie signifié au premier, n’interrompt absolument pas la prescription à l’égard du second.

Il appartenait au créancier saisissant de procéder aux significations de rigueur, qu’il s’agisse du commandement de payer ou bien encore de l’assignation à comparaitre devant le juge de l’orientation, à la fois au tiers détenteur et à la fois au débiteur principal,

Ainsi, cette tierce opposition du débiteur principal, ignoré par le créancier saisissant est la bienvenue, tant bien même en cause de pourvoi sur la base d’un arrêt confirmant et ordonnant la vente aux enchères publiques du bien saisi.

Il est loisible de considérer que les droit du débiteur exposé n’étaient pas susceptibles d’être affectés par la procédure de saisie immobilière dirigée contre le tiers détenteur qui ne tenait, selon l’établissement bancaire lui même, qu’à la reconnaissance du droit que le créancier détient sur l’immeuble en vertu de l’inscription hypothécaire.

Cette façon d’envisager la saisie immobilière est parfaitement curieuse, si ce n’est détestable, car elle vient, sur la simple base d’une inscription hypothécaire et d’un simple droit de suite, tenter d’obtenir l’exécution forcée d’un immeuble, alors même que la créance étant en principal et, ou sérieusement contestée, ou désintéressée, ou prescrite, puisque tel était le cas en l’espèce.

Or, fort heureusement, la Cour de Cassation ne s’y trompe pas.

L’établissement de crédit avait poursuivi la procédure de saisie immobilière contre le tiers détenteur de l’immeuble, Monsieur X, sans attraire la société G devant le juge de l’exécution, de telle sorte que la société G bénéficiait malgré tout d’un droit et d’un intérêt à agir particulier.

Pour mémoire, il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 583 du Code de procédure civile, est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque.

Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent former tierce opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

Force est de constater que si l’établissement de crédit s’est prévalu d’un commandement de payer valant saisie immobilière, délivré à la société G par acte du 24 février 2011, le même établissement n’a pas attrait la société G devant le juge de l’exécution et a poursuivi la procédure de saisie immobilière contre le tiers détenteur de l’immeuble, Monsieur X, en se gardant bien de faire venir dans la cause la société G.

La Cour de Cassation ne s’y trompe pas.

Elle considère que la société G bénéficie d’un intérêt à agir, d’un intérêt à former tierce opposition à l’arrêt qui avait retenu l’existence d’une créance liquide et exigible dont elle était redevable et ordonnait la vente des biens saisis.

Cette recevabilité permets au débiteur principal de faire constater l’extinction de la créance par voie de prescription extinctive afin de justement obtenir la mainlevée de la saisie immobilière contre le tiers détenteur.

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