l convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, du 6/02/2009, 15ème Chambre A, N° 7/18837 dans lequel il ressort que si un établissement bancaire croit bon procéder à des prêts en devises étrangères, notamment en Franc Suisse, il est bien évident que pèse sur ce dernier une obligation renforcée de conseil et de mise en garde en l’état de la complexité juridique et financière dudit placement.
Il convient en effet de rappeler qu’un prêt dont la monnaie de compte est une devise, une monnaie étrangère, n’est rien d’autre qu’un prêt dont la monnaie de paiement est indexée sur la monnaie de compte, ce qui est reconnu comme parfaitement valable et légal par la jurisprudence, (c.f. notamment Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 11/10/2005, N° 03-17.367).
Il n’en demeure pas moins que l’établissement bancaire est tenu à une obligation de conseil et de mise en garde accentuée, vu la complexité du prêt proposé et des risques liés au taux de change.
En effet, il appartient à l’établissement financier de conseiller et d’informer l’intéressé quant au risque né du taux de change.
Il est bien évident que dans la mesure où la monnaie de compte est en francs suisses et la monnaie de paiement en euros, le taux de change a nécessairement une incidence sur le montant remboursé effectivement en francs suisses à chaque échéance, de telle sorte qu’il pèse bien à mon sens sur l’établissement bancaire une obligation spécifique d’information, de conseil et de mise en garde sur la question tout aussi spécifique du taux de change, venant grever les échéances d’un cout de frais de change tout au long de la durée du prêt.
Or, il est particulièrement intéressant de s’attarder sur cet arrêt, en ce qu’il vient préciser que, dans la mesure où le titre exécutoire, à savoir l’acte de prêt fait devant notaire et ayant donc force exécutoire, vise des montants en devises étrangères, notamment le Franc Suisse dans le cas qui nous occupe, il est bien évident que cela devient un obstacle majeur à la saisie immobilière du bien sur la seule base de ce titre exécutoire.
Il en est de même si une décision de justice a été rendue en visant des condamnations prononcées en Franc Suisse. En effet, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence rappelle que dans l’affaire qui nous occupe, chacun des deux prêts et son remboursement avait été prévu en Francs Suisse, qui a été considéré par les parties comme instrument de paiement.
Par voie de conséquence, dans les deux jugements en vertu desquels le commandement aux fins de saisie a été délivré, les condamnations sont prononcées en Francs Suisse.
Est-il besoin de rappeler que le Franc Suisse n’est pas la monnaie qui a cours légal en France ?
Dans la mesure où, ni l’acte notarié, ni même le jugement condamnant l’emprunteur au paiement, ne déterminent les modalités de conversion de ces sommes en Euro, il serait à ce moment-là impossible de procéder à leur exécution.
Les modalités de conversion de ces sommes en euros doivent se comprendre comme, notamment, la date à prendre en compte pour la conversion.
Il y a donc lieu de considérer qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge de l’exécution et du juge de l’orientation de modifier le titre exécutoire en le complétant pour permettre son exécution, notamment en procédant au change entre le Franc Suisse et la monnaie Euro, qui a cours légal en France.
Par voie de conséquence, et tant bien même le Tribunal a accordé des délais de paiement et a libellé le montant de la mensualité en Euro, cela ne permet absolument pas de déterminer le montant de la condamnation en Euro, même en multipliant ce montant par le nombre de mensualités, de telle sorte qu’il serait à ce moment-là impossible pour l’établissement bancaire de procéder à une saisie et à une saisie immobilière sur la base d’un prêt fait en Franc Suisse.
Cette jurisprudence est salutaire en ce qu’elle empêche l’établissement bancaire de ne pas envisager de mesures d’exécution, ni même de procédures de saisie immobilière sur la base d’un prêt en devises étrangères.
A mon sens, il y a plutôt matière pour l’établissement bancaire à s’engager préalablement dans un contentieux au fond, dit contentieux plus long, mais également plus serein, ou l’emprunteur sera à même de reprocher reconventionnellement d’éventuels manquements de la banque, sans avoir comme épée de Damoclès la saisie de son bien personnel.