Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence en date du 29 juin 2001 sur le sujet très spécifique des voies de recours en droit de la saisie immobilière.
Dans cette affaire, les consorts X avaient obtenu un prêt auprès d’un établissement bancaire afin de financer l’achat de leur bien immobilier, à savoir de leur maison.
Suite à quelques impayés, la banque avait cru bon de prononcer la déchéance du terme et très rapidement de leur faire signifier un commandement de payer valant saisie-vente de leur maison.
Suite à cela, la banque a assigné les consorts X devant le juge de l’orientation, qui est le juge naturel des voies d’exécution et de la saisie immobilière, afin que soit constaté que les échéances étaient impayées, de constater la déchéance du terme, et afin d’ordonner la vente aux enchères publiques de leur bien immobilier.
Pour des raisons qui leur sont propres, les consorts X n’ont malheureusement pas pu être présents à cette audience d’orientation et le juge de l’orientation, en l’état de leur absence, a ordonné la vente aux enchères publiques du bien.
Les consorts X ont souhaité exercer une voie de recours contre ce jugement d’orientation afin de contester les demandes de la banque, l’attitude cette dernière, notamment la déchéance du terme et les montants réclamés, en soulignant notamment que les intérêts du prêt étaient erronés.
Les consorts X ont tenté, par l’ensemble de ces moyens-là, de stopper la vente aux enchères publiques et de sauver leur bien immobilier. Toutefois, la Cour d’Appel rejette les prétentions des consorts X en cause d’appel et considère que ceux-ci sont irrecevables à agir, au titre 6 de l’article du décret du 27 juillet 2006.
En effet, la cour précise « Il n’est pas contesté que les époux X, bien que régulièrement cités, n’ont pas comparu à l’audience d’orientation, ni personne pour les représenter. De sorte qu’ils n’ont présenté ni contestation ni moyen de défense en première instance.
Leurs contestations, demandes incidentes, présentées pour la première fois en appel, qui manifestement ne portent pas sur des actes de procédure postérieurs à l’audience d’orientation, sont en conséquence irrecevables d’office en vertu de l’article 6 du décret du 27 juillet 2006 selon la jurisprudence constante de la Cour de Cassation, 2ème civile 9/06/2011 pourvoi n°10-30.310 et 31/03/2011 pourvoi n° 10-13.929, », laquelle n’a pas retenu la prétendue incompatibilité de ce texte avec l’article 6-1 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales, arguée par les appelants. »
Cette décision et la position que peuvent avoir les juridictions du fonds, comme la haute juridiction, sur l’utilisation des voies de recours par les personnes saisies est à mon sens contestable.
Il est effectivement fort dommageable que des personnes qui n’ont pu être présentes ou représentées pour des raisons qui leur sont propres devant le juge d’orientation, perdent, en l’état, à la lecture de cet article 6 du décret du 27 juillet 2006, tout moyen de soulever devant la Cour des moyens et prétentions qu’ils auraient pu soulever en première instance mais qu’ils n’ont pas fait, faute d’avoir été présents.
L’article 6 du décret précise que « à peine l’irrecevabilité prononcée d’office, aucune contestation et aucune demande incidente ne peut
– sauf disposition contraire
– être formée après l’audience d’orientation prévue à l’article 49, à moins qu’elle porte sur les actes de procédure postérieurs à celle-ci. Dans ce cas, la contestation à la demande incidente est formée dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l’acte. »
La banque considère, non pas que l’appel en lui-même est irrecevable mais que dans le cadre de cet appel, les consorts X ne seraient pas en mesure de formuler aucune contestation ou demande incidente après l’audience d’orientation.
Or, priver les consorts X de la faculté de solliciter quelque contestation, réserve ou demande incidente, revient à vider de sa substance la procédure d’appel.
Ce qui est en mon sens contraire au principe du droit d’accès au juge. Bien plus, cela revient à empêcher les emprunteurs de contester la validité des actes de procédure, à savoir le commandement de payer, ainsi que l’assignation à comparaître devant le juge d’orientation et cela empêche même les consorts X de venir critiquer la décision rendue par le juge d’orientation au regard des vérifications auxquelles celui-ci doit procéder.
Il est donc extrêmement dommage que la jurisprudence, à ce jour, empêche les emprunteurs de s’exprimer devant la Cour alors même qu’ils auraient « raté » l’étape du juge d’orientation, notamment parce qu’ils avaient fait confiance à un service de recouvrement qui ne leur a pas tout dit.
Cela vide de tout intérêt et de toute substance le recours pour la voie de l’appel. En effet, la personne qui est absente et non représentée devant le juge d’orientation peut faire appel mais ne peut pas s’exprimer.
Ceci est profondément contradictoire et peut sembler injuste pour des personnes qui sont poursuivies par un établissement bancaire en saisie vente de leur maison, sur la seule base d’un acte notarié qui a force exécutoire, sans passer par un juge du fonds qui viendrait trancher la question de la déchéance du terme et trancher la question du montant du prêt total, et, se retrouvent finalement exposés à une vente aux enchères publiques où leur bien immobilier serait vendu dans des délais très brefs, sans pouvoir s’exprimer d’aucune manière.
Il convient d’ailleurs de préciser que l’absence des consorts X peut finalement se comprendre car il n’est pas rare que, des personnes qui sont saisies et qui ont des arriérés d’échéances impayées, ont coutume de se rapprocher par voie téléphonique des représentants du service contentieux de la banque, lesquels leur conseillent vivement de rattraper leurs retards, suivant différentes propositions de nouveaux échéanciers.
Or, l’ensemble de ces entretiens téléphoniques, qui amène la personne saisie à procéder à des paiements, ne remet absolument pas en cause la déchéance du terme, qui a été prononcée par la banque et n’empêche absolument pas la banque de saisir.
Ceci peut également sembler injuste, puisque, d’une part la banque poursuit en saisie immobilière, afin de faire vendre judiciairement le bien immeuble, et, accepte par ailleurs des paiements échelonnés par l’emprunteur, sans aucune formalité ou courrier.
L’emprunteur, qui procède à ses paiements entre les mains du service contentieux, se croit alors libéré de ce fardeau judiciaire. Malheureusement, il n’en est rien puisque la procédure suit son cours.
Confiant, il ne se présente pas à la procédure de vente, ce qui se comprend puisqu’il a repris ses échéances et, finalement, perd tout.
Le conseil qui doit être donné est de naturellement aller voir son avocat dès la réception du commandement de payer afin d’éviter tout risque de saisie de son bien immobilier.