Société civile immobilière et engagement de caution sans contrepartie

Publié le 14/08/2015 Vu 8 045 fois 0
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Une SCI qui se porte caution pour garantir un concours bancaire de son dirigeant et associé mais qui ne lui est pas destinée et qui risque même de compromettre son existence, peut elle contester l’engagement de caution comme étant contraire à son intérêt social ? Cette contestation est elle toujours possible si l’engagement de caution est validée par assemblée générale des associés de la SCI ?

Une SCI qui se porte caution pour garantir un concours bancaire de son dirigeant et associé mais qui ne lui e

Société civile immobilière et engagement de caution sans contrepartie

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu en septembre 2014 par la chambre commerciale de la Cour de Cassation et qui vient apporter une réponse complémentaire sur le sort des cautionnements pris par une S.C.I. au profit de l’un de ses associés ou dirigeants.

Dans cette affaire, la S.C.I. ARZIGENAT, avait pour gérant Monsieur Y et pour associés, celui-ci, ainsi que sa sœur et sa mère.

Par acte en date de janvier 2005, la Caisse Méditerranée Financement avait consenti à Monsieur Y pour les besoins de son activité commerciale, qu’il exerçait à titre personnel, un prêt d’un montant de 350 000,00 €.

Par le même acte, la S.C.I. avait affecté hypothécairement en garantie du remboursement de ce prêt, le bien immobilier lui appartenant.

Cette garantie avait été clairement acceptée par les associés de la S.C.I. puisque le 17 novembre 2004, les associés avaient décidé à l’unanimité de modifier l’objet social afin d’y inclure la faculté pour la S.C.I. de se porter caution solidaire en faveur d’un associé et de configurer toute garantie sur les immeubles sociaux.

Monsieur Y ayant fait l’objet d’une procédure collective, l’établissement bancaire avait, sur le fondement de cet acte du 19 janvier 2005, fait délivrer à la S.C.I. un commandement de payer valant saisie immobilière.

Il convient de rappeler que le droit du cautionnement prévoit une véritable classification du cautionnement et que le cautionnement souscrit par une personne physique ou une personne morale génère une certaine distinction.

En effet, il a toujours été acquis, tant par les textes que par la jurisprudence, qu’il y avait matière à distinguer les cautionnements en tenant compte de la nature de la personne qui les souscrivait.

Les cautionnements de personne morale obéissent ainsi à des règles spécifiques.

Inversement, le cautionnement, dès lors qu’il est souscrit par une personne physique est soumis à un régime juridique qui, pour l’essentiel, est précisé dans le Code de la consommation, assujettissant celui-ci à un formalisme particulier.

Dans pareil cas, lorsque la S.C.I. se porte caution ou apporte en garantie un actif immobilier afin de cautionner l’emprunteur associé, il convient de s’interroger et de procéder à l’analyse de la validité du cautionnement donné par la S.C.I. en garantie d’un emprunt au profit de son dirigeant et de son associé, lequel a une activité commerciale par ailleurs.

Il résulte des dispositions de l’article 1852 du Code civil que les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus au gérant seront prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés.

En outre, aux termes des dispositions de l’article 1854 du Code civil, les décisions peuvent encore résulter du consentement de tous les associés, exprimé dans un acte.

Cependant, il conviendra de s’intéresser à l’objet social de la S.C.I. qui, bien souvent, est constituée d’un objet social pouvant correspondre à l’acquisition ou à la construction, et la propriété de tout bien immobilier, la mise en valeur, l’administration, la gestion et l’exploitation par bail, location ou autrement de tous immeubles et la prise de tous intérêts et participations dans toute société.

Dès lors, force est de constater que l’engagement de caution en tant que tel ne rentre pas dans l’objet social de la S.C.I. et, bien plus encore, il n’est pas rare de constater que les statuts ne prévoient pas le pouvoir pour le gérant d’engager la société en qualité de caution.

Il convient de rappeler que le cautionnement doit, pour être valable, faute d’être prévu statutairement, avoir fait l’objet d’un consentement unanime des associés, soit par assemblée générale, soit exprimé dans un acte.

En outre, et c’est là un des apports de l’arrêt étudié, tant bien même l’ensemble des associés auraient donné leur accord, de telle sorte qu’il serait loisible de penser que les conditions de l’article 1854 du Code civil sont satisfaites, il n’en demeure pas moins que cette jurisprudence apporte quelques précisions complémentaires d’importance.

En effet, au côté de cette exigence, et pour le cas particulier du cautionnement d’une S.C.I., la jurisprudence, tant la troisième chambre civile, dans un arrêt du 12 septembre 2012, que la chambre commerciale de la Cour de Cassation, dans un arrêt du 26 juin 2007, sont venus ajouter un critère objectif tenant au respect de l’intérêt social.

Selon la troisième chambre civile, il est nécessaire de déterminer si la garantie consentie par la S.C.I. n’est pas contraire à l’intérêt social et si le montant de son engagement n’est pas dans le cadre de mise en jeu, de nature à compromettre son existence même.

Selon la chambre commerciale, il convient également de rechercher à déterminer si la garantie est justifiée par une communauté d’intérêts, ce qui équivaut par ailleurs à déterminer si cette garantie est en adéquation avec l’intérêt social.

Force est de constater que, dans pareil cas, et conformément d’ailleurs au cas de l’espèce visé par la jurisprudence en septembre 2014, la garantie de cautionnement donnée par la S.C.I. est dénuée de toute contrepartie en sa faveur,

Par voie de conséquence, tout laisse à penser que l’engagement de caution est manifestement contraire à l’intérêt social et dénué de toute communauté d’intérêts.

Dès lors, l’engagement de caution de la S.C.I. est un acte qui est susceptible d’annulation.

La question qui peut s’en suivre est de savoir dans quels délais l’engagement de caution peut être contesté par la SCI,

Il convient de rappeler que la prescription en pareille matière est de cinq ans, conformément aux dispositions visées à l’article 2224 du Code civil,

Toutefois, cette demande de nullité de l’engagement de caution se comprend comme une exception d’inexécution et cette exception de nullité peut être soulevée à tout moment, dans l’hypothèse où la banque tenterait d’engager des mesures d’exécution et de saisir le bien immobilier de la S.C.I. en question.

Ainsi, la jurisprudence récente vient sanctionner toute sûreté prise par une société en garantie de la dette de l’associé, dès lors que celle-ci est contraire à l’objet social,

La Cour de Cassation juge en effet que n’est pas valide la sûreté accordée par une Société Civile Immobilière en garantie de la dette d’un associé dès lors qu’elle est de nature à compromettre l’existence même de la société et qu’elle est contraire à l’intérêt social.

La Cour considère, qu’ayant constaté par motifs propres et adoptés que l’immeuble donné en garantie du prêt consenti par la Caisse Méditerranée Financement à Monsieur Y, constituait le seul bien de la S.C.I., de sorte que cette dernière, qui ne tirait aucun avantage de son engagement, mettait en jeu son existence-même, la S.C.I. est bien fondée à solliciter la nullité de l’engagement de caution.

C’était sans compter la pugnacité de l’établissement bancaire, lequel va faire preuve d’une imagination sans pareille afin d’obtenir la confirmation de la sûreté souscrite par la S.C.I.

La banque soutient notamment que, pour elle, l’affectation hypothécaire consentie par la Société Civile Immobilière, en garantie de la dette d’un tiers, peut rentrer directement dans son objet social.

En effet, il n’est pas déplacé de penser que l’établissement avait bien organisé son engagement de caution puisqu’ils avaient également sollicité du dirigeant qu’une assemblée générale intervienne afin que l’engagement de caution entre dans l’objet social de la SCI,

C’est dans ces circonstances que par assemblée générale extraordinaire, les associés de la S.C.I. ont décidé à l’unanimité d’étendre l’objet social, ceci a pour effet de permettre à la société de se porter caution solidaire et hypothécaire de l’associé.

Dans pareil cas, il est bien évident qu’en acceptant par assemblée générale extraordinaire un engagement de caution, en étendant l’objet social, l’affectation hypothécaire prise par l’établissement bancaire ne pouvait être contraire à l’intérêt social en question.

La Cour de Cassation ne s’y trompe pas,

Elle considère que la sûreté accordée par la Société Civile Immobilière en garantie de la dette d’un associé, dès lors qu’elle est de nature à compromettre l’existence même de la société, celle-ci est alors contraire à l’intérêt social.

Il convient de constater, comme d’ailleurs le souligne la haute juridiction, que le bien en question constituait le seul bien de la S.C.I. et que celle-ci ne tirait alors absolument aucun avantage de l’engagement en question et mettait en jeu son existence-même en cas de défaillance de l’emprunteur principal et des poursuites prises par la banque à l’encontre de la caution.

Cette jurisprudence est salutaire car elle permet justement à la S.C.I. qui se porte caution, fortement incitée à le faire par l’établissement bancaire qui apporte un concours bancaire au dirigeant et associé de la S.C.I. distinct de l’objet social de la SCI, de solliciter la nullité de l’engagement de caution,

Il est en effet regrettable que dans le cas d’une recherche de concours bancaire, celui qui souhaite un financement et qui est par ailleurs dirigeant et associé d’une SCI se retrouve obligé d’apporter en garantie les actifs de la SCI qui n’est pourtant pas concernée de prés ou de loin par la destination du financement en question,

Fort heureusement, le dirigeant et associé qui est fortement invitée par la banque à apporter la S.C.I. en garantie, afin d’apporter un actif immobilier en garantie de l’engagement financier proposé, n’est pas démuni et peut exprimer un certain nombre de moyens juridiques pour contester ces garanties et solliciter la nullité de l’engagement de caution.

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