Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Cour de Cassation en décembre 2019 et qui vient aborder le sort d’une construction en violation du permis de construire.
Dans cette affaire, Monsieur K avait sollicité et obtenu le 11 juin 2013 un permis de construire pour une maison comprenant deux logements.
Le 10 décembre 2014, la commune de C a reçu, à l’occasion d’un projet de vente de biens et droits immobiliers, un courrier d’un notaire, auquel était joint un plan de division montrant la création de trois logements.
Devant cette discordance, la commune a relevé que le formulaire de demande de permis de construire que Monsieur K avait transmis dans le cours de la procédure de constatation et de poursuite d’éventuelles infractions, ne correspondait pas à celui qu’il avait fourni antérieurement à l’appui de sa demande d’instruction de permis de construire, le nombre de logements à réaliser étant passé de 2 dans un premier temps à 3 dans le dernier état.
À la requête de la commune, un procès-verbal de constat a été dressé le 23 mars 2015, dont il est ressorti que le bâtiment litigieux avait bien trois portes d’entrée, trois fourreaux verts, trois fourreaux rouges de diamètre 100 et trois fourreaux rouges de diamètre 50 et que dans un regard se trouvaient trois compteurs d’eau.
Le maire de la commune a dressé un procès-verbal reprenant les mêmes constatations et, après une enquête de gendarmerie, la directrice départementale des territoires a relevé que les agissements de Monsieur K. constituaient, au regard du Code de l’Urbanisme, l’infraction de construction sans respecter le permis de construire et d’exécution de travaux en violation des règles du plan local d’urbanisme.
En effet, dès lors que le permis de construire obtenu par Monsieur K n’autorisait la construction que de deux logements, la réalisation d’un troisième logement imposai immanquablement, au regard des dispositions du plan local d’urbanisme, la réalisation d’un total de onze places de stationnement et non six comme réalisées.
C’est dans ces circonstances que Monsieur K a été condamné par le Tribunal Correctionnel.
Monsieur K a alors interjeté appel puis s’est pourvu en cassation.
Monsieur K entendait soulever un certain nombre d’arguments pour justifier que la démolition n’était pas fondée.
Il venait notamment contester l’idée suivant laquelle la mairie pouvait se constituer partie civile et venir réclamer une mise en état qui lui était préjudiciable.
Il soutenait notamment qu’à compter de la date de réception en mairie de la déclaration d'achèvement, l'autorité compétente disposait d'un délai de trois mois pour contester la conformité des travaux au permis de construire de telle sorte que les délais étant écoulés il ne pouvait plus en être fait grief.
A bien y comprendre, lorsque le bénéficiaire d'un permis a adressé au maire de la commune une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux réalisés en vertu de cette autorisation, l'autorité compétente ne pourrait plus en contester la conformité au permis si elle ne l'a pas fait dans le délai réglementaire, ni exiger du propriétaire qui envisage d'entreprendre de nouveaux travaux sur la construction qu'il présente une demande de permis portant sur des éléments de la construction existante, au motif que celle-ci aurait été édifiée sans respecter le permis de construire précédemment obtenu.
Il soutenait également qu'aux termes de l'article R. 421-13 du Code de l'Urbanisme, les travaux exécutés sur des constructions existantes sont dispensés de toute formalité au titre du Code de l'Urbanisme à l'exception des travaux mentionnés aux articles R. 421-14 à R. 421-16, qui sont soumis à permis de construire et des travaux mentionnés à l'article R. 421-17, qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable.
Il soutenait enfin que la loi pénale est d'interprétation stricte, de telle sorte qu'aux termes de l'article R. 421-14 du Code de l'Urbanisme, ne sont, par exception, soumis à l'obtention préalable d'un permis de construire que les travaux effectués sur des constructions existantes relevant de quatre catégories limitativement énumérées.
Monsieur K reprochait à la Cour d'Appel d’avoir retenu à tort que les travaux litigieux qu’il avait accompli affectait une construction nouvelle qui n'avait pas encore été achevée conformément au permis de construire obtenu de telle que quand le délai réglementaire de non-contestation de conformité de trois mois s'était écoulé sans qu'une contestation ait été élevée, cela faisait obstacle à ce qu'un permis de construire modificatif soit être délivré.
Il était également reproché à la Cour d'Appel de ne pas avoir recherché si les travaux litigieux étaient de ceux qui nécessitaient un permis de construire ou une déclaration préalable et de l’avoir sanctionné pour avoir créé un troisième logement au lieu des deux prévus dans le permis de construire délivré le 11 juin 2013 sans avoir constaté que les travaux litigieux entraient dans l'une des catégories prévues à l'article R. 421-14 du Code de l'Urbanisme.
Pour autant la Cour de Cassation ne s’y trompe pas et vient procéder à un certain nombre de rappels.
Tout d’abord, elle écarte l’argumentation selon laquelle l’autorité administrative n’était plus en mesure de formuler un certain nombre de griefs à l’encontre de Monsieur K ni de solliciter une remise en état.
Elle considère que ni la déclaration d'achèvement de conformité des travaux ni l'attestation certifiant que la conformité des travaux avec le permis n'a pas été contestée, documents qui n'ont pas d'effet sur l'action publique, ne pouvaient conduire le juge à considérer que l'autorisation donnée avait épuisé ses effets et que la construction d'un troisième logement non prévu au permis de construire était constitutif de travaux nouveaux sur existant, au besoin dispensés de permis de construire.
Elle considère qu’est justifiée la décision en remise en état des lieux dès lors que la Cour d'Appel n'était pas tenue d'entendre elle-même le représentant de l'administration alors que cette audition avait déjà eu lieu en première instance, les conclusions de partie civile constituant les observations exigées par l'article L. 480-5 du Code de l'Urbanisme.
Par ailleurs et surtout, Monsieur K avait contesté l’amende qui découlait de l’infraction mais entendait également contester l’idée même d’une remise en état, et donc d’une destruction.
En effet, Monsieur K avait été condamné à la remise en conformité des lieux et des ouvrages avec les règlements, l'autorisation ou la déclaration en tenant lieu,
Cela s’entendait donc de supprimer le troisième logement créé à l'intérieur de l'immeuble qui ne devait initialement comprendre que deux logements et en créant 7 places de stationnement, et ce sous astreinte de 15 euros par jour de retard passé un délai de six mois à compter du jour où le présent arrêt était devenu définitif.
Monsieur K considérait qu'en vertu de l'article L. 480-5 du Code de l'Urbanisme, le juge correctionnel ne pouvait statuer sur la remise en conformité de l'ouvrage, sa démolition ou le rétablissement des lieux en leur état antérieur qu'au vu des observations écrites ou après audition du maire ou du fonctionnaire compétent, ce qui n’avait pas été le cas.
De telle sorte que l'inobservation de cette prescription essentielle est de nature à nuire aux intérêts de la personne poursuivie et à justifier la réformation de la sanction.
Pour autant, la Cour de cassation ne s’y trompe pas.
La condamnation de Monsieur K à la mise ou remise en conformité des lieux et des ouvrages avec le permis de construire obtenu, cependant qu'aucune mention de l'arrêt ou du jugement, ni aucune pièce de procédure, n'établit que le maire, le préfet ou son représentant aient été entendus ou appelés à fournir leurs observations écrites ne pouvait donc être justifiée.
La Cour de Cassation rappelle que la cour d'appel qui, contrairement à ce que soutient le demandeur, n'était pas tenue d'entendre elle-même le représentant de l'administration dès lors que cette audition avait déjà eu lieu en première instance, les conclusions de partie civile constituant les observations exigées par l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme, a justifié sa décision.
Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle qu’il est préférable de s’en tenir aux prescriptions du permis de construire sans procéder à des modifications.
La remise en état des lieux est une sanction particulièrement couteuse qu’il convient d’appréhender à sa juste mesure.
Pour autant, plusieurs techniques et jurisprudences en droit administratif permettent quand même au maitre d’ouvrage et propriétaire qui se serait «écarté », sinon du « droit chemin », mais à tout le moins du permis de construire original de rattraper la situation en cas de poursuite et d’éviter la remise en état des lieux et par là même la destruction de la construction litigieuse.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat, Docteur en Droit,