Sort du gérant-caution d’une SARL en LJ et nom patronymique

Publié le 12/01/2016 Vu 2 552 fois 0
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En cas d'erreur dans le nom patronymique et dans la signification d'un jugement condamnant le gérant caution au paiement d'une créance bancaire, ce dernier peut il contester la validité de la première procédure et envisager de nouvelles contestations contre la banque?

En cas d'erreur dans le nom patronymique et dans la signification d'un jugement condamnant le gérant caution

Sort du gérant-caution d’une SARL en LJ et nom patronymique

Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence en novembre 2015 et qui vient trancher le sort d’un gérant d’une société en liquidation judiciaire, qui s’était porté caution en son temps et qui a été condamné par l’un de ses créanciers au paiement d’une somme importante, et pour lequel il est par la suite frappé d’une saisie rémunération,

L’originalité de l’affaire est que ce dernier décide de profiter de la procédure de saisie sur rémunération pour contester tant la signification que l’erreur manifeste sur son nom patronymiques, erreurs commises par la Banque dans le cadre de la procédure condamnant justement le dirigeant en paiement,

En effet, pour les circonstances de la cause, nous appellerons le gérant de ladite société en liquidation judiciaire, « Monsieur de Napoléon », la particule « de » ayant son importance dans le présent article, premièrement parce que c’est son nom,

Deuxièmement parce que l’assignation en paiement qui a été faite a été rédigée et signifiée sans la particule « de », et ce, non pas à l’adresse personnelle du dirigeant mais à l’adresse du siège social de l’entreprise en liquidation judiciaire,

L’affaire pourrait sembler anecdotique en tant que telle, cependant, la réflexion de l’arrêt en question va porter sur le sort de cette particule et enfin, sur le sort de la signification qui aurait été faite, non seulement à la mauvaise personne, mais encore, au mauvais endroit.

Dans cette affaire, Monsieur de Napoléon était la caution d’une S.A.R.L. Bonaparte, société en liquidation judiciaire, et dont plusieurs engagements avaient été contractés avec un établissement bancaire.

La Banque avait déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire et assignait Monsieur Napoléon en paiement.

Ce dernier n’a pas été touché par l’huissier significateur,

Il n’a donc pas été présent ni représenté dans la procédure et n’a pas donc pas été en mesure d’assurer la défense de ses intérêts, de telle sorte que, par jugement en date du 24 juin 2008 le Tribunal de Commerce de Marseille avait condamné Monsieur Napoléon, à payer à la B.N.P. Paribas en deniers-quittance, la somme de 41 848,25 € en principal, outre intérêts au taux conventionnel.

6 ans plus tard, la banque retrouve l’ancien gérant et engage une procédure de saisie des rémunérations à l’encontre de Monsieur De Napoléon pour une créance augmentée à plus de 85 000,00 €, avec les intérêts, frais…,

Dans le cadre de cette nouvelle procédure, Monsieur De Napoléon soulève une argumentation audacieuse en soutenant que le jugement rendu en première instance n’a pas été fait à son encontre, Monsieur de Napoléon, mais a été fait à l’encontre de Monsieur Napoléon.

Or, il convient de rappeler que la Loi du 6 fructidor An II, en son article premier, rappelle qu’un citoyen ne pourra porter de nom et de prénoms autres que ceux exprimés dans son acte de naissance, ceux qui les auraient quittés seront tenus de les reprendre.

Ces dispositions consacrent notamment le principe d’immutabilité du nom patronymique.

L’opinion publique considère la particule « de », « du » ou « des » comme un signe de noblesse ou tout au moins de l’ancienneté de la famille.

C’est une conception enracinée en droit français qui est cependant fausse historiquement.

En effet, la particule est souvent d’origine rurale et servait à distinguer plusieurs personnes portant le même nom en précisant leur origine territoriale.

Quand la particule est détachée, il s’agit parfois d’un nom noble, le deuxième élément désignant l’ancien fief.

La particule est donc partie intégrante du nom de famille et non un signe de noblesse en tant que tel.

Elle est donc transmise, comme le nom, par dévolution héréditaire et elle est protégée par les tribunaux.

Il en résulte que les tribunaux judiciaires ont compétence pour décider si une personne a le droit de porter la particule « de » et en ordonner, le cas échéant, le rétablissement ou la suppression, par voie de rectification des actes d’état-civil.

Le titulaire du nom amputé de sa particule n’agit pas en changement de nom mais en rectification judiciaire d’un acte de l’état-civil, conformément aux dispositions de l’article 99 du Code Civil, et 1046 à 1055 du Code de procédure civile.

Le titulaire du nom imputé de sa particule agit alors en rectification judiciaire d’un acte de l’état-civil et non en changement de nom.

Il convient également de rappeler qu’au titre des articles 56 et suivants du Code de procédure civile, l’assignation doit comprendre le nom et le prénom du défendeur et ce avec exactitude.

Ceci d’autant plus qu’au visa des articles 99 et 100 du Code civil, il y a imprescriptibilité et immutabilité du nom patronymique.

Pour s’en convaincre, il convient de s’intéresser à l’ensemble de la jurisprudence qui a été rendue concernant notamment l’ajout ou le retrait de particules, et pour lequel il a été considéré à bien des égards, que de par l’imprescriptibilité du nom, ce dernier ne pouvait être ajouté ou modifié.

Dès lors, tant l’assignation, que la signification de la décision rendue en 2008 l’ont été à l’encontre non pas de Monsieur De Napoléon, mais seulement de Monsieur Napoléon,

Le gérant-caution pouvait-il imaginer la première procédure nulle ou inopposable, voire prescrite ?

Dans pareil cas, le gérant pourrait il au moins se prévaloir d’un préjudice relatif à l’absence de particule tant dans l’assignation en paiement que dans le jugement rendu à son encore,

Il est loisible d’aller en son sens, puisque dans la mesure où Monsieur de Napoléon n’a pu comparaître, il n’a pu donc être valablement présent et représenté, et présenter devant le Tribunal de Commerce de Marseille l’ensemble des moyens de fait et de droit lui permettant de contester l’engagement de caution.

Dans le cadre de cette nouvelle procédure, en saisie des rémunérations, le gérant-caution, Monsieur de Napoléon, a donc sollicité la fourniture de l’ensemble des justificatifs de signification, ainsi que les copies des papiers roses qui ont été déposés dans la boîte aux lettres par l’huissier, pour amener la juridiction saisie de vérifier la validité de la première procédure, et consacrer ses manquements.

Dans l’hypothèse où il serait considéré que la particule est un élément fondamental et important du nom patronymique, au principe pris de l’imprescriptibilité et de l’immutabilité de ce nom patronymique, tel que définie(s) dans les articles 99 et 100 du Code civil, dès lors, l’absence de la particule de ne constituerait, non pas une simple erreur matérielle, mais bel et bien un vice de procédure rendant le premier jugement inopposable,

De telle sorte que la décision qui aurait été rendue par le Tribunal de Commerce de Marseille en 2008, serait complètement inopposable et empêcherait alors l’établissement bancaire de poursuivre en saisie des rémunérations sur la base de ce titre exécutoire Monsieur de Napoléon,

Dans pareil cas, il serait impossible pour l’établissement bancaire de procéder à l’exécution de ladite décision rendue, de telle sorte que la banque ne pourrait en aucun cas valablement engager une procédure d’exécution à l’encontre de Monsieur de Napoléon.

La banque serait alors irrecevable à agir dans le cadre de l’exécution de la décision de justice et ce au visa des articles 114 et 117 du Code de procédure civile.

Pour donner corps à son argumentation le gérant-caution doit d’abord solliciter l’huissier instrumentaire de l’époque afin qu’il communique les justificatifs de la signification faite en son temps, à savoir en 2008,

Ces diligences vont permettre de mettre en exergue un certain nombre d’autres incohérences et, par-là même, de soulever un nouveau moyen de contestation relatif à la signification de l’assignation.

En effet l’engagement de caution conclu en son temps entre le gérant-caution et l’établissement bancaire fait état d’une adresse personnelle du gérant-caution, Chemin des gérants (adresse changée pour la présente étude) à Sainte-Maxime.

Il s’agit là de son adresse personnelle et non celle de l’entreprise, laquelle était Avenue du Commerce (adresse changée pour la présente étude)

Pour autant, l’huissier a choisi de signifier l’assignation au siège social de l’entreprise et non à son nom personnel, alors que l’huissier doit viser le domicile personnel,

Cela est d’autant plus compréhensible alors que l’entreprise s’est retrouvée en liquidation judiciaire,

Mais surtout, l’adresse Chemin des Gérants était une mauvaise adresse, ledit chemin n’existant pas sur Sainte maxime, mais sur Draguignan, à plus de 30km de là,

Dès lors, l’huissier n’a pas non plus pu procéder à la signification de l’assignation et du jugement en question.

Le paradoxe est que si l’assignation a été valablement faite au siège social de l’entreprise, mais que celle-ci était moribonde, il n’y avait donc plus personne et le dirigeant n’a pu être touché, et s’il y avait bien une adresse personnelle de Monsieur de Napoléon, Chemin des Gérants, malheureusement la ville n’était pas la bonne, de telle sorte que l’huissier instrumentaire a rayé la mention et n’a donc pas procédé à la signification en tant que telle.

Dans tous les cas, Monsieur de Napoléon n’a absolument pas été touché par la signification et n’a donc pas pu valablement, ni assurer sa défense devant le Tribunal de Commerce de Marseille en son temps, ni contester la décision lorsque celle-ci a été rendue, le condamnant sévèrement.

En contestant à la fois la validité de la signification et l’opposabilité de la décision rendue à son encontre, et non pas à seulement Monsieur Napoléon, ce dernier entendait assurer une fois pour toute la défense de ses intérêts et de pouvoir en tant que de besoin contester la créance bancaire, fût-ce tant la validité de l’engagement de caution lui-même, que les décomptes proposés par cette dernière.

Pour autant, dans le cadre de sa motivation, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence ne partage malheureusement pas cette largesse d’esprit et vient sanctionner, assez durement d’ailleurs, Monsieur de Napoléon.

En effet, dans le cadre de la procédure d’appel Monsieur de Napoléon a envisagé une procédure en inscription de faux, sur la base de l’article 306 du Code de procédure civile, afin de justement pouvoir contester les prétentions en question.

En effet, Monsieur de Napoléon allègue à la fois que l’huissier de justice avait une adresse qui semble être celle du domicile personnel de Monsieur de Napoléon pour finalement signifier au siège social de l’entreprise, laquelle n’existait déjà plus dans la réalité, de telle sorte que les bordereaux de signification d’assignation et de signification de jugement rendu le 24 juin 2008, doivent être déclarés faux,

Pour la Cour, il n’est point question de considérer ici que la signification effectuée est un faux mais de considérer que la signification a été faite dans des conditions ne permettant pas à Monsieur de Napoléon de se défendre, ce qui montre bien que ladite irrégularité et ladite irrecevabilité évoquées par ce dernier dans le cadre de la présente procédure se fonde sur un problème de signification qui a eu lieu en son temps et que, par là-même, ce dernier n’a pu se défendre valablement, créant par là-même le préjudice dont est en droit de se prévaloir toute personne évoquant une irrecevabilité.

Cependant la cour n’est malheureusement pas encline à faire droit aux demandes de Monsieur de Napoléon puisqu’elle considère que ce dernier ne caractérise pas en quoi la rayure d’une des deux adresses mentionnées à l’acte, celle du Chemin des Gérants, s’agissant de l’assignation, constituerait une altération de l’acte existant, constitutif de faux, ou bien la création de toutes pièces d’un faux acte authentique.

Par ailleurs, la cour considère que, dans la mesure où la signification a été faite au siège de l’entreprise, alors que celle-ci n’était pas encore en liquidation en judiciaire, tout laisse à penser que celle-ci a été faite valablement.

Elle considère que Monsieur de Napoléon, à qui incombe la charge de la preuve du faux inscrit à titre incident, n’établit pas l’altération de l’acte authentique par des mentions fausses dont il résultait un défaut de signification régulière à titre personnel des différents actes, de telle sorte que l’allégation de faux, manifestement dépourvue de fondement, est écartée.

Cependant, la Cour omet sur ce point de retenir que si Monsieur de Napoléon avait tantôt sollicité l’inscription de faux, comme l’avait d’ailleurs fortement invité le juge de première instance à le faire, il n’en demeure pas moins qu’il demandait également l’irrecevabilité et l’irrégularité de la signification en question pour pouvoir justement envisager un nouveau débat sur le fond.

Or, là-dessus, la Cour, curieusement, ne répond pas et vient se retrancher derrière l’absence d’inscription de faux et derrière le fait que la procédure semble parfaitement valable pour ne pas faire droit aux prétentions de Monsieur de Napoléon.

Concernant la particule, la cour considère que la preuve de l’erreur de l’orthographe du nom de famille, par l’omission de la particule « de » précédant Napoléon, est une source d’ambiguïté préjudiciable privant l’exercice des droits devant une juridiction, n’est pas rapportée.

Le prénom demeure le bon, les mentions d’adresse, en particulier celles renseignées pour les besoins du contrat de cautionnement semblent bonnes, alors que la signification de l’assignation est pourtant par ailleurs contestée.

Dès lors, la cour confirme la décision de première instance, qui juge que l’erreur d’orthographe ne constitue qu’une erreur matérielle, laquelle doit en conséquence être rectifiée par le présent arrêt.

Elle considère par ailleurs que la confusion d’état-civil sur l’en-tête de la requête en saisie des rémunérations, aussi regrettable soit-elle, ne se retrouve pas dans le jugement du tribunal de commerce fondant la mesure d’exécution, en particulier le dispositif du jugement, ce dernier, reprenant les mentions des actes de cautionnement, reproduit dans le détail de l’assignation, la rectification de la requête étant intervenue devant le juge de la saisie des rémunérations, ce qui n’est pas contesté, la régularisation opérée en cours d’instance s’opposant dès lors à toute nullité et faute de grief démontré.

Cette jurisprudence est intéressante en ce qu’elle vient apporter une rigueur nouvelle à la question du particule « de » et aux erreurs de signification,

D’une part, le juge vient considérer que la procédure de faux et d’inscription de faux n’est pas valable,

D’autre part, l’omission du particule n’étant qu’une erreur matérielle, Monsieur de Napoléon n’est plus en mesure de contester la créance de la banque et doit faire face à ses obligations.

Si, sur le terrain purement juridique la décision peut sembler satisfaisante, elle demeure sur un terrain pragmatique plus délicate.

En effet, à bien y comprendre, tout laisse à penser que, dans l’hypothèse où par extraordinaire l’établissement bancaire prend « un coup d’avance » en condamnant le dirigeant-caution aux fins de paiement, alors même qu’il n’a pas été valablement assigné, alors même qu’il n’a pas été valablement destinataire de la signification du jugement rendu, alors même que son nom a été plus qu’écorché, pour ne pas dire altéré dans son principe même, et alors même que la saisie sur rémunération est également entachée d’un certain nombre d’irrégularités, tout ceci n’est pas suffisamment constitutif de griefs et de préjudices à l’endroit du dirigeant caution pour que celui-ci puisse à nouveau exprimer des moyens de contestation qu’il n’a pu faire en son temps.

Dès lors, alors même que le droit bancaire et le droit de l’entreprise en difficulté ne cessent d’être repensés en permanence par le législateur afin d’assurer une « égalité des armes » entre débiteur et créancier, il est loisible de s’étonner en pratique de ce que la jurisprudence des juridictions de première instance serve plus facilement les intérêts de l’établissement bancaire créancier que ceux du débiteur/gérant-caution qui, doit encore et toujours, faire face à ses obligations.

Par voie de conséquence, que recommander de plus au gérant-caution d’anticiper autant que faire se peut les difficultés qu’il peut rencontrer tant au nom et pour le compte de l’entreprise qu’il gère que pour son compte personnel,

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