Souscription d’un prêt bancaire par un gérant démissionnaire de SCI, nullité du prêt ?

Publié le 08/04/2023 Vu 1 525 fois 0
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Un gérant de SCI en phase d’être démissionnaire signe un acte de prêt auprès d’un établissement bancaire et affecte ses fonds pour aménager le logement qu’il occupe, propriété de la SCI. L’acte de prêt est-il valable ?

Un gérant de SCI en phase d’être démissionnaire signe un acte de prêt auprès d’un établissement banc

Souscription d’un prêt bancaire par un gérant démissionnaire de SCI, nullité du prêt ?

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue récemment par la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE, le 19 janvier 2023, n°23/7, et qui vient aborder le cas particulier d’un prêt sollicité par un gérant de Société Civile Immobilière démissionnaire et pour lequel ladite SCI vient contester la validité de l’engagement par la suite contre l’établissement bancaire.

Quels sont les faits ?

Dans cette affaire, la SCI N., Société civile immobilière familiale, créée au profit de deux époux, désormais en phase de divorce d’où la naissance du litige existant entre ces derniers.

Selon offre établie le 2 juin 2014, la banque avait consenti à la SCI N., représentée par Monsieur D., agissant en qualité de gérant, un prêt destiné à financer des travaux d’aménagement dont le coût professionnel d’un montant de 40 000 €, au taux fixe de 2,90% l’an remboursable en 60 mensualités.

En garantie de ce prêt et par acte du 6 juin 2014, Monsieur D., gérant de la SCI, s’est également porté caution solidaire des engagements de la SCI N. envers la banque, dans la limite de la somme de 52 000 € et ce, pour une durée de 84 mois.

Les échéances du prêt n’ayant pas été réglées, la banque a, par courrier recommandé des 3 avril et 11 mai 2015, mis en demeure la SCI N. de la somme due en lui indiquant qu’à défaut la déchéance du terme serait prononcée.

En parallèle, la banque adressait des courriers de mise en demeure à Monsieur D. pour honorer son engagement de cautionnement.

Suite à cela, et par actes des 4 et 16 janvier 2019, soit près de 4 ans plus tard, la banque a assigné la SCI ainsi que la caution, Monsieur D., en paiement devant le Tribunal Judiciaire de Marseille.

Quelles sont les obligations du gérant d’une SCI ?

C’est dans ces circonstances que le Tribunal Judiciaire de MARSEILLE a, dans son jugement du 7 mars 2019, rejeté la demande de sursis à statuer, constaté que le prêt entre la SCI N. et la banque était nul à l’égard de la SCI N., dit que Monsieur D. demeurait lié en son nom propre par le prêt litigieux, constaté la validité de l’engagement de caution liant Monsieur D. et condamné celui-ci au paiement de la somme de 43 306 € outre intérêts au taux contractuel, débouté la SCI N. de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts, débouté Monsieur D. de sa demande subsidiaire de délai de paiement.

C’est dans ces circonstances que la banque a frappé d’appel cette décision, tout comme Monsieur D. qui a également interjeté appel.

Il est également important de préciser que selon jugement du 23 mars 2021, le Tribunal Judiciaire d’AVIGNON avait ouvert une procédure de sauvegarde de la SCI N., un administrateur et un mandataire judiciaire en charge de la vérification du passif ayant été également désignés.

La jurisprudence a amené à s’interroger sur plusieurs points juridiques concernant d’abord la validité de l’engagement financier et, dans un second temps, la validité de l’engagement de cautionnement.

I/ Sur la nullité du contrat de prêt conclu par le gérant de SCI démissionnaire 

La banque faisait grief au Tribunal d’avoir jugé que le contrat de prêt était de nul effet à l’égard de la SCI N. au motif que l’absence de date de signature à laquelle s’ajoute celle du cachet de la société est sont de nature à faire douter des conditions de formation du contrat de prêt, de sorte qu’il n’était pas établi que la SCI N. ait effectivement contracté.

La banque appelante soutient que l’absence de date exacte de la signature de Monsieur D. sur l’acte ne saurait remettre en cause la validité du prêt qu’elle a consentie s’agissant d’un contrat consensuel formé par le seul échange de volonté des parties, sachant qu’aucun formalisme n’est requis pour la formation de ce contrat et que s’est seulement sur le terrain de la preuve du prêt que ce défaut de mention pourrait avoir une incidence.

La date incertaine de la conclusion du contrat de prêt

La banque expose que la date d’établissement des conditions acceptées par Monsieur D. en sa qualité de gérant de la SCI N. est le 2 juin 2014, que la date de réalisation du prêt est fixée au 16 juin 2014, que la date de conclusion du prêt se situe donc nécessairement entre ces deux dates, étant précisé que l’acte de cautionnement donné par Monsieur D. en garantie est daté quant à lui du 6 juin 2014, de sorte que pour la banque il est raisonnable de soutenir que la date de signature du prêt coïncide avec celle dudit cautionnement.

La banque ajoute que le Premier Juge a considéré que cette date était importante dans la mesure où Monsieur D. a cessé d’être le gérant de la SCI N. le 16 juin 2014.

Information capitale dans le raisonnement juridique complet de cette affaire puisqu’effectivement Monsieur D. aurait contracté ce financement alors même qu’il savait qu’il allait être révoqué ou démis de ses fonctions.

Un gérant signataire du prêt en passe d’être démis de ses fonctions

Cependant, s’il ressort des documents produits par la banque que la décision de révocation de ses fonctions a été prise le 16 juin 2014, seule la date de publication de cette décision la rend opposable aux tiers.

Or, la SCI n’apporte pas la preuve de cette publication, ni même de sa date pour justifier de la connaissance que Monsieur D. en aurait eu et aurait donc pu en avoir la banque à la date de conclusion du prêt nécessairement antérieure à sa réalisation.

La SCI réplique sur cette question en indiquant que la convention est manifestement entachée de nullité dès lors qu’elle n’est pas datée et n’est pas signée par la banque et que le prêt accordé constitue une fraude manifeste de ses droits.

La SCI faisant valoir qu’à la date à laquelle la banque affirme que ce contrat aurait été signé, soit le 16 juin 2014, Monsieur D. n’était plus son gérant et qu’en tout état de cause ne pouvait ignorer qu’il serait révoqué de son mandat de gérant.

Une démission du gérant opposable à la banque à quel moment ?

En effet, la SCI ajoute que le prêt a été accordé et versé pour un objet différent de celui pour lequel il a servi, sa finalité constitue une fraude à ses droits dans la mesure où la banque ne pouvait ignorer d’une part, que les fonds devaient servir à payer des chèques émis par Monsieur D. à son profit pour un montant de 31 680,00 € et, pour le surplus, au profit d’entreprises dont manifestement les justificatifs d’intervention n’ont pas été fournis préalablement au déblocage de fonds et, d’autre part, qu’elle était dans l’incapacité compte-tenu de ses revenus de faire face aux charges de l’emprunt.

La SCI précise que la banque, dans ses écritures, reconnait expressément que le prêt consentit avait pour objet de financer les travaux d’aménagement du local dont Monsieur D. était locataire (sauf que le propriétaire demeure toujours la SCI en question).

L’objet du financement contraire à l’intérêt social de la SCI ?

De sorte qu’il est établi que le prêt qui lui a été consenti a exclusivement, selon elle, profité à ce dernier.

Immanquablement, sur le terrain pénal, il pourrait s’agir d’un délit d’abus de confiance et qu’en acceptant d’accorder un prêt à la SCI dans l’intérêt exclusif de son gérant, et pour des besoins étrangers à l’intérêt de la société, la banque s’est également rendue complice du délit reproché à Monsieur D.

Un montage financier pénalement répréhensible pour abus de confiance ?

A cet égard, il est tout d’abord observé par la Cour qu’aux termes d’un arrêt du 1 mars 2022, confirmant une ordonnance de non-lieu du 27 septembre 2021 dont la SCI avait relevé appel.

La chambre de l’instruction de la Cour d’Appel d’AIX EN PROVENCE a notamment estimé que Monsieur D. avait rapporté la preuve que les fonds versés sur son compte avaient servi au règlement de factures relatives aux travaux effectués et en justifiait la conclusion du contrat de près, lequel, par l’aménagement d’un local attenant aux locaux de la SCI N. et valorisant ainsi ces derniers ne pouvaient dès lors constituer l’infraction alléguée, ce qui parait parfaitement logique.

Ceci étant, et sur le terrain purement civil, la Cour souligne qu’il est constant que lorsqu’il a souscrit le prêt litigieux au nom de la SCI et personnellement le cautionnement du 6 juin 2014 en garantie de celui-ci, Monsieur D. savait qu’il serait révoqué de ses fonctions de gérant, statutaire puisque cette question était à l’ordre du jour de l’assemblée générale devant se tenir le 16 juin 2014, sur convocation datée du 28 avril 2014.

Un mandataire ad’hoc de la SCI qui avait déjà été désigné à cet effet par ordonnance rendue le 18 février 2014 et ce, à la demande de Madame N., son épouse et associée, propriétaire de 99 % des parts de la société, lui-même étant détenteur du 1% restant.

Cependant, la Cour souligne que la SCI N. ne justifie nullement de ce que la banque, tiers à la relation désormais conflictuelle entre ses associés, aurait pu avoir connaissance du changement de représentant légal de la société immatriculé en juin 2002, avant le 9 juillet 2014, date de l’extrait KBIS, faisant désormais apparaitre comme gérant Madame N., ce qu’elle verse aux débats.

La banque, tiers aux relations conflictuelles des associés

En tout état de cause, des fonds au titre de la réalisation du prêt ayant été versés sur son compte le 16 juin 2014, selon le relevé que produit la SCI elle-même, le contrat a nécessairement été souscrit entièrement à cette date, de telle sorte que Monsieur D. encore gérant était alors seul habilité à la représenter.

La Cour rappelle en tant que de besoin que la banque, au demeurant tenu de l’obligation de non-ingérence dans les affaires de ses clients, n’avait notamment pas, lors de la souscription dudit prêt, à s’interroger sur l’état du patrimoine de l’associé, certes majoritaire, Madame N., laquelle par ailleurs n’était pas, à l’inverse de son époux, séparée de bien, caution solidaire des engagements de la société à ce titre.

L’obligation de non-ingérence de la banque

Dès lors, le prêt consentit par la banque étant, comme le rappelle justement celle-ci, un contrat consensuel, l’effet que ces conditions d’octroi établies le 2 juin 2014, ainsi que cela résulte de l’acte ne comporte pas la date à laquelle Monsieur D., en sa qualité de gérant de la SCI, apposait sa signature ne saurait justifier le défaut de validité de la convention.

Le jugement est alors infirmé en ce qu’il a considéré que le prêt était nul et de nul effet à l’égard de la SCI.

II/ La contestation de l’indemnité exceptionnelle d’exigibilité

La SCI s’intéresse aussi au sort de l’indemnité exceptionnelle d’exigibilité qui vient toujours augmenter considérablement la créance de la banque.

En effet, s’agissant de la créance revendiquée par la banque, la SCI conteste le bien-fondé et le montant de l’indemnité exceptionnelle d’exigibilité anticipée au motif qu’elle constitue une clause pénale par nature réductible, et par ailleurs le montant du découvert en compte courant au motif qu’il a créé, notamment par les frais bancaires et par ailleurs, le montant du découvert en compte courant au motif qu’il a été créé notamment par les frais bancaires.

Pour autant, la SCI ne démontre, ni même n’invoque le caractère manifestement excessif de l’indemnité conventionnellement fixée à 5% des sommes restant dues n’est pas fondé à prétendre voire rejetée la demande formée au titre de cette clause pénale.

Par ailleurs, sa contestation relative au solde débiteur de son compte bancaire n’étant pas davantage justifiée, il convient au vu des éléments et notamment des décomptes versés aux débats de fixer au passif de la procédure collective de la SCI la créance de la banque.

III/ Le cautionnement manifestement disproportionné du gérant de la SCI :

Concernant le cautionnement souscrit par le gérant de la SCI, Monsieur D. soutient que l’acte de cautionnement solidaire qu’il a signé est manifestement disproportionné à sa situation financière.

Il fait notamment valoir que la fiche de renseignements communiquée par la banque présente différentes anomalies et qu’ainsi elle ne mentionne aucune charge mais uniquement un revenu, que celui-ci est d’ailleurs afférent à l’année 2012, qu’elle n’indique pas davantage un précédent engagement de caution pourtant au bénéfice de la même banque et qu’en outre sa date de naissance y figurant montre qu’il se trouvait alors à un âge proche de la retraite.

Il ajoute qu’il n’est pas revenu à meilleure fortune de la signature de l’acte litigieux du 6 juin 2014.

La banque réplique que la fiche de renseignements rempli par le gérant faisait état de revenus professionnels de 50 000 €, correspondant au montant de ses bénéfices déclarés pour 2012, la banque n’étant pas tenue de vérifier l’exactitude des déclarations effectuées par la caution, le fait que ses revenus aient par la suite diminués est indifférent.

Une fiche de renseignements dûment remplie par le gérant

La banque expose que Monsieur D. ne peut se prévaloir d’une anomalie apparente qu’elle aurait dû relever au motif de l’absence de mention de ses différentes charges dont il n’est d’ailleurs pas fait état dans ses pièces.

Que par ailleurs, Monsieur D. évoque un précédent cautionnement au titre d’un prêt contracté pour une autre SCI, dont il est également gérant, ayant servi au financement d’un bien immobilier mis en location et que, cependant, Monsieur D. ne produit pas l’acte concerné.

Une disproportion découlant du cumul des cautionnements ?

En tout état de cause, il convient effectivement de tenir compte des autres engagements précédemment donnés par la caution, ceux-ci doivent être actualisés en fonction du remboursement progressif des dettes garanties mais également des autres garanties appelées à jouer en faveur du créancier rappelant que le cautionnement ainsi allégué apparait comme une garantie accessoire à la date de souscription de celui en litige.

La banque rappelant, au visa de l’article L.341-4 précité, que si le cautionnement de Monsieur D. du 6 juin 2014 devait être considéré comme disproportionné, à cette date la banque démontre qu’au regard notamment de la valeur actuelle du bien de la seconde SCI, son patrimoine lui permet de répondre à la demande en paiement qu’elle présente à hauteur de 52 000 €, montant de son engagement.

Sur ce, aux termes du texte invoqué, le créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée ne lui permet de faire face à son obligation.

Pour l’application de ces dispositions, c’est à la caution qu’il incombe de rapporter la preuve de la disproportion qu’elle allègue et au créancier qui entend se prévaloir d’un contrat de cautionnement manifestement disproportionné d’établir qu’au moment où il appelle la caution le patrimoine de celui-ci lui permet de faire face à son obligation.

La charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution

Le caractère manifestement disproportionné du cautionnement s’apprécie au regard d’une part, de l’ensemble des engagements souscrits par la caution, d’autre part de ses biens et revenus, sans tenir des revenus escomptés de l’opération garantie.

Par ailleurs, la Cour souligne que l’existence d’une fiche, dont l’établissement n’est pas obligatoire, de renseignements certifiés sincère et véritable par son signataire a pour effet de dispenser la banque qui, sauf anomalie apparente est en droit de s’y fier, de vérifier l’exactitude des déclarations de son client, lequel ne peut ensuite se prévaloir de leur fausseté pour échapper à ses obligations.

Une absence d’anomalie apparente dispensant la banque de contrôle

La Cour reprochant d’ailleurs à l’appelant, Monsieur D., de ne même pas produire ses avis d’imposition pour les années considérées, et la Cour soulignant qu’au regard du caractère incomplet du document qu’il a signé, il incombait à ce dernier de justifier de sa situation financière et patrimoniale à date de souscription du cautionnement litigieux, ce qu’il n’a pas fait.

La Cour considérant dans ces conditions, étant surabondamment observé que les argumentations des parties relatives à la prochaine situation de retraité en ce qui concerne Monsieur D. et à une prétendue érosion du montant des garanties en ce qui concerne la banque sont pour l’appréciation de la situation à la date de conclusion de l’acte litigieux en application de l’article L.341-4 du Code de la Consommation dénué de toute pertinence, de telle sorte qu’il apparait que la caution ne démontre pas le caractère prétendument manifestement disproportionné de son engagement souscrit le 6 juin 2014.

Ainsi, pour la Cour, Monsieur D. en qualité de caution solidaire de la SCI doit être condamné au paiement des sommes dues par cette dernière au titre de prêts garanties dans la limite de son engagement.

Je pense qu’à cet égard il aurait été judicieux que la Cour souligne, mais je pense que le conseil de Monsieur D. ne l’a pas évoqué que dans la mesure où la procédure de la SCI, débiteur principal, étant en procédure de sauvegarde et qu’elle a vocation à présenter un plan de sauvegarde il convient de rappeler que dans le cadre du déroulement de ce plan de sauvegarde, il convient de rappeler que la caution est protégée et ne peut faire l’objet de poursuites non seulement le temps de l’année d’ouverture de la procédure de sauvegarde mais également tout au long du plan de sauvegarde.

Encore un dernier point, puisque la SCI considérait que la banque engageait sa responsabilité à son encontre.

IV/ La responsabilité de la banque à l’égard de la SCI, débiteur principal

La banque exposait notamment qu’à la date à laquelle le prêt avait été accordé, Monsieur D. n’était plus son représentant légal et ne pouvait valablement engager que Madame N., ayant le 16 juin 2014, déposé à la banque, copie du procès-verbal d’assemblée générale qui avait décidé de cette révocation et sa nomination, la banque ne pouvait à cette date l’ignorer.

Par ailleurs, le contrat de prêt mentionne qu’il avait pour objet le financement de travaux d’aménagement.

Cependant, il n’en était absolument rien car selon la SCI ce prêt avait été manifestement accordé sans aucun justificatif, celui-ci ayant servi à payer les chèques antérieurement émis par Monsieur D. alors que le compte de la société ne présentait pas un solde créditeur suffisant.

Ledit crédit constituant donc un prêt de trésorerie sans aucun lien avec l’activité de la SCI et, de surcroit, contraire à l’intérêt de celle-ci et de son associé majoritaire dont la banque n’a pas demandé l’accord avant le déblocage du fond.

La SCI et Madame N. faisaient valoir qu’il relevait de la responsabilité même de la banque de qualifier le prêt adapté aux besoins de l’emprunteur dont elle était nécessairement informée dans la mesure où les comptes bancaires de la société étaient ouverts dans ses livres.

Dès lors, la banque a accepté de verser les fonds pour un objet différent de celui pour lequel le prêt a été consenti.

La banque a engagé sa responsabilité en omettant de solliciter l’autorisation de l’assemblée générale des associés préalablement à l’octroi du crédit et le déblocage des fonds, elle a manifestement manqué à son devoir d’information, de prudence et de conseil.

La SCI ajoutant qu’il est manifeste que le prêteur ne pouvait ignorer, sur la base même des éléments financiers nécessairement communiqués au moment de la demande qu’elle ne pourrait faire face aux échéances du concours accordé avec ses seules revenus, la SCI N. soutenant qu’ainsi l’octroi du concours doit être assigné à un prêt personnel consentit à Monsieur D. par personne interposée, celui-ci s’étant servi de son crédit en se prévalant de sa qualité de gérant.

Cette pratique, selon la SCI constitue non seulement un délit d’abus de confiance mais, que sur le plan civil, cela constitue une faute inexcusable de la banque à son encontre qui lui cause un préjudice dont elle est fondée à solliciter réparation par la condamnation de cette dernière à lui payer la somme équivalent au montant du crédit réclamé par cette dernière.

Cependant, la Cour fait un ultime renvoi à ce qui a été précédemment retenu quant à la validité du prêt consentit à la SCI N. et que nous avons précédemment repris dans notre présente chronique.

Enfin, la Cour répond à la question de savoir si l’organisme prêteur devait demander l’accord des associés ou de l’assemblée générale de la société emprunteuse représentée par son gérant ou encore à l’obligation de non-immixtion de l’établissement bancaire dans les affaires de sa cliente.

L’obligation de mise en garde à laquelle il peut en revanche être tenu est quant à elle subordonnée à deux conditions, la qualité d’emprunteur non avertie et l’existence au regard des capacités financières de celui-ci d’un risque d’endettement né de l’octroi du prêt.

A cet égard, la SCI qui indique n’avoir pour seul revenu que les loyers que lui verse Monsieur D. au titre du bail commercial qu’elle lui a consentit pour l’exploitation de son officine ne justifie pas notamment par la production de ses comptes annuels de la réalité de sa situation, étant constaté que selon procès-verbal d’assemblée générale du 16 juin 2014 dont la SCI se prévaut par ailleurs.

La valeur locative est la fixation d’indemnité d’occupation de l’appartement qu’occupe Monsieur D. était fixée à 2 500 € hors charges par mois, conformément à l’estimation établie par une agence immobilière.

Au regard de sa situation financière et patrimoniale telle qu’elle ressort de ces seuls éléments, la SCI ne démontre pas l’existence pour elle d’un risque d’endettement né de l’octroi du concours litigieux remboursable par mensualités, de telle sorte que la SCI n’était pas fondée à rechercher la responsabilité de la banque de ce chef et est donc déboutée tout naturellement de ses demandes en paiement des dommages et intérêts à l’encontre de cette dernière.

V/ en conclusion, une jurisprudence intéressante

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle vient aborder différentes questions, elle vient d’abord s’interroger sur la validité de l’engagement de financement, de l’engagement de prêt sollicité par un gérant d’une SCI alors que celui-ci est en phase d’être révoqué.

La Cour d’Appel répond à la question de l’opposabilité de ce prêt au profit de la SCI qui ne peut échapper à l’engagement au motif pris que le gérant est démissionnaire.

Elle vient également s’interroger sur les conditions dans lesquelles le cautionnement est pris en rappelant les critères habituels pesant sur la banque concernant les risques de cautionnement manifestement disproportionnés et, elle vient également envisager la question de la responsabilité de la banque à l’encontre du débiteur principal au motif pris de ce que la banque aurait manqué à son obligation de conseil et de mise en garde à l’encontre du débiteur principal.

Enfin, la dernière particularité à souligner est, qu’entre-temps, la SCI a fait l’objet d’une procédure de sauvegarde et, il importe de rappeler que dans pareil cas, les Juges du Fonds ne peuvent condamner au paiement la SCI qui est en sauvegarde mais bel et bien fixer la créance au passif pour que celle-ci soit payée dans le cadre du plan de sauvegarde, étant rappelé in fine que la caution a également vocation à bénéficier de l’arrêt de poursuites individuelles et ne peut être poursuivie le temps de l’exécution du plan de sauvegarde.

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël, Docteur en Droit, 

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

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