Travaux réalisés par un époux dans l’immeuble appartenant à l’autre époux, quelle récompense due à la communauté ?

Publié le 25/02/2025 Vu 130 fois 0
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Il convient de s’intéresser à une jurisprudence abordant la problématique des calculs de récompense due à la communauté par l’un des époux au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre.

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence abordant la problématique des calculs de récompense due

Travaux réalisés par un époux dans l’immeuble appartenant à l’autre époux, quelle récompense due à la communauté ?

Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue par la Cour de cassation ce 23 mai 2024, N°22-18911 de la Première Chambre civile, qui vient aborder la problématique très spécifique des calculs de récompense due à la communauté par l’un des époux au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre.

 

Toute la subtilité de cette problématique n’est pas tant de fixer le droit lui-même puisque le droit à récompense au profit de la communauté est consacré, c’est les modalités de calcul qui sont toujours sujet à problématique.

 

Quels sont les faits ?

 

Dans cette affaire, un jugement en date du 09 septembre 2015 avait prononcé le divorce de Monsieur V et de Madame M, lesquels étaient mariés sans contrat préalable.

 

Ces derniers étaient donc mariés sous le régime de la communauté légale réduite aux acquêts.

 

Or, des difficultés sont survenues à l’occasion de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux et Monsieur V faisait grief à hauteur de Cour de cassation à l’arrêt de la Cour d’appel de Nîmes du 23 mars 2022 de confirmer le jugement disant qu’il sera redevable d’une récompense à la communauté au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre,

 

De telle sorte que pour la Cour d’appel, ladite récompense devait être calculée en déterminant la plus-value procurée à l’immeuble par les travaux (soit, la valorisation actuelle de l’immeuble – la valeur de l’immeuble si les travaux financés par la communauté n’avaient pas été réalisés) en calculant la part correspondante au montant pris en charge par la communauté au titre du remboursement des prêts souscrits pour ces travaux et ce, à la date d’effet du divorce sur la part totale empruntée par la communauté pour le financement des travaux du bien propre de l’époux et en appliquant cette proportion sur la plus-value de l’immeuble.

 

Monsieur V faisait également grief à la Cour d’appel d’avoir donné mission à l’expert de seulement déterminer la valeur actuelle de l’immeuble, sa valeur si les travaux n’avaient pas été réalisés, la plus-value apportée par la construction, alors que, selon lui, ce dernier considérait que l’amélioration de son bien propre devait dépendre d’un mode de calcul différent.

 

L’estimation des travaux par la seule plus-value apportée à la construction ? 

 

La Cour de cassation, dans sa décision, apporte des précisions importantes quant aux modalités de calcul telles qu’elles doivent être effectuées par les professionnels du droit.

 

La Cour de cassation rappelle que pour confirmer le jugement disant que le montant de la récompense due à la communauté par Monsieur V au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre devait être calculée en déterminant d’abord la plus-value procurée à l’immeuble par les travaux résultant de la valorisation actuelle de l’immeuble – la valeur de l’immeuble si les travaux financés n’avaient pas été réalisés, puis, en établissant la part correspondant au montant pris en charge par la communauté au titre du remboursement des prêts souscrits pour les travaux du dit immeuble à la date d’effet du divorce sur la part totale empruntée pour le financement de ces travaux.

 

Les modalités de calcul de la récompense due à la communauté

 

Enfin, en appliquant cette proportion à la plus-value préalablement déterminée, l’arrêt retient que le montant de la récompense due à la communauté par Monsieur V doit être calculée en déterminant d’une part la plus-value apportée à l’immeuble lui appartenant en propre par les travaux de construction établis en soustrayant de la valeur du bien au jour de la liquidation dans son état au jour des effets du divorce (A), la valeur du bien à la même date sans les travaux réalisés (B) et, d’autre part la part rattachable aux matériaux financés par la communauté (C) dans la valeur des travaux, dans leur ensemble, matériaux et main d’œuvre, s’ils n’avaient pas été réalisés par l’époux (D) pour établie enfin, par une application de cette proportion à la plus-value préalablement déterminée (A-B x C/D), la part rattachable aux matériaux financés par la communauté dans la plus-value apportée par les travaux au bien propre de Monsieur V.

 

La Cour de cassation considérant que la Cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction entre les motifs excluant que la récompense comprenne la plus-value de l’industrie personnelle déployée par Monsieur V, incluant cette plus-value dans le calcul de la récompense en violant ainsi les dispositions susvisées.

 

Un mode de calcul à récompense nécessitant la désignation d’un expert judiciaire ? 

 

Ainsi, la Cour de cassation souligne, en application de l’article 624 du Code de procédure civile, que la cassation du chef des dispositifs à l’arrêt fixant un mode de calcul à récompense due par Monsieur V au titre des travaux réalisés pour la construction de l’immeuble lui appartenant en propre entraine la cassation du chef des dispositifs donnant mission à l’expert judiciaire de déterminer la valeur actuelle de l’immeuble, la valeur de l’immeuble si les travaux n’avaient pas été réalisés, et la plus-value apportée par la construction qui s’y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

 

L’une des particularités de cette décision est que la Cour de cassation va rentrer dans les modalités pratiques de calcul en considérant d’ailleurs que l’intérêt d’une bonne administration de la justice justifie en effet que la Cour de cassation statue au fond.

 

Celle-ci précise que, selon l’article 1437 du Code civil, un époux ne doit récompense à la communauté que lorsqu’il a pris une somme sur celle-ci ou, plus généralement, lorsque l’époux a tiré un profit personnel des biens de la communauté.

 

Il s’ensuit que la plus-value procurée par l’activité d’un époux ou de tiers non rémunéré ait organisé des travaux sur un bien appartenant en propre à cet époux ne donne pas lieu à récompense au profit de la communauté.

 

La Cour de cassation rappelle qu’en application de l’article 1469 alinéa 3 du Code civil, lorsque la valeur empruntée a servi à améliorer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de la communauté, dans le patrimoine emprunteur, la récompense doit être égale au profit subsistant, lequel se détermine après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribués à l’amélioration du bien propre, le profit subsistant représente l’avantage réellement procuré au fond emprunteur.

 

La récompense égale au profit subsistant ?

 

À bien y comprendre la Cour de cassation, il en résulte que si l’amélioration d’un bien propre est due à la fois des dépenses assumées au moins partiellement par la communauté et à l’industrie personnelle déployée par un époux ou des tiers non rémunérés, le montant de la récompense due est égal à la part de la plus-value apportée au bien par les travaux réalisés découlant du financement assumé par la communauté, à l’exclusion de la part de cette plus-value découlant de l’industrie déployée et, le cas échéant, de dépenses ne provenant pas de la communauté.

 

Comment calculer cette récompense ? 

 

La Cour de cassation nous précise donc comment ce calcul de récompense doit s’effectuer.

 

Celle-ci précise qu’il convient donc, pour fixer la récompense due par Monsieur V et alors qu’il est constant qu’au moins une partie des travaux ont été réalisés par celui-ci, de déterminer :

 

o   A. La valeur du bien au jour de la liquidation, 

 

o   B. La valeur qu’aurait eu le bien au jour de la liquidation sans les travaux réalisés,

 

o   C. Le montant des dépenses assumées par la communauté s’agissant du remboursement d’échéances d’emprunt souscrit pour financer les travaux relatifs à un bien propre au seul capital remboursé par la communauté, soit, la somme dans cette affaire de 29 123.19 €,

 

o   D. Le coût total qu’auraient eu les travaux à l’époque de la réalisation, matériaux et main d’œuvre compris, s’ils n’avaient pas été réalisés par l’époux ou des tiers non rémunérés.

 

La récompense sera alors égale à la part de la plus-value apportée au bien par les travaux réalisés découlant du financement assumé par la communauté, soit, (A-B) x (C/D).

 

Les valeurs A, B et D demeurant inconnues, il y a lieu de compléter la décision de l’expert aux fins de déterminer ces valeurs.

 

Ainsi, la Cour de cassation vient clairement déterminer les modalités de calcul pour arriver au droit à récompense de la communauté par l’un des époux qui a su en tirer profit pour les travaux et l’amélioration de son bien en propre.

 

Le rôle déterminant de l’expert judiciaire pour déterminer les différentes valeurs

 

La Cour confirmant donc ces modalités de calcul et ajoute à la mission de l’expert de déterminer la valeur actuelle de l’immeuble ainsi que la valeur actuelle qu’aurait eu l’immeuble si ces travaux de construction n’avaient pas été réalisés et de déterminer au besoin le coût total qu’auraient eu les travaux à l’époque de la réalisation, matériaux et main d’œuvre compris, s’ils n’avaient pas été réalisés par l’époux ou des tiers non rémunérés.

 

Cette jurisprudence est intéressante car elle vient finalement préciser les modalités de calcul permettant de déterminer la récompense que doit l’un des époux à la communauté au titre des travaux réalisés pour la construction ou l’amélioration d’un bien lui appartenant en propre.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat à Fréjus-Saint-Raphaël, 

Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

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