Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour d’Appel de Douai en Mai 2014, et qui vient aborder la question spécifique des contrats de travail à durée déterminée dut d’usage très largement pratiqué en milieu sportif,
Dans cette affaire, il s’agissait d’un handballeur qui avait été recruté pour ses qualités sportives dans un club de handball et qui avait été initialement démarché alors qu’il appartenait à un autre club.
Une lettre d’engagement avait été signée de la main du président du club s’engageant à signer un contrat de joueur pour une saison : 2010/2011.
La lettre d’engagement précisant par ailleurs que le contrat était fixé d’un commun accord pour une durée d’un an, prolongée automatiquement pour la période suivante : la saison 2011/2012, sauf en cas de dénonciation du contrat par l’une des parties par courrier recommandé.
La difficulté est le contrat semblait avoir été conclu pour 2 ans.
Par la suite, le sportif en question s’est rendu à son nouveau club de handball et un contrat de travail à durée déterminée de joueur professionnel de handball lui avait été soumis.
Ce contrat prévoyait très clairement qu’il entrait en vigueur à compter du 1er juin 2010 et s’achèverait le 30 juin 2012, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties avant le 30 avril 2011.
La difficulté est que le contrat était prévu pour 2 années et, était également prévu dans ce contrat, une rémunération mensuelle sur 12 mois, correspondant à 110 heures de travail mensuel, en plus des franchises allouées ; ce qui laissait à penser que la rémunération proposée était supérieure à celle du précédent club du handballeur en question.
La difficulté est qu’alors que tout laissait à penser que le contrat était conclu pour deux saisons, celui-ci a été dénoncé par le club de handball, alors que pourtant, en avril 2011, soit à la fin de la 1ère saison et sans même attaquer la 2ème saison ; ce qui laisse à s’interroger immanquablement sur le sort du contrat à durée déterminée d’usage, classiquement admis dans le cadre de l’activité professionnelle sportive pratiquée en question.
Il convient d’apporter quelques précisions à ce titre.
Les entreprises peuvent effectivement conclure des contrats à durée indéterminée, pour pourvoir à des postes dans certains secteurs d’activités définis par décret ou par la convention d’accords collectifs étendus et il est d’usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée : de par la nature temporaire de ces emplois.
Il était clairement précisé dans ce contrat que la durée de contrat était fixée d’un commun accord pour une année, du 1er juillet 2010 au 30 juin 2011, prolongée automatiquement pour la période du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012.
Le contrat prévoyant également qu’il entrerait en vigueur à compter du 1er juillet 2010, pour s’achever le 30 juin 2012. Il est encore précisé à l’article spécifique de la rupture anticipée que : « Le présent contrat ne peut être rompu avant l’arrivée du terme qu’en cas de faute grave, ou en cas de force majeure, ou d’un commun accord des deux parties, conformément aux dispositions de l’article L 1243 – 1 du Code du travail ».
La question qui se posait était alors de savoir si oui ou non le contrat à durée déterminée pour deux saisons pouvait être rompu par le club de sport à la fin de la 1ère saison, sans attendre la fin de la deuxième saison.
Il convient de s’intéresser à la notion de contrat à durée déterminée d’usage.
En effet, concernant les contrats à durée déterminée d’usage, si son recours doit être considéré comme exceptionnel, il ne s’agit là que d’un seul recours à ce dernier, car pour l’application et le bon déroulement de ce contrat à durée déterminée d’usage, c’est bel et bien le « droit classique » du contrat durée déterminée qui s’applique.
Dès lors, les conditions de rupture strictement prévues par la loi pour les contrats à durée déterminée sont extrêmement claires, à savoir que ce dernier ne peut être rompu avant l’arrivée du terme qu’en cas de faute grave, ou en cas de force majeure, ou d’un commun accord des deux parties conformément aux dispositions de l’article L 1143 – 1 du Code du travail.
Dès lors que le contrat prévoyait à ce moment-là une période courant pour deux saisons, tout pouvait laisser à penser que celui-ci avait été rompu de manière anticipée à la fin de la 1ère saison.
Le contrat à durée déterminée ne peut être rompu avant son échéance normale que dans les cas suivants, à savoir : l’accord des parties, la faute grave, la force majeure ou l’embauche extérieure du salarié pour une durée indéterminée.
En conséquence, le terme initialement fixé à la loi du contrat devait être pensé à juin 2012 et non pas à juin 2011.
Ainsi, conformément aux principes communs de la responsabilité contractuelle, la rupture anticipée, en dehors des cas limitativement autorisés et susvisés, est sanctionnée par l’octroi, à la partie lésée, de dommages et intérêts, tels que vise l’article 1243 – 3 et suivants du Code du travail.
Cette indemnité due par l’employeur est alors égale aux rémunérations que le salarié aurait perçues jusqu’au terme de son contrat.
La jurisprudence rappelant d’ailleurs que cette indemnité constitue une réparation forfaitaire, minimale, incompressible et indépendante de tout préjudice subi, de telle sorte que celle-ci ne peut subir aucune réduction.
Ce montant ne peut pas non plus être affecté par le fait que le salarié aurait retrouvé entre-temps un travail.
La question qui était alors posée à la Cour était de savoir si oui ou non le contrat conclu entre le club de handball et son joueur professionnel permettait au club de handball de dénoncer le contrat entre deux saisons ?
Pour apporter une réponse à ce cas d’espèce, la Cour d’appel de Douai, dans son arrêt en date du 28 mai 2014 procède par étape.
En premier lieu elle précise qu’en vertu de l’article 1243 – 5 du Code du travail : « le contrat de travail à durée déterminée cesse de plein droit à l’échéance du terme ». L’article 1 – 3 de l’accord collectif du handball masculin de 1ère division du 2 février 2008 précise que : « les parties ont la faculté d’insérer dans le contrat une clause prévoyant qu’à son terme, le contrat sera reconduit automatiquement aux mêmes conditions, dans les conditions déterminées entre les parties sur dénonciation exprès par l’une des deux parties, pour une ou plusieurs séances sportives supplémentaires, sans qu’il soit besoin d’un nouvel accord entre les parties ».
Reprenant cet accord collectif de handball masculin de 1ère division, la Cour considère que le salarié, le handballeur, estime à tort que la faculté de dénonciation a bien été donnée au terme du contrat et non pas au terme de la saison. En effet, car selon l’article 3 du contrat, il était conclu que : « le contrat était conclu pour une durée d’une saison sportive, reconductible une saison, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties avant le 30 avril 2011. Le contrat entre vigueur à compter du 1er juin 2010 et s’achèvera le 30 juin 2011, sauf dénonciation par l’une ou l’autre des parties avant le 30 avril 2011 ».
La question posée était de savoir si le contrat était de 2 ans ou si le contrat était d’1 an reconductible une année.
La Cour recherche dans la convention, quelle a été la commune intention des parties, sans s’arrêter au sens littéral du terme lorsqu’une clause est susceptible de deux sens. La Cour rappelle que lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque ?
Ainsi, compte tenu de la particularité des contrats de travail des sportifs professionnels et compte tenu de l’accord collectif susvisé qui en tient compte, il convient d’interpréter l’article 3 litigieux comme fixant le terme du contrat à la fin de la 1ère saison sportive, avec reconduction automatique pour une 2ème saison ; sauf usage de la faculté de dénonciation, de sorte que le terme du contrat est la fin de la 1ère saison.
La deuxième phrase fixant un terme au 30 juin 2012 ne se comprenant que comme la volonté des parties de renoncer à une reconduction automatique comme l’accord collectif en donne la possibilité, et par conséquent, la Cour rejette l’interprétation faite par le handballeur de considérer que le contrat est initialement convenu pour 2 saisons et que c’était à tort que le club de handball professionnel avait dénoncé le contrat au terme, seulement, de la 1ère saison.
L’arrêt de la Cour est également intéressant sur le terrain de la rémunération.
Le salarié handballeur professionnel est également venu contester les modalités de rémunération de l’ensemble des fiches de paye de la saison qu’il avait réalisé au sein du club.
Concernant la rémunération, les difficultés étaient posées. La lettre d’engagement qui semblait fort alléchante, il faut le dire, pour le handballeur, proposait la rémunération de…
Puisque pour la nouvelle saison et pour le nouveau club, ce dernier proposait une rémunération globale de 2300 € nets, ce qui était supérieur au club précédent.
Dès lors, lorsque le handballeur prend son activité et commence la saison, il se rend compte que la rémunération n’est pas celle espérée.
Dès lors que la promesse d’embauche engage l’employeur, si elle est ferme et adressée à une personne désignée précise : l’emploi proposé, la rémunération à la date d’entrée de ses fonctions, comme en rappelle la jurisprudence. Il n’en demeure pas moins que tout laissait à penser que l’employeur n’avait pas respecté la promesse d’embauche.
Alors que dans le milieu sportif, dans la mesure où il est classiquement fait recours à des contrats de travail à durée déterminée dits d’usage, la promesse d’embauche était d’importance, car elle déterminait la saison à venir pour le sportif et donc son choix, pour quitter son club initial et aller dans un nouveau club.
Quelle n’a pas été la surprise lorsque le handballeur a dû signer le contrat de travail, de constater que le salaire n’était pas de 2300 € nets comme prévu, mais qu’à l’article « salaire », il était prévu un salaire mensuel net de 1405 € sur 12 mois, correspondant à 110 heures de travail mensuel, plus des franchises allouées à hauteur de 555 € bruts conformément à l’arrêté du 27 avril 1994.
Cette rémunération représentant la totalité de ce qui est dû au joueur en contrepartie de son travail, à l’exception des primes et des avantages en nature et annoncés ci-dessus.
Dès lors, nous étions effectivement bien loin de la rémunération initiale proposée.
La Cour d’appel apporte une réponse à la question de la rémunération.
La Cour retient que c’est dans ces circonstances que le handballeur a donc réclamé la différence de salaire considérant que sa rémunération nette n’était pas de 1405 €, mais de 2300 € et qu’il appartenait à l’employeur de combler cette différence.
Le club considérait que le sportif avait perçu tous les mois de salaire prévu au contrat de travail, outre l’indemnité représentée par les frais professionnels, qui constitue un élément de rémunération dans la mesure où il s’agit d’une somme fixée à l’avance et de manière forfaitaire de telle sorte que le surplus du salaire est au moins égal au salaire minimum de référence, le tout étant égal à la somme de 2300 €, ce qui est finalement conforme aux prévisions de la lettre d’embauche.
Ainsi, le club de handball considérait que la partie représentative des frais professionnels, visant justement à permettre d’arriver à la somme de 2300 € nets, et lui permettait corrélativement d’échapper aux cotisations sociales.
Toutefois, la Cour ne suit pas ce raisonnement, fort heureusement, et précise que c’est dans ces conditions précises et s’agissant d’une dérogation interprétée restrictivement que les sommes versées à l’occasion du travail échappent à l’assujettissement.
C’est ainsi que la Cour considère qu’en l’espèce, il n’est fait état précisément ni justifié par l’une ou l’autre des parties, des frais professionnels engagés par le handballeur, ni de liquidation de frais à l’issue de la saison sportive.
De telle sorte que la somme de 895 € versés mensuellement au titre des frais de déplacement était acquise par le handballeur, de telle sorte que, le solde de la rémunération venant en complément du salaire mensuel de 1405 €, fixé au contrat de travail, portant ladite rémunération à 2300 €, est conforme aux prévisions de la lettre d’embauche.
Toutefois, cette rémunération doit être assujettie aux charges sociales et si, sur le complément de salaire, la Cour d’appel rejette cette demande, il n’en demeure pas moins que celle-ci reste réceptive à la demande d’indemnité pour travail dissimulé.
En effet, le handballeur considérait que dans la mesure où le calcul du salaire était erroné et, en tout cas, ne laissait pas à penser que les remboursements des frais professionnels devaient être considérés comme un élément de rémunération, il n’en demeure pas moins que l’idée première du club de handball était de ne pas les assujettir aux charges sociales, ce qui est immanquablement attentatoire aux droits du sportif qui pouvait tout à fait considérer qu’il avait vocation à réclamer une indemnité pour salaire dissimulé.
En effet, le montant forfaitaire d’indemnisation des frais de déplacement est un moyen détourné pour le club de handball de ne pas payer les charges sur l’intégrité des salaires payés à l’ensemble des sportifs du club.
De tels faits peuvent être parfaitement considérés comme une dissimulation d’activité ou une dissimulation d’emploi salarié.
La jurisprudence précise à cet égard que constitue le délit de dissimulation d’emploi salarié, le fait pour tout employeur de mentionner volontairement sur le bulletin de paye un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.
Étant d’ailleurs rappelé que le montant de l’indemnisation est alors équivalent à au moins six mois de salaire.
La Cour suit ce raisonnement et précise que le handballeur fait valoir que les sommes déclarées par le club de handball aux organismes sociaux ne correspondent pas à la réalité du salaire, de sorte que l’infraction de travail dissimulé est constituée et qu’il convient donc de condamner le club de handball à payer l’indemnité prévue à l’article 8223 – 1 du Code du travail.
Selon l’article L 8221 – 5 du même Code du travail : « L’infraction de travail dissimulé est caractérisée par le fait de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement, des contributions et cotisations sociales (…) en vertu des dispositions légales ».
En l’espèce, en omettant sciemment, sous couvert d’indemnités forfaitaires représentatives de frais professionnels, de déclarer aux organismes sociaux une partie de la rémunération versée au handballeur, et ce, alors même qu’un précédent redressement avait été opéré par l’URSSAF, au motif pris de l’absence de justificatifs, la Cour considère que l’employeur a agi de manière intentionnelle et que l’infraction était caractérisée, de telle sorte qu’il a été fait droit à la demande ?
Ainsi, s’il est vrai que les contrats de travail à durée indéterminée dits d’usage sont monnaie courante dans les milieux sportifs, il n’en demeure pas moins que dans les rapports existants entre sportifs et clubs de sport, ce dernier doit respecter un certain nombre de dispositions du Code du travail, afin de permettre aux sportifs d’être entièrement consacrés à l’exercice de leur art, sans voir leurs droits malmenés ou détournés par leur club qui sont bien souvent, cela peut parfaitement se comprendre, amener à faire des choix d’abord financiers et après des choix sportifs.