Il convient de s’intéresser à une jurisprudence qui a été rendue le 27 février 2024 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, N°23-82669, qui rappelle que le fait d’affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local d’urbanisme des constructions régulièrement édifiées en vue d’une autre affectation constitue une violation dudit plan local d’urbanisme (PLU) et caractérisant le délit prévu à l’article L 610-1 du Code de l’urbanisme.
Il convient en effet de rappeler que cet article précise que :
« En cas d'infraction aux dispositions des plans locaux d'urbanisme, les articles L. 480-1 à L. 480-9 sont applicables, les obligations mentionnées à l'article L. 480-4 s'entendant également de celles résultant des plans locaux d'urbanisme.
Les sanctions édictées à l'article L. 480-4 s'appliquent également :
1° En cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en méconnaissance des obligations imposées par les articles L. 111-1 à L. 111-10, L. 111-15, L. 111-23, L. 115-3 et L. 131-1 à L. 131-7 ainsi que par les règlements pris pour leur application ;
2° En cas de coupes et d'abattages d'arbres effectués en infraction aux dispositions de l'article L. 421-4, sur les territoires des communes, parties de communes ou ensemble de communes où l'établissement d'un plan local d'urbanisme a été prescrit mais où ce plan n'a pas encore été rendu public ;
3° En cas d'exécution de travaux ou d'utilisation du sol en infraction aux dispositions des articles L. 113-11 et L. 113-12 relatifs à la protection des espaces naturels sensibles des départements ;
4° En cas d'exécution, dans une zone d'aménagement concerté, de travaux dont la réalisation doit obligatoirement être précédée d'une étude de sécurité publique en application de l'article L. 114-1, avant la réception de cette étude par la commission compétente en matière de sécurité publique.
Sauf en cas de fraude, le présent article n'est pas applicable lorsque le bénéficiaire d'une autorisation définitive relative à l'occupation ou l'utilisation du sol, délivrée selon les règles du présent code, exécute des travaux conformément à cette autorisation.
Toute association agréée de protection de l'environnement en application des dispositions de l'article L. 141-1 du code de l'environnement peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les faits constituant une infraction aux alinéas premier et second du présent article et portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs qu'elle a pour objet de défendre.
La commune ainsi que l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les faits commis sur leur territoire et constituant une infraction aux dispositions du présent article. »
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, les consorts U ont acquis sur le territoire d’une commune des parcelles supportant des immeubles préexistants situées dans l’enceinte d’un ancien site industriel.
Par la suite, les consorts U ont utilisés les immeubles ainsi acquis pour développer une activité artisanale.
Des procès-verbaux d’infraction établis par la mairie
C’est dans ces circonstances que des procès-verbaux d’infraction ont été dressés à l’initiative de la commune au motif prit que le plan local d’urbanisme interdisait l’exercice d’une telle activité dans la zone où se situaient les parcelles en question et les consorts U ont été poursuivis du chef d’infraction aux dispositions du plan local d’urbanisme.
C’est dans ces circonstances que le Tribunal correctionnel les a déclarés coupable des faits qui leur étaient reprochés et condamné chacun d’eux à 1 500.00 € d’amende avec sursis, outre la condamnation à des dommages et intérêts au profit de la commune qui s’était constituée partie civile.
C’est dans ces circonstances que les consorts U et le Procureur de la République ont relevés appel de cette décision.
L’affectation des sols selon le PLU
Il convient de rappeler que, en application de l’article L 651-9 du Code de l’urbanisme, la règlementation locale délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles, agricoles ou forestières à protéger et peut préciser l’affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être fait ou la nature des activités qui peuvent y être exercées.
Qu’ainsi, l’article UE1 du plan local d’urbanisme de ladite commune visait au titre des occupations et utilisations du sol interdites les constructions à usage artisanal, et se faisant, prohibant l’affectation d’une construction à usage artisanal.
Pour autant, pour les consorts U, ces derniers considéraient qu’en exigeant que les prévenus aient réalisés une construction à usage artisanal lorsque la violation de l’article UE1 peut résulter de l’affectation d’une construction à un usage artisanal et en retenant l’absence de violation dudit article UE1, la Chambre correctionnelle avait forcément violé les dispositions en question.
Un changement d’utilisation des locaux à la destination initiale différente
La question était de savoir s’il y avait bel et bien violation de l’article UE1 du plan local d’urbanisme de la commune lorsque les procès-verbaux de constat d’infraction faisaient apparaitre que la destination initiale de l’usine de nature industrielle avait été modifiée sans autorisation pour l’exercice dans ses locaux par les prévenus d’activité à caractère artisanal.
Pour autant, comme le rappelle très justement la Cour de cassation, il se déduit de l’article L 151-9, L 480-4 et L 610-1 du Code de l’urbanisme que le fait d’affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local de l’urbanisme des constructions régulièrement édifiées en vue d’une autre affectation constitue une violation de ce plan et le délit prévu à l’article L 610-1 est ainsi caractérisé.
La sanction d’une utilisation contraire au PLU
Dès lors, pour relaxer les prévenus, la Cour d’appel énonce que, aux termes de l’article UE1 du plan local de l’urbanisme, ce sont des constructions à usage artisanal ou industriel qui sont interdites et non toute activité artisanale ou industrielle comme indiqué par la partie civile.
Les Juges du fond ajoutant qu’aucun élément du dossier n’établissait que les deux prévenus avaient effectués une quelconque construction à usage artisanal sur les parcelles que leur société occupait.
Pour autant, la cassation est encourue car la Cour de cassation rappelle qu’il n’est pas nécessaire de procéder à la réalisation de cette construction à usage artisanal pour caractériser l’infraction mais bel et bien d’affecter à une utilisation contraire aux dispositions du plan local d’urbanisme lesdits locaux en question.
Par voie de conséquence, ce n’est pas parce que les consorts U n’ont pas édifié un bâtiment en contradiction avec les règles du plan local d’urbanisme que l’infraction est caractérisée mais bel et bien parce qu’ils se sont servi des bâtiments déjà existants qui étaient régulièrement édifiés et ce conformément au plan local d’urbanisme mais en les affectant à une utilisation contraire à ce pourquoi ils étaient régulièrement édifiés, et ce, en harmonie avec les dispositions du plan local d’urbanisme.
Une utilisation contraire à ce pourquoi le local avait été édifié
Cette jurisprudence est intéressante,
Elle rappelle que lorsque le plan local d’urbanisme détermine avec précision l’affectation des sols et l’affectation d’une construction à un usage précis, il est bien évident que l’infraction n’est pas caractérisée que par le seul fait de construire un édifice dans un but contraire à celui fixé par le plan local d’urbanisme.
En effet, la Cour de cassation considère que l’infraction est aussi caractérisée lorsqu’il y a un usage contraire d’une construction régulièrement édifiée lorsque celle-ci est utilisée à des fins contraires aux dispositions du plan local d’urbanisme.
Cette jurisprudence rappelle premièrement que le plan local d’urbanisme détermine effectivement l’affectation des sols, de telle sorte que toute personne souhaitant construire sur ces sols doit effectivement respecter l’affectation qui en est fait par le plan local d’urbanisme mais que tant bien même des anciens locaux désormais désaffectés ne peuvent être repris par un nouvel acquéreur à des fins d’affectation et d’exploitation d’une activité différente qui serait contraire aux dispositions du plan local d’urbanisme.
Le principe d’affectation urbanistique
Ainsi, ce principe d’affectation impose donc à toute personne qui souhaite racheter un bien de conserver l’affectation urbanistique de l’immeuble préexistant.
Cette jurisprudence rappelle deuxièmement que toute activité différente n’est pas forcément sanctionnée puisqu’il est bien question d’activité contraire au plan local d’urbanisme et que, si celle-ci n’est pas clairement déterminée comme contraire, elle peut être certes différente mais ne pas être forcément infractionnelle et caractériser une infraction aux dispositions du plan local d’urbanisme et donc des règles urbanistiques en la matière.
Quel axe de défense ?
C’est un axe de défense important que ne doit pas oublier le propriétaire ou l’exploitant car, avoir une activité différente est une chose, avoir une activité contraire aux règles du plan local d’urbanisme en est une autre, et cette nuance peut avoir son importance dans l’hypothèse où la commune, mal satisfaite d’une variation d’activité sur un site qui peut éventuellement le permettre sous réserves d’une interprétation plus ou moins à large spectre, ne doit pas être écarté comme moyen de défense par le propriétaire ou l’exploitant qui serait injustement poursuivi par la commune.
Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,
Avocat à Fréjus, avocat à Saint-Raphaël,
Docteur en Droit, Chargé d’enseignement,