Vente de gré à gré, faculté de substitution et liquidation judiciaire

Publié le 06/04/2020 Vu 2 428 fois 0
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Dans quelles conditions la vente de gré à gré d’un fonds de commerce d’une société en liquidation judiciaire est véritablement effective? Qu’en est-il de la faculté de substitution au profit d’une tierce personne ?

Dans quelles conditions la vente de gré à gré d’un fonds de commerce d’une société en liquidation jud

Vente de gré à gré, faculté de substitution et liquidation judiciaire

Il convient de s’intéresser à un arrêt récent lié aux conditions d’une vente de gré à gré alors que l’actif immobilier est dans le périmètre d’une liquidation judiciaire, 

Cette jurisprudence apporte notamment des réponses quant à savoir dans quelles conditions et à quel moment la vente de gré à gré est effective.

Plus particulièrement concernant la question des conditions de faculté de substitution lorsqu’une personne physique souhaite acquérir un bien dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

Dans cette affaire, la société L exploitait un local qu’elle occupait en vertu d’une convention de sous location conclue avec la SCI E.

Celle-ci étant elle-même liée par un contrat de crédit-bail immobilier à la société N.

Après la liquidation judiciaire de la société L ouverte le 16 décembre 2013, le juge-commissaire a, par une ordonnance du 10 février 2014, ordonné la cession du fonds de commerce à Monsieur W,  et a autorisé ce dernier à se substituer toute personne physique ou morale dont il resterait solidaire des engagements dans les termes de son offre .

Cependant, Monsieur W qui a pris possession du local le 11 février 2014, soit, le lendemain de l’ordonnance du juge commissaire, n’a pas signé les actes de cession proposés à la signature en suite de l’ordonnance rendue, et pour lequel, le repreneur était justement rentré dans les lieux pour sauvegarder le fonds de commerce. 

En effet, aux fins de reprise immédiate du fonds, Monsieur W a créé et fait immatriculer le 10 avril 2014 la Société T dont il est immédiatement devenu le gérant.

Pour autant, n’étant pas réglée des loyers pour la période du 11 février au 30 avril 2014, soit, tant pendant le temps de la liquidation judiciaire que pendant le temps de la reprise anticipée des locaux par Monsieur W, la SCI bailleresse, après avoir adressé à Monsieur W un commandement de payer visant la clause résolutoire, l’a assigné en référé aux fins de constatation de l’acquisition de la clause, d’expulsion et du paiement du loyer échu, outre une indemnité d’occupation. 

Dans le cadre de cette procédure, Monsieur W faisait grief à l’arrêt de l’avoir condamné au paiement du loyer pour la période du 11 février au 1er mai 2014 et d’une indemnité d’occupation à compter de cette date jusqu’à la libération effective des lieux.

Monsieur W soutenait qu’il n’avait pas la qualité de locataire au motif que l'acte de cession prévu par l'ordonnance du juge commissaire et à la signature duquel les loyers devaient être payés, n'a pas été régularisé en dépit d'une mise en demeure du 21 juillet 2014.

Monsieur W soutenait également que la vente de gré à gré d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire n'était réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge commissaire qui l'autorise.

Monsieur W considérait que la question de la réalisation d'une vente d'un élément de l'actif mobilier du débiteur en liquidation judiciaire, en l'absence d'actes postérieurs à la décision du juge commissaire qui l'autorise, soulevait une contestation sérieuse empêchant le bailleur de solliciter la résiliation du bail devant le juge des référés, 

Or, s’il est vrai que l’acte de cession n’a pas été réalisé, il n’en demeure pas moins que l’argumentation de Monsieur W est inopérante car ce dernier a bien pris possession du local sous loué par la SCI elle-même liée par un contrat de crédit-bail dès le 11 février 2014, soit le lendemain de la décision du juge commissaire, à la date précisément fixée à cet effet par l'ordonnance du juge commissaire, et ce, afin d'y exploiter le fonds dont cette ordonnance autorisait la vente à son profit.

Dès lors, si Monsieur W est entré en jouissance des lieux dès le 11 février 2014, c'est bien qu'il considérait que la vente était parfaite et qu'il était propriétaire du fonds en vertu de l'ordonnance de cession.

La Cour de Cassation précise que si la vente de gré à gré n'est réalisée que par l'accomplissement d'actes postérieurs à la décision du juge-commissaire qui ordonne la cession du bien, elle n'en n'est pas moins parfaite dès l'ordonnance, sous la condition suspensive que celle-ci acquière force de chose jugée.

Il en résulte que la prise de possession effective du fonds de commerce dont le juge-commissaire a ordonné la cession oblige son bénéficiaire à exécuter les obligations nées des contrats dont il n'est pas contesté qu'ils ont été transférés comme accessoires du fonds.

La Cour de Cassation considère ainsi, qu'ayant constaté que Monsieur W avait pris possession du fonds le lendemain de l'ordonnance du juge-commissaire, il était devenu débiteur des obligations mises à sa charge au titre de la convention de sous-location et il ne pouvait y avoir de contestation sérieuse à cet égard.

Une deuxième problématique se posait dans cette décision de justice,

Celle de la faculté de substitution. 

En effet, concernant la problématique liée à la faculté de substitution, la Cour de Cassation considère que l'offre de cession assortie d'une faculté de substitution ne décharge pas son auteur de l'obligation d'exécuter le plan

Monsieur W en sa qualité d'auteur de l'offre initiale de reprise autorisée par le juge-commissaire, était tenu de régler les loyers dus en vertu du contrat de bail après la substitution de la société.

La Cour de Cassation précise que la personne physique qui, désignée par une ordonnance du juge-commissaire pour acquérir un fonds de commerce avec faculté de substitution par une société qu'elle se propose de créer et de diriger, prend elle-même immédiatement possession du fonds sans passer les actes nécessaires à la réalisation de la cession ni les faire passer par la société, ne peut prétendre, en se fondant sur son abstention, échapper personnellement aux obligations nées de son entrée en jouissance.

Dès lors la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi de Monsieur W.

Cette jurisprudence est intéressante puisqu’elle vient rappeler les conditions d’une vente de gré à gré, de l’entrée anticipée dans les lieux dès l’ordonnance du juge commissaire et vient éclairer le lecteur attentif sur les conditions de la faculté de substitution tant à l’encontre des organes de la procédure collective qu’à l’encontre des tiers notamment du bailleur.

 

Article rédigé par Maître Laurent LATAPIE,

Avocat, Docteur en Droit, 

www.laurent-latapie-avocat.fr

 

 

 

 

 

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