Selon l’article 1134 du Code civil : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».
Les contrats ont donc force de loi pour les parties : les obligations nées d’un contrat s’imposent avec la même force que si elles étaient édictées par une loi.
Lors de l’exécution d’un contrat, les parties sont liées entre elles par des obligations contractuelles interdépendantes et réciproques entre elles.
Le contrat est alors appelé synallagmatique.
Concrètement, dans le cadre d’un contrat engageant deux cocontractants, chacune des deux parties est redevable d’une prestation envers l’autre partie et, à ce titre, l’exécution d’une obligation contractuelle de l’une ne vaut que si l’autre exécute sa propre obligation et ce de manière réciproque.
A titre d'exemples : un vendeur peut refuser de livrer la chose tant que l’acheteur n’a pas payé le prix, un client peut refuser de payer son vendeur s'il n'a pas été livré dans le délai convenu.
Par conséquent, si l’une des parties n’exécute pas une de ses obligations essentielles, le principe de l'exception d’inexécution peut être invoqué par l’autre partie comme moyen de pression et de défense, en vue de s'exonérer de l'exécution de ses propres obligations contractuelles ou à contraindre l'autre partie cocontractante à exécuter son obligation.
On ne peut refuser d‘exécuter une obligation pour manquement à une obligation accessoire.
En pratique, le principe de l'exception d'inexécution consiste en une sorte de système de réciprocité du respect des obligations contractuelles par les parties au contrat et permet d'assurer le respect du principe général de bonne foi dans les contrats synallagmatiques.
La mise en œuvre de l'exception d'inexécution n'est subordonnée à aucune demande en justice, ni à l'envoi d'une mise en demeure préalable au débiteur de l'obligation contractuelle inexécutée.
Cette règle déroge ainsi au principe selon lequel nul ne peut se faire justice à lui-même.
Il représente donc une voie de justice privée laissée à l’entière discrétion de celui qui l’invoque, sans décision préalable des juges.
Celui qui invoque le principe de l'exception d'inexécution se dénomme : l'exipiens.
Ce principe se distingue d'autres moyens juridiques similaires tels que la résolution du contrat ou encore le droit de rétention, qui permettent d'aboutir à des effets similaires.
D’ailleurs, à la différence des autres moyens de défense précités, le principe de l’exception d’inexécution n’est explicité en tant que tel dans aucun texte de loi bien qu'il soit reconnu pour certains types de contrats tels que :
- le contrat de vente, dont l'article 1612 du code civil dispose que "le vendeur n'est pas tenu de délivrer la chose, si l'acheteur n'en paye pas le prix, et que le vendeur ne lui ait pas accordé un délai pour le paiement".
- le contrat en matière d’échanges, dont l'article 1704 du code civil dispose que " Si l'un des copermutants a déjà reçu la chose à lui donnée en échange, et qu'il prouve ensuite que l'autre contractant n'est pas propriétaire de cette chose, il ne peut pas être forcé à livrer celle qu'il a promise en contre-échange, mais seulement à rendre celle qu'il a reçue".
- le dépôt salarié ;
- le contrat d’assurance.
La jurisprudence a étendu le principe de l’exception d’inexécution à tous les contrats synallagmatiques de sorte qu'il est devenu un moyen de défense efficace et spécial.
Toutefois, l‘exception d'inexécution ("exceptio non adempleti contractus") est subordonnée à un certain nombre de conditions.
En effet, afin de pouvoir s'appliquer l’exception d’inexécution suppose l'existence d'obligations contractuelles :
- inexécutées ;
- interdépendantes et réciproques (donnant-donnant). Il peut arriver que des obligations nées de contrats différents entre les mêmes parties soient tout de même interdépendantes, par la volonté des parties ou par disposition de la loi ;
- à exécution simultanée, c'est à dire sans délai d'exécution.
Le cas échant, la preuve de l’exception d’inexécution incombe à la partie qui l'invoque.
L’exception d’inexécution entraine la suspension de l'exécution de l'obligation contractuelle, sauf si l’inexécution a été partielle ou bien que l’inexécution est imputable en réalité à la partie qui l'invoque.
Pour conclure, si l'un des contractants n'exécute pas son obligation, l'autre contractant peut user de l'exception d'inexécution pour :
- faire pression sur son cocontractant afin de le contraindre à s'exécuter ;
- suspendre la réalisation de ses propres obligations contractuelles. Le contrat reprendra son cours normal quand la partie défaillante exécutera son obligation ;
- demander la résolution judiciaire du contrat, c'est à dire l'anéantissement rétroactif du contrat et la remise en l’état des parties, comme si le contrat n’avait jamais existé ;
- le paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice (qui suppose en principe alors l'envoi d'une mise en demeure préalable) ;
- obtenir, si possible, l'exécution forcée des obligations contractuelles inexécutées.
Toutefois, les juges se réservent le droit d'apprécier souverainement l’importance et la gravité de l’inexécution contractuelle et d’exercer un contrôle des faits au cas par cas (Cour d'Appel de Paris, 28 janvier 2015, RG n°10/15692).
Enfin, pour mémoire, une partie contractante ne peut jamais être sanctionnée en cas de force majeure, c'est à dire en cas d'impossibilité d'exécution de ses obligations du fait d'un événement imprévisible, irrésistible et extérieur.
Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01
abem@cabinetbem.com