Le recours préalable et obligatoire des militaires et gendarmes devant la commission de recours

Publié le 18/02/2014 Vu 73 424 fois 27
Légavox

9 rue Léopold Sédar Senghor

14460 Colombelles

02.61.53.08.01

Si les militaires et les gendarmes jouissent de droits et d’obligations, ils sont soumis à un régime particulier en matière de recours contre les actes et décisions professionnels leur faisant grief.

Si les militaires et les gendarmes jouissent de droits et d’obligations, ils sont soumis à un régime parti

Le recours préalable et obligatoire des militaires et gendarmes devant la commission de recours
  1. L’exigence légale de recours pré-juridictionnel : le « RAPO »

Les recours contentieux formés devant le juge par les militaires ou les gendarmes à l’encontre d’actes relatifs à leur situation personnelle doivent obligatoirement être précédés d’un recours administratif préalable.

Ce type de recours se dénomme « Recours Administratif Préalable Obligatoire » (RAPO).

Il s’agit d’une originalité procédurale en matière de recours administratif.

En effet, l’exigence de recours administratif préalable aux recours contentieux devant les tribunaux n’existe pas par ailleurs.

Cette originalité consiste à saisir obligatoirement et préalablement la Commission des Recours des Militaires (CRM) qui est une commission administrative instituée par le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 organisant la procédure de recours administratif préalable aux recours contentieux formés à l’encontre d’actes relatifs à la situation personnelle des militaires, en application de la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives.

La commission de recours est présidée par un officier général ou un contrôleur général des armées et comprend quatre officiers généraux appartenant à l’armée de terre, à la marine nationale, à l’armée de l’air et à la gendarmerie nationale, le directeur des ressources humaines du ministère de la défense ou son représentant, ainsi qu’un officier général représentant l’armée ou la formation rattachée dont relève le requérant.

Les dossiers de recours examinés par la commission sont instruits par des rapporteurs placés sous l’autorité d’un rapporteur général, magistrat des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.

Ce dernier conseille les rapporteurs et émet un avis sur chacun des recours.

Cet avis éclaire les membres de la commission sur les problèmes juridiques soulevés par les recours et la jurisprudence administrative qui leur est appliquée.

Mais la commission de recours a une liberté d’action ou d’inaction quasi-totale.

Sa seule obligation est de communiquer au requérant les mémoires de l’administration pour respecter le principe du contradictoire (CE 5 avril 2006, Req. n°251732) et non pas le rapport du rapporteur (CE 16 mars 2005, Req. n°259245 ).

  1. Les conditions du recours à la commission de recours

La saisine de la Commission des Recours des Militaires tend uniquement à obtenir de celle-ci qu’elle fasse des recommandations auprès du Ministre de la Défense pour que soit annulée une décision faisant grief à un militaire ou un gendarme.

L’ensemble des dispositions se rapportant à la procédure du recours administratif préalable figure aux articles R. 4125-1 à R. 4125-23 code de la défense.

L’article R4125-1 du Code de la défense qui fixe le principe du recours préalable obligatoire dispose que :

« I.-Tout recours contentieux formé par un militaire à l'encontre d'actes relatifs à sa situation personnelle est précédé d'un recours administratif préalable, à peine d'irrecevabilité du recours contentieux.

Ce recours administratif préalable est examiné par la commission des recours des militaires, placée auprès du ministre de la défense.

La saisine de la commission est seule de nature à conserver le délai de recours contentieux jusqu'à l'intervention de la décision prévue à l'article R. 4125-10

II.-Les dispositions de la présente section ne sont pas applicables aux recours contentieux formés à l'encontre d'actes ou de décisions :

1° Concernant le recrutement du militaire ou l'exercice du pouvoir disciplinaire;

2° Pris en application du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et du code des pensions civiles et militaires de retraite ainsi que ceux qui relèvent de la procédure organisée par les articles 112 à 124 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ».

Ainsi, les recours formés devant la Commission des Recours des Militaires tendent à l'annulation ou à la réformation d'une décision individuelle expresse ou implicite prise à l'encontre d'un militaire et portant sur sa situation personnelle.

Le recours administratif préalable à un recours contentieux formé devant la commission des recours des militaires doit être effectué dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification à l'intéressé (e) de la décision faisant grief.

Les principaux motifs de recours sont les suivants :

  • la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires
  • la notation,
  • le régime d’imposition,
  • la solde,
  • les mutations,
  • le lien au service,
  • les changements de résidence ou d’affectation,
  • les mutations,
  • etc …

La saisine doit obligatoirement mentionner tous les arguments de fait ou de droit permettant de contester la validité de la décision et être accompagnée de la copie de l'acte litigieux.

Dans l'hypothèse où l'acte contesté est une décision implicite de rejet d'une demande formulée par le militaire, la saisine de la commission de recours doit être accompagnée d'une copie de la demande initiale.

L’envoi du recours se fait par lettre recommandée avec accusé de réception, par précaution…

  1. Les effets de l’avis de la commission de recours et de la décision du Ministre de la Défense

La commission de recours n’émet qu’un avis pour le Ministre de la Défense.

La décision ministérielle n'est pas liée par l'avis proposé par la commission et clôt le recours administratif préalable en se substituant à la décision initiale contestée.

La notification, qui mentionne les délais et voies de recours contre la décision, ouvre alors au requérant le délai de recours contentieux pour saisir la juridiction administrative (2 mois).

L'absence de notification dans le délai de quatre mois à compter de la saisine de la commission vaut décision de rejet implicite par le ministre compétent ou par les ministres conjointement compétents.

La décision du Ministre de la Défense se substitue totalement à la décision antérieure, de sorte que le militaire se trouve privé du droit de soumettre au juge des moyens qu’il invoquait contre la décision initiale et ne pourra que soulever les nouvelles illégalités éventuelles de la décision ministérielle pour la soumettre à la censure éventuelle du juge administratif.

  1. L’inutilité de la saisine préalable de la commission de recours

Bien qu’officiellement cette commission ait été conçue pour contribuer à désengorger la juridiction administrative, elle sert en réalité d’instrument de régulation des litiges personnels entre les militaires et leur administration, "pour laver son linge sale en famille".

Autrement dit, la commission de recours tenterait de dissuader les militaires de porter leur litige devant le juge en espérant les limiter à un recours préalable, mais unique, devant elle.

Mais cette commission de recours est totalement inutile sur le plan procédural.

En effet, il est important de souligner que la saisine de cette commission, non suspensive quant à l’application de la décision litigieuse, ne prive pas les militaires de leur droit de recours au juge en cas de litige avec leur administration.

Les militaires ont ainsi en droit de solliciter du juge administratif qu’il suspende et annule l’acte faisant grief, parallèlement et conjointement à la saisine de la commission de recours.

Ainsi, les militaires ne sont pas censés devoir attendre un quelconque délai pour saisir le juge dans le cadre d’un recours contentieux.

Concrètement, il suffit à l’avocat du militaire de justifier de l’envoi du recours auprès de la commission pour saisir le juge administratif d’un référé suspension et d’une requête en annulation de l’acte ou de la décision faisant grief.

A cet égard, les militaires doivent savoir qu’en pratique le juge administratif saisi en référé mettra souvent beaucoup moins de temps que le ministre de la défense pour prendre sa décision.

En effet, le ministre de la défense a quatre mois après le recours administratif préalable obligatoire pour l’agréer totalement, partiellement ou le rejeter.

Le militaire ou le gendarme ne saurait attendre un délai de quatre mois pour connaitre le sort de la décision déférée et engager un recours contentieux devant le juge administratif, surtout lorsque l’on sait que seules 7% sur les 5.000 requêtes annuelles soumises à la commission font l’objet d’une annulation totale.

L’utilité juridique et procédurale de la saisine préalable de cette commission est donc très limitée en pratique et loin des arguties déployées par les politiques et personnalités qui se sont employées ces dernières années à défendre le rôle de cette commission.

Enfin, bien que le recours administratif préalable devant la commission des recours des militaires ne suppose pas obligatoirement la représentation par un avocat, l’assistance du militaire ou du gendarme par un avocat spécialisé sera souvent d’une grande utilité.

Je suis à votre disposition pour toute action ou information (en cliquant ici).

PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.

Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
01 40 26 25 01

abem@cabinetbem.com

www.cabinetbem.com

Vous avez une question ?
Blog de Anthony BEM

Anthony BEM

249 € TTC

1435 évaluations positives

Note : (5/5)

Posez gratuitement toutes vos questions sur notre forum juridique. Nos bénévoles vous répondent directement en ligne.

1 Publié par Visiteur
06/01/2016 16:10

Mon fils a fait AGIV dans la gendarmerie . Il s'est inscrit au concours sous officier en interne. Il a été reçu à l'écrit. Il a été convoqué pour passer la deuxième partie du concours. Il a passé les tests sportifs ou il a été" reçu. Ce jour en voulant passer l'orale on lui a répondu qu'il ne pouvait pas passer l'orale car il était AGIS(aspirant) qu'il aurait du passer le concours en externe. Qu'a t'il comme recours?

2 Publié par Visiteur
02/10/2016 12:40

Bonjour,

Je vous explique mon problème :

Le 13 octobre 2014, je signe mon premier contrat GAV avec la gendarmerie, poste pourvu au sein de la DGGN en étant que secrétaire.
Bien entendu, je dois effectuer des services de gardes et porter le gilet pare-balles lourds (20kg) (ça on me l'avait pas dit lors du recrutement et de l'affectation), ayant eu un accident de voiture en 2013, le port du gilet me fait souffrir et me pose des problèmes.
Je demande donc à mon médecin civil de me faire une attestation suite à cet accident pour dire que médicalement le port du gilet lourd n'est pas conseillé dans mon cas, bien sûr l'institution et le médecin militaire font les sourds d'oreilles.
En 2016, année de renouvellement de mon contrat, on me contacte en Mai pour commencer les démarches.
Lors de ma VMP le médecin me demande de passer des radios pour mon dos et mon épaule (qui me font mal lors du port du gilet).
Le compte-rendu dit que j'ai une bascule du bassin à droite de 3mm, une scoliose de 22° et un écart irrégulier entre les vertèbres.
Le médecin me dit que je suis inapte aux concours CSTAGN et SOG car je ne peux pas porter de charges lourdes. Mais il me déclare apte au port du gilet lourd à la DGGN et autorise le renouvellement de mon contrat le 6 juillet 2016.
Le 16 août 2016, je signe mon avis de renouvellement.
Après avoir discuter avec des collégues SOG, ces derniers me disent que j'ai la possibilité de faire un recours à l'institution car les décisions sont contradictoires.

Etant donné que le 13 octobre, je serai dans mon deuxième contrat CDD de gendarmerie, est-il possible avant cette date de dénoncer mon contrat et annule la décision de renouvellement auprès de la commission des recours ?

Je vous remercie par avance pour vos réponse.

3 Publié par Visiteur
23/12/2016 14:25

le RAPO au niveau de la CRM est une totale fumisterie, afin de faire perdre patience au requérant. Concernant la notation, un délais total de 6 mois est déterminé entre la 2ème communication et la décision du ministre, en passant par la CRM. Mais même hors délais, la réponse du ministre est incontestable alors qu'une procédure au TA doit être lancée sous peine d'irrecevabilité. Le militaire n'est donc pas considéré comme tout autre citoyen; l'état aura toujours raison.

4 Publié par Visiteur
01/06/2017 00:27

Pourrais-je avoir les textes qui indiquent que l'on peut effectuer la saisine du tribunal administratif en parralele et conjointement à un RAPO auprès de la CRM sans pour autant attendre le délai de 4 mois pour une réponse de leur part ?

5 Publié par Visiteur
20/07/2017 11:43

souhaite faire un recours pour la prise en compte du pacte civil de solidarité dans le régime indemnitaire des militaires. Avez-vous une lettre type ? quelles est la procédure à suivre ? sur quels textes puis-je m'appuyer ?
Merci d'avance.

Respectueusement.

6 Publié par Visiteur
16/08/2017 15:09

Bonjour, on m'a notifié début juillet la non reconduction de mon contrat (qui prend don le 02/09/2018). Quand j'ai demandé la raison, on me dit que c'est parce que j'ai eu une notation négative en 2014, fin de mon affectation (01/09/2014) qui s'est très mal passée (harcèlement) et n'ai pas voulu faire à cette époque un recours puisque je prenais un congé sans solde pour rester outre mer avec mon mari et je voulais en finir avec cette affectation avant de finir en dépression puis j'ai pris un congé parental et la je suis en congé maternité jusque fin novembre. Avant cette affectation j'avais toujours était très notée et depuis je n'ai pas refaire mes preuves, est il possible de faire un recours, possibilité que cela se solde par une reconduction de contrat... et comment ca se passe pour faire un recours?

7 Publié par Visiteur
27/09/2017 18:37

Bonjour Maître et merci pour les conseils prodigués sur cette page.
Qu'elle sont les positions de la CEDH et de la CJCE sur la notation des militaires?

8 Publié par Visiteur
08/10/2017 17:31

Bonjour maître.
Vous écrivez : "La décision du Ministre de la Défense se substitue totalement à la décision antérieure, de sorte que le militaire se trouve privé du droit de soumettre au juge des moyens qu’il invoquait contre la décision initiale et ne pourra que soulever les nouvelles illégalités éventuelles de la décision ministérielle pour la soumettre à la censure éventuelle du juge administratif."
En cas d'agrément partiel d'un recours préalable contre une notation, vous ne précisez pas s'il faut revenir devant la CRM pour exercer un recours contre quelques mentions qui ont fait l'objet d'un rejet lors du premier recours préalable, et qui apparaissent donc encore dans la "nouvelle" notation. Sachant que, s'ils ont été rejetés la première fois, ils le seront bien évidemment la seconde. Cordialement.

9 Publié par Visiteur
02/11/2017 08:53

Veuillez noter que l’adresse de la CRM n’est pas celle indiquée dans l’annuaire mais 60 av du Gal Martial Valin dans le 15ème (BA de Balard). Je vous suggère d’obtenir un récipissé au service courrier.

10 Publié par Visiteur
24/11/2017 01:00

Bonsoir.
Etant un ancien de l armee de terre, je decide il y a 4 ans de me lancer en gendarmerie apres 10 belles annees dans l armee. Ayant eu un refus de bascule immediate car trop grade, je decide donc de passer le concours externe. Apres prise de conseille telephonique aupres des centres de recrutements gendarmerie, je m inscrit donc au "1er concours de 2012. Mes differents interlocuteurs m ont tous affirmes que si je n avais aucune interruption de service je ne perdrai rien sur ma solde.hormis durant le temps de l ecole et jusqua la fin d une periode probatoire.
Je me lance donc. Je fais mon compte rendu dans mon regiment. Je passe et reussi le concours.
Mes remuneration evoluent comme prevu jusqua ce matin.
En effet je recois un appel de l organisme payeur qui m informe que j ai touche a tort 6400 euros car j aurai du passe le "2e concours de cette meme annee" En gros pendant 4 ans la gendarmerie m a paye comme il m avait ete expliquer mais non 4 ans apres ils se reveille et me dise non seulement tu as trop touche mais en plus on va te reduire ton indice de solde majore. Je repars donc a zero comme jeune debutant apres bientot 15 de bon et loyaux ser vice. Que faire? j ai 4 enfants, un emprunt immobilier, et entre le remboursement du trop percu et la baisse de solde je gagnerai tout juste 1200 par mois et cela pour les 16 prochains mous. Passe ce delais je souffrirai "juste" d une baisse de solde.
Merci.

LOU un militaire exaspere par la non consideration.

Publier un commentaire
Votre commentaire :
Inscription express :

Le présent formulaire d’inscription vous permet de vous inscrire sur le site. La base légale de ce traitement est l’exécution d’une relation contractuelle (article 6.1.b du RGPD). Les destinataires des données sont le responsable de traitement, le service client et le service technique en charge de l’administration du service, le sous-traitant Scalingo gérant le serveur web, ainsi que toute personne légalement autorisée. Le formulaire d’inscription est hébergé sur un serveur hébergé par Scalingo, basé en France et offrant des clauses de protection conformes au RGPD. Les données collectées sont conservées jusqu’à ce que l’Internaute en sollicite la suppression, étant entendu que vous pouvez demander la suppression de vos données et retirer votre consentement à tout moment. Vous disposez également d’un droit d’accès, de rectification ou de limitation du traitement relatif à vos données à caractère personnel, ainsi que d’un droit à la portabilité de vos données. Vous pouvez exercer ces droits auprès du délégué à la protection des données de LÉGAVOX qui exerce au siège social de LÉGAVOX et est joignable à l’adresse mail suivante : donneespersonnelles@legavox.fr. Le responsable de traitement est la société LÉGAVOX, sis 9 rue Léopold Sédar Senghor, joignable à l’adresse mail : responsabledetraitement@legavox.fr. Vous avez également le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle.

Rechercher
A propos de l'auteur
Blog de Anthony BEM

Avocat contentieux et enseignant, ce blog comprend plus de 3.000 articles juridiques afin de partager mes connaissances et ma passion du droit.

Je peux vous conseiller et vous représenter devant toutes les juridictions, ainsi qu'en outre mer ou de recours devant la CEDH.

+ 1400 avis clients positifs

Tel: 01.40.26.25.01 

En cas d'urgence: 06.14.15.24.59 

Email : abem@cabinetbem.com

Consultation en ligne
Image consultation en ligne

Posez vos questions juridiques en ligne

Prix

249 € Ttc

Rép : 24h max.

1435 évaluations positives

Note : (5/5)
Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et sur nos applications mobiles