Pour mémoire, le responsable d'un blog, d'un forum de discussion, d'un réseau social ou d'un site internet ne peut mettre en jeu sa responsabilité lorsqu'il est hébergeur de contenus illicites que s'il a eu connaissance de l'existence de ces contenus.
Ainsi, l’article 93-3, alinéa 5, de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle dispose que :
« lorsqu’une des infractions prévues par le chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est commise par un moyen de communication au public par voie électronique et résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication au public en ligne et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, « le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s’il est établi qu’il n’avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message ».
En principe, cette connaissance suppose l'envoi d'une notification de retrait de contenus illicites en bonne et due forme, conforme à l’article 6-I de la loi du 21 juin 2004, dite Loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN).
La jurisprudence a consacré à plusieurs reprises que les hébergeurs de contenus sur internet ne sont pas responsables de plein droit des contenus illicites diffusés sur leur site.
Or, en l’espèce, Monsieur X a été cité devant le tribunal correctionnel notamment des chefs de provocation à la discrimination, à la violence ou à la haine à raison de l’origine ou de la race, diffamation publique et injures publiques envers particuliers pour avoir publier sur son blog des propos relevant de ces infractions.
Les juges de première instance et d’appel l’ont condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis ainsi qu’à une peine d’amende et ont alloué à la victime des dommages et intérêts en réparations des préjudices subis.
En effet, Monsieur X avait lors des faits la qualité de directeur de publication du blog sur lequel le commentaire litigieux a été mis en ligne.
Lors de l’enquête, le prévenu a reconnu qu’il vérifiait généralement les commentaires postés sur son blog une fois par semaine, précisant que lors de cette opération il supprimait régulièrement ceux qu’il estimait inappropriés.
Devant la cour il a confirmé avoir effectué ce contrôle une fois par semaine, hors période électorale, et une à deux fois par mois durant le temps électoral.
Il ressortait des aveux de Monsieur X qu’il a nécessairement eu connaissance du commentaire rédigé par Monsieur Y dans le courant du mois d’avril 2010, ce qui constitue le point de départ pour lui permettre d’agir promptement afin de retirer ce message.
Mais le message en question a été retiré de son blog en juillet 2010.
Les juges ont considéré que en agissant en juillet 2010, alors qu’il avait connaissance du contenu du commentaire litigieux depuis avril 2010, il est démontré que le prévenu n’a pas réalisé cette opération promptement.
Ce qui est intéressant dans cette affaire est que le directeur de publication du blog litigieux n’a pas eu connaissance du commentaire litigieux avant sa mise en ligne et qu’il n’était pas établi qu’il en ait eu connaissance avant le début du mois de juillet 2010, moment auquel il a été retiré.
Les juges ont donc simplement tiré la conséquence des aveux de Monsieur X lors de l’enquête selon lesquels il vérifiait généralement de manière régulière les commentaires postés sur son blog.
Ces aveux ont suffit à en déduire qu’il avait « nécessairement eu connaissance du commentaire rédigé par Monsieur Y dans le courant du mois d’avril 2010 ».
La cour de cassation a jugé que :
« Attendu qu’en statuant ainsi, sans insuffisance ni contradiction, par des considérations de fait relevant de l’appréciation souveraine des juges du fond, la cour d’appel a justifié sa décision, dès lors qu’en application de ce texte, lorsque l’infraction résulte du contenu d’un message adressé par un internaute à un service de communication en ligne, et mis par ce service à la disposition du public dans un espace de contributions personnelles identifié comme tel, le directeur de publication peut voir sa responsabilité engagée s’il est établi qu’il n’a pas agi promptement pour retirer ce message dès le moment où il en a eu connaissance ».
Les juges de la cour de cassation ont appliqué à la lettre la célèbre formule américaine « tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous » trouvant sa source aux Etats Unis d’Amérique dans l'« avertissement Miranda » tiré de l’affaire Miranda v. Arizona jugée par la Cour suprême des États-Unis en 1966.
En France, l’aveu est bien la reine des preuves.
Pour conclure, cette décision est particulièrement intéressante en ce qu’elle consacre le principe selon lequel le responsable d’un blog peut mettre en jeu sa responsabilité au titre des contenus illicites qu’il diffuse, même en l’absence de notification de retrait de contenus illicites préalable, à partir du moment où il peut être démontré qu'il en a eu connaissance.
Je suis à votre disposition pour toute information ou action.
PS : Pour une recherche facile et rapide des articles rédigés sur ces thèmes, vous pouvez taper vos "mots clés" dans la barre de recherche du blog en haut à droite, au dessus de la photographie.
Anthony Bem
Avocat à la Cour
27 bd Malesherbes - 75008 Paris
Tel : 01 40 26 25 01
Email : abem@cabinetbem.com
www.cabinetbem.com