Révocation d’un fonctionnaire pour relations conflictuelles avec sa hiérarchie et antécédents

Publié le 18/06/2013 Vu 108 967 fois 62
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Le 26 mars 2013, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu'un fonctionnaire pouvait valablement être révoqué par son employeur lorsqu’il a multiplié les actes d’insubordination et n’a pas tenu compte des nombreuses sanctions disciplinaires prises à son encontre (Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 26 mars 2013, N° 12BX00055).

Le 26 mars 2013, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu'un fonctionnaire pouvait valablement

Révocation d’un fonctionnaire pour relations conflictuelles avec sa hiérarchie et antécédents

La révocation d'un fonctionnaire relève du droit public alors que le licenciement d'un salarié relève du droit privé et des articles L1232 et suivants du code du travail.

La révocation est la sanction professionnelle des fonctionnaires qui réprime les fautes professionnelle les plus graves de ces derniers.

L’article 89 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 en fait d’ailleurs une sanction disciplinaire du quatrième groupe, c’est à dire le dernier dans l’échelle des sanctions définies par l’administration publique.

Elle s’apparente donc à un licenciement.

Mais les conséquences d’une révocation peuvent être plus dramatiques que celles d’un licenciement.

En effet, le fonctionnaire révoqué perd la qualité de fonctionnaire à vie.

En d’autres termes, il est renvoyé de la fonction publique sans pouvoir espérer y retrouver un emploi par la suite.

En effet, un salarié licencié pour faute peut tout à fait être embauché à nouveau dans le secteur privé, dans une autre entreprise, ou de tenter sa chance dans le secteur public s’il le souhaite.

Ce choix n’est cependant pas permis au fonctionnaire révoqué.

Pour cette raison, les conséquences d’une révocation sont plus graves que ne le sont celles d’un simple licenciement pour faute grave ou faute lourde, surtout pour des personnes qui n'ont eu pas d’autres expériences professionnelles ailleurs que dans le public.

En l’espèce, un fonctionnaire a, par un courrier électronique dont il est établi qu’il est l'auteur, diffusé à tous les syndicats du conseil général des Deux-Sèvres le message rédigé par sa directrice des ressources humaines sur un forum de discussions entre amateurs de voyages et relatant son souvenir personnel lors d'un voyage en Asie.

La DRH a estimé que la révélation des éléments appartenant à sa vie privée, alors qu'elle venait d'être nommée dans les fonctions de directrice des ressources humaines du département était fautive et préjudiciable.

Au terme d’une procédure disciplinaire, le président du conseil général des Deux-Sèvres a, par arrêté, prononcé la sanction disciplinaire de révocation à l’encontre du fonctionnaire pour des manquements au devoir hiérarchique et au devoir de réserve.

La révocation est la plus lourde des sanctions susceptibles d’être prononcée, tel que cela résulte de l'article 89 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984.

Le fonctionnaire avait déjà reçu deux blâmes et une exclusion temporaire de fonction pour une durée de six mois au cours des années antérieures.

Le tribunal administratif de Poitiers a annulé cet arrêté au double motif qu'il était entaché d'un vice de procédure et que les faits reprochés à l'intéressé n'étaient pas de nature à justifier une sanction disciplinaire.

Le tribunal administratif de Poitiers s'est notamment fondé sur le fait que les manquements allégués au devoir hiérarchique et au devoir de réserve n'étaient pas établis par le contenu de trois courriers électroniques qui « ne révèlent pas des agissements dont la gravité serait incompatible avec les fonctions exercées par M.C... » et dès lors qu'« il n'était pas établi qu'il en serait l'auteur ».

Le département des Deux-Sèvres a relevé appel de ce jugement.

Cependant, la Cour administrative d'appel a annulé le jugement précité en considérant que :

« en révélant ainsi des éléments appartenant à la vie privée de MmeA..., alors qu'elle venait d'être nommée dans les fonctions de directrice des ressources humaines du département, M. C...a manifestement eu l'intention de nuire à sa réputation et à sa crédibilité professionnelle, de manière répétée, en portant des accusations désobligeantes dépassant la liberté de ton pouvant être tolérée dans le cadre de relations normales de travail ; que la divulgation des éléments de la vie privée de la directrice des relations humaines, par courrier électronique daté du 16 février 2010, à toutes les organisations syndicales du conseil général est constitutive d'une nouvelle faute professionnelle, de nature à justifier une sanction disciplinaire, dès lors que cette faute n'avait pas été sanctionnée par le blâme reçu par M. C...le 9 avril 2010 pour des faits différents ».

Le passé disciplinaire du fonctionnaire a refait surface puisque la cour d’appel a estimé qu’il « entretient une relation conflictuelle avec sa hiérarchie, et qui malgré les précédentes sanctions disciplinaires n'a pas modifié son comportement, de son attitude professionnelle et ainsi qu'il a été dit, de l'envoi le 16 février 2010 du courrier électronique du 30 octobre 2009 à l'ensemble des délégués du personnel, lequel constitue une nouvelle faute, la sanction de révocation prise à son encontre n'est pas, compte tenu du grade détenu par M. C et du comportement attendu d'un agent de catégorie A, manifestement disproportionnée ».

Par conséquent, la cour d’appel a annulé le jugement rendu par le tribunal administratif de Poitiers ayant annulé l'arrêté procédant à la révocation litigieuse.

Il résulte de cette décision que la révocation d’un agent ne peut être que la sanction exceptionnellement ouverte en présence de nombreux antécédents disciplinaires et pour des faits d'une certaine gravité.

Je suis à votre disposition pour toute information (en cliquant ici) ou action.

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Anthony Bem
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1 Publié par Visiteur
28/07/2018 00:45

Bonjour Maître,
sans vouloir rentrer dans des considérations politiques le Président Macron a dit ceci sur l'affaire Benalla :

"il a fait une faute réelle grave(…)il a été sanctionné(…).Quand il a fait une deuxième faute, il a été sanctionné plus durement conformément à ce qui a été prévu ,par un licenciement. La république exemplaire à laquelle je crois, n'est pas une république infaillible, tout le monde fait des erreurs"

A la lumière de ces propos peut-on espérer que les administrations fassent preuve de clémence pour les fonctionnaires qui passent pour la première fois devant un conseil de discipline? La notion de seconde (je ne dirais pas deuxième ) chance peut-elle juste être de mise quand on sait les sacrifices consentis pour réussir les concours ,quand les faits (violences) sont étrangers au service et quand l'agent a toujours eu de bons comptes-rendus professionnels?

2 Publié par Visiteur
28/07/2018 00:48

pour être complet, c'est la révocation qui a été décidée.
Merci par avance.

3 Publié par Maitre Anthony Bem
28/07/2018 09:12

Bonjour Moise,

Les administrations font déjà preuve de clémence pour les agents et fonctionnaires qui passent pour la première fois devant le conseil de discipline.

La notion de seconde chance existe en pratique à l’égard des agents et fonctionnaires de l’Etat, surtout quand ils ont de bonnes évaluations professionnelles.

A titre d’exemple de « laxisme » dans la fonction publique par rapport au privé, je vous invite à lire l’article dédié à une affaire que j’ai eu à défendre :

https://www.legavox.fr/blog/maitre-anthony-bem/diffamation-employeur-facebook-salaries-licencies-5244.htm

Cordialement.

4 Publié par Visiteur
05/08/2018 13:17

Bonjour Maitre,
merci pour votre réponse, je vais ici, juste faire un constat que certainement d'autres anciens fonctionnaires partageront avec moi.
Quand on est révoqué pour des violences (sphère privée ) sans aucun antécédent disciplinaire avec de bons états de service, et sans peine complémentaire il est difficile voire impossible de rebondir. J'ai passé une dizaine d'entretiens et quand je tais les raisons de mon départ de mon ancien ministère, ça devient louche et quand je décide d'être limpide, les employeurs pensent que je peux potentiellement représenter un danger.je commence à perdre mon énergie du départ et me rend compte que la réinsertion d'anciens fonctionnaires révoqués est beaucoup plus compliquée qu'il n'y parait.
Dans mon cas la seconde chance ne m'est pour l'instant pas donnée et je pense que tout le monde y a droit ,au moins une fois dans sa vie.
Beaucoup d'anciens condamnés ont pu revenir aux affaires et je pense que ça devrait pouvoir se généraliser (quand ça arrive une fois).
Peut-être que l'avocat que vous êtes a un avis sur la question.
Cordialement

5 Publié par Visiteur
05/08/2018 13:34

(…)des personnes ayant eu une condamnation et qui réussissent à occuper un emploi public (Cahuzac par ex)..

6 Publié par Visiteur
22/08/2018 15:04

Bonjours maître . est-ce que un fonctionnaire de mairie peu être sanctionné pour avoir refusé de saluer un autre fonctionnaire . cordialement

7 Publié par Maitre Anthony Bem
22/08/2018 17:25

Bonjour Isabella,

Je ne pense pas qu’un fonctionnaire puisse être valablement sanctionné pour avoir simplement refusé de saluer un autre fonctionnaire.

Cordialement.

8 Publié par Visiteur
06/09/2018 14:15

Bonjour Maitre,
je ne pense que l'on puisse ici faire des commentaires ,mais je partage les inquiétudes et les questions légitimes de Moise sur les sanctions, s'agissant surtout de révocation quand il s'agit de faits privés, que l'agent n'ait jamais fait l'objet de procédure disciplinaire et qu'il ait toujours été bien noté; mon frère est dans ce cas et effectivement, l'actualité nous fait parfois penser qu'il y a deux poids deux mesures.

J'ai toutefois une question: pensez-vous que légalement un agent révoqué de la fonction publique peut obtenir un CDI (droit privé) ou devenir contractuel dans une administration publique; je pose la question ,car vu que le gouvernement vous contractualiser plus de postes dans l'administration, peut-être que des gens comme mon frère pourront y retourner car effectivement leur réinsertion n'est pas simple.

Merci par avance

9 Publié par Maitre Anthony Bem
06/09/2018 14:23

Bonjour Patrice,

Je ne pense pas qu’il soit possible de retourner dans la fonction publique après une révocation, quelque soit le statut.

Cordialement.

10 Publié par Visiteur
07/09/2018 18:57

Bonjour Maitre,
merci pour votre réponse.
Comme vous l'avez précédemment indiqué dans une de vos interventions,l'on se rend malheureusement compte qu'une révocation est plus lourde de conséquences qu'un licenciement. C'est dommage, pour des gens qui, pour la plupart ont travaillé dur et on de bons états de service.

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