Quand des sanctions existent, autant les appliquer.
Face au fléau des dépôts sauvages, incivilités toxiques pour l’environnement, une mairie (ou un EPCI en vertu de la police spéciale) est-elle obligée d’intervenir ?
L’article L.541-3 du Code de l’environnement est très clair : lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement au règlement de collecte, « l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés » et diligente une procédure en plusieurs temps, mise en demeure puis, faute de satisfaction à l’injonction, des sanctions qui peuvent prendre plusieurs formes.
L’emploi du présent de l’indicatif (« l’autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise ») semble démontrer que la Mairie n’a pas le choix et ne peut choisir d’agir qu’en cas de grave atteinte à l’environnement.
Considérer que l’action de la mairie est facultative, et laissée à l’appréciation, ne montre pas une grande volonté de lutte contre les dépôts sauvages.
A l’inverse, considérer que la Mairie doit agir partout, tout le temps et automatiquement, oblige le Maire à poste un policier municipal derrière chaque poubelle, ou presque.
La question de la portée de l’obligation d’intervention n’est donc pas simple à déterminer.
Dans un dossier se déroulant dans le Var, des déchets avaient été entreposés sur un terrain privé. La mairie n’était pas intervenue, malgré les demandes. Le Tribunal administratif de Toulon puis la Cour administrative d’appel de Marseille avaient donné raison à la Commune, se contentant d’un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation au regard de la gravité de l’atteinte portée à l’environnement. Traduction : le tribunal contrôle a minima l’attitude de la mairie. Si l’atteinte à l’environnement est légère, le Tribunal n’ira pas rechercher d’obligation particulière d’intervention.
Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’Etat, plus haute juridiction administrative, apprécie la situation tout autrement : « en se bornant à rechercher si l’abstention du maire était entachée d’erreur manifeste, alors qu’il lui appartenait d’exercer un plein contrôle » sur le respect de l’obligation de sanctionner les contrevenants via la procédure mise en place par l’article L.541-3 du Code de l’environnement (CE, 13 octobre 2017, n°397031).
Autrement dit, le maire est obligé d’intervenir afin de faire respecter la législation, et cette obligation est pleinement contrôlée par le juge administratif.
Dans un arrêt du Tribunal administratif de Nancy du 19 novembre 2024, des requérants avaient ainsi reproché à un maire son abstention dans une situation complexe d’amas de déchets sur plusieurs années.
Le Tribunal déboute les requérants, mais au terme d’une analyse concrète et complète de la situation, dans laquelle le maire avait justifié de plusieurs interventions au fil des ans, certes pas totalement couronnées de succès, mais qui avaient tout de même conduit à plusieurs enlèvements de déchets, soit par accord amiable, soit après des plaintes (TA Nancy, 19 novembre 2024, n°2201478).
Le maire a donc une obligation d’intervenir. Reste à savoir si l’obligation d’intervention est de moyen ou de résultat : gageons que les prochaines décisions relatives à cette jurisprudence balbutiante seront source de précisions instructives.
Mon cabinet se tient à votre disposition pour toute question et intervient dans toute la France.
Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux