Frapper au porte-monnaie, est-ce la seule méthode pour contribuer à sauver la planète ? Toujours est-il que la lutte contre les dépôts de déchets sauvage passe de plus en plus par la répression, faut, probablement, de prise de conscience suffisamment généralisée.
A côté de l’arsenal pénal des contraventions, les maires et/ou présidents de communautés de communes peuvent dresser des amendes de nature administrative.
La mairie est même obligée d'intervenir et son abstention peut engager sa responsabilité.
Ecologie punitive pour ses détracteurs, seul moyen de lutter contre les incivilités du quotidien pour les autres, toujours est-il que le maire et/ou président de l’EPCI tire ses pouvoirs de l’article L.541-3 du Code de l’environnement.
On ne reviendra pas en détail sur la notion juridique de déchet, défini très largement par le même Code (art L.541-1-1) comme « toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire ».
En cas de dépôt sauvage de déchets, c’est-à-dire de dépôt de déchet ne respectant pas les règles de collecte, l’autorité de police compétente, une fois qu’elle a identifié la personne dont elle pense qu’elle est l’auteur des faits, commence par transmettre un courrier au producteur ou au détenteur des déchets des faits qui lui sont reprochés et des sanctions qu’il encourt.
Dans ce courrier, il doit encore informer la personne identifiée qu’elle peut présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix.
Enfin, toujours dans ce même courrier, l’autorité de police compétente peut lui ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 € et le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.
Si, au terme du délai mentionné dans ce courrier de mise en demeure, la personne n’a pas obéi à cette injonction, le maire ou le président de l’EPCI peut alors prononcer l’une des sanctions suivantes :
1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l'exécution de ces mesures.
Cette somme bénéficie des règles de recouvrement du privilège du Trésor et peut faire l’objet d’un avis à tiers détenteur.
2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ;
3° Suspendre le fonctionnement des installations et ouvrages, la réalisation des travaux et des opérations, ou l'exercice des activités qui sont à l'origine des infractions constatées jusqu'à l'exécution complète des mesures imposées et prendre les mesures conservatoires nécessaires, aux frais de la personne mise en demeure ;
4° Ordonner le versement d'une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € courant à compter d'une date fixée par la décision jusqu'à ce qu'il ait été satisfait aux mesures prescrites par la mise en demeure. Le montant maximal de l'astreinte mise en recouvrement ne peut être supérieur au montant maximal de l'amende applicable pour l'infraction considérée ;
5° Ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 150 000 €. La décision mentionne le délai de paiement de l'amende et ses modalités. L'amende ne peut être prononcée plus d'un an à compter de la constatation des manquements.
Le dépôt sauvage peut donc coûter extrêmement cher à son auteur, lequel bénéficie tout de même de la garantie du contradictoire au stade de la mise en demeure. Il peut fournir ses explications, éventuellement assisté d’un avocat.
Il a été jugé au passage que cette mise en demeure ne présente pas de caractère décisoire et ne peut faire l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal administratif (TA Nancy, 19 novembre 2024).
En revanche, la décision de sanction elle-même peut parfaitement être contestée devant la juridiction administrative. Les voies et délais de recours doivent d’ailleurs être indiqués dans la décision.
Un recours gracieux peut également être intenté.
Plusieurs jugements rendus récemment sont venus préciser les dispositions légales et initier une ébauche de régime jurisprudentiel de la répression des dépôts sauvages.
Notamment, l’un des problèmes récurrent tient à l’identification de l’auteur du dépôt.
Concrètement, un agent assermenté fouille la poubelle à la recherche d’identification, par exemple de factures.
Mais est-ce que la présence d’une facture dans une poubelle permet à coup sûr d’identifier l’auteur du dépôt sauvage ?
Même si la procédure est purement administrative, et non judiciaire, il convient tout de même d’être rigoureux en terme de preuve.
Ainsi, par jugement du 20 janvier 2025, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’amende de 145 euros édictée par la commune de Metz à la charge du requérant, dont l’adresse figurait sur l’emballage d’un magazine dans un sac poubelle déposé hors du point d’apport volontaire enterré.
Le requérant avait présenté ses observations, lesquelles n’avaient pas convaincu la commune, si bien que le requérant avait dû saisir le tribunal administratif. Ce dernier lui a donné raison : à la date de la découverte du sac plastique, le requérant avait déménagé depuis un an !
Le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a quant à lui débouté une requérante qui estimait que le fait qu’un courrier adressé à cette dernière constituait une preuve suffisante de l’identification de l’auteur du dépôt, bien que cette dernière avançait que les courriers avaient été déposés par des personnes ayant fouillé les poubelles (TA Cergy-Pontoise, 29 octobre 2024).
Le Tribunal administratif de Poitiers a eu à se prononcer sur un cas fréquent, celui dans lequel le requérant démontre qu’il n’était pas présent au moment où le dépôt sauvage est constaté. S’il est absent, c’est que, plaidait le requérant, il n’a pas pu déposer le sac poubelle, si bien qu’il n’est pas l’auteur du dépôt sauvage, quand bien même des éléments d’identification se trouveraient dans la poubelle. Ce raisonnement n’a pas convaincu le Tribunal : celui-ci a estimé qu’il lui appartenait, avant de quitter son domicile, de vérifier que le sac avait été ramassé (TA Poitiers, 9 mai 2023).
Enfin, devant le Tribunal administratif de Rouen, un habitant havrais contestait une amende de 2 000 euros suite au dépôt de déchets sur un terrain communal. La requérante arguait d’une certaine bonne foi : elle indiquait que la déchèterie était fermée, qu’elle ne pouvait pas conserver les déchets dans sa voiture, et qu’elle avait cru déposer ses dépôts dans un terrain connu et géré par la commune. Le Tribunal l’a déboutée, estimant que ces éléments de bonne foi sont sans incidence sur la légalité de la décision de sanction (TA Rouen, 17 septembre 2024).
La jurisprudence sur les dépôts sauvages en étant à son balbutiement, il va être intéressant de suivre les prochaines décisions.
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Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux
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