Selon l’article L.311-4 du Code de l’Action Sociale et des Familles, le Contrat de séjour est élaboré avec la participation de la personne accueillie ou de son représentant légal et définit les objectifs et la nature de la prise en charge ou de l’accompagnement dans le respect des principes déontologiques et éthiques, des recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du projet d’établissement ou de service. Il détaille la liste et la nature des prestations offertes ainsi que leur coût prévisionnel.
Au même titre que le règlement de fonctionnement, le contrat de séjour garantit l’exercice des droits de l’usager d’une maison de retraite.
Mais, jusqu’alors, aucune disposition légale ou règlementaire n’envisageait la résiliation du contrat de séjour en EHPAD- ni dans les autres établissements et services médico-sociaux concernés.
La problématique de la résiliation du contrat de séjour recouvre pourtant des enjeux délicats. Quelles décisions prendre face à un usager violent qui met en péril les autres résidents ? Quelle décision prendre face à un usager qui cesse de régler ses frais d’hébergement ? Comment garantir des procédures sans risque d’arbitraire ?
La loi ASV vient désormais encadrer la situation. L’article 27 introduit de nouvelles dispositions dans le Code de l’action sociale et des familles, qui définissent précisément les motifs pouvant justifier la rupture du contrat de séjour, aussi bien à l’initiative du résident (I), que de la maison de retraite (II).
- La résiliation du contrat de séjour à l’initiative de l’usager
Nouvelle illustration du rapprochement entre le droit médico-social et le droit de la consommation, un droit de rétractation est désormais offert à l’usager après l’accueil.
Sur la forme, l’écrit est requis afin d’exercer le droit de rétractation.
L’auteur de l’acte peut être la personne accueillie elle-même ou son représentant légal.
Le délai de rétractation est de quinze jours, à compter de la signature du contrat, ou à compter de l’admission si celle-ci est postérieure à la signature.
Aucun préavis ne peut être opposé à l’usager. La seule contrepartie exigible est l’acquittement du prix de la durée de séjour effectif.
Ensuite, après le terme du délai de rétractation, la personne accueillie ou son représentant légal peut résilier le contrat de séjour à tout moment.
Il s’agit d’une décision discrétionnaire qui n’a pas à être motivée et qui n’est pas susceptible de contestation de la part de l’établissement.
L’écrit est imposé à titre de formalisme.
A compter de la notification de la résiliation du contrat au gestionnaire de l’établissement, la personne accueillie dispose d’un délai de réflexion de 48 heures, pendant lequel elle peut retirer sa décision sans davantage être tenue de justifier d’un motif.
Ce délai de réflexion s’impute sur le délai de préavis qui peut lui être opposé.
Ledit délai de préavis doit être prévu au contrat de séjour mais ne saurait en tout état de cause dépasser une durée d’un mois (décret du 27 mai 2016 n°2016-696). Il peut en revanche être inférieur au délai d’un mois.
Toute clause qui obligerait l’usager à verser des frais pour des périodes postérieures à son départ serait immanquablement qualifiée d’abusive (Recommandation 08-02 9° de la Commission des Clauses abusives).
- La résiliation du contrat de séjour à l’initiative de l’EHPAD
La question de la résiliation du contrat de séjour à l’initiative de la maison de retraite, illustrée notamment ces dernières années par la très médiatique affaire de Chaville, ne faisait pas non plus l’objet d’une quelconque disposition normative.
Jusqu’ici, le seul encadrement était l’œuvre de la Commission des clauses abusives de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, laquelle avait publié deux recommandations (n°85-03 BOCCRF du 4 novembre 1985 et n° 08-02 du 23 avril 2008).
Ont notamment été reconnues abusives les clauses suivantes
- Clause de résiliation du contrat en cas d’inexécution par le consommateur de ses obligations, notamment le retard de paiement, qui prendrait effet moins d’un mois après mise en demeure de s’exécuter par lettre recommandée avec avis de réception
- Clause permettant à l’EHPAD de résilier le contrat sans préavis, et en l’absence d’avis médical attestant de l’impossibilité définitive pour l’intéressé de résider dans l’établissement
- Clause permettant à l’EHPAD de résilier un contrat pour des motifs autres que sérieux et légitimes
Etaient considérés comme sérieux et légitimes les motifs tels que
- Non-paiement des frais de séjour
- Inadaptation de l’état de santé du résident aux possibilités d’accueil de la structure
- Incompatibilité du comportement du résident avec la vie au sein de l’établissement.
- Non-respect du règlement de fonctionnement
Il avait été précisé que le non-respect du règlement de fonctionnement pouvait s’entendre non seulement du fait du résident lui-même, mais également du fait du tuteur de la personne accueillie en institution lorsque celui-ci avait signé le contrat (CA Paris, 6 mai 2010, n° 07/19333).
La loi ASV a conféré un statut légal à ces motifs.
Ainsi, désormais, la résiliation du contrat par le gestionnaire de l'établissement ne peut intervenir que dans les cas limitativement énumérés à l’article L.411-4-1 III du CASF :
- En cas d'inexécution par la personne accueillie d'une obligation lui incombant au titre de son contrat ou de manquement grave ou répété au règlement de fonctionnement de l'établissement, sauf lorsqu'un avis médical constate que cette inexécution ou ce manquement résulte de l'altération des facultés mentales ou corporelles de la personne accueillie ;
- En cas de cessation totale d'activité de l'établissement ;
- Dans le cas où la personne accueillie cesse de remplir les conditions d'admission dans l'établissement, lorsque son état de santé nécessite durablement des équipements ou des soins non disponibles dans cet établissement, après que le gestionnaire s'est assuré que la personne dispose d'une solution d'accueil adaptée.
En toute hypothèse, la structure est tenue de respecter un délai de préavis d’un mois (décret du 27 mai 2016 n°2016-696 relatif aux résidences autonomies et portant diverses dispositions relatives aux établissements et services médico-sociaux pour personnes âgées).
Mais, si désormais le délai de préavis en faveur de l’usager en cas de résiliation à l’initiative de l’EHPAD ne saurait être inférieur à un mois, il est possible que le contrat de séjour puisse prévoir une durée supérieure à un mois.
En considération du parallélisme des formes, la durée de ce préavis ne peut être inférieure à la durée maximale du délai de préavis applicable à la résiliation du contrat à la demande de la personne accueillie ou de son représentant légal.
L’un des cas fréquents de résiliation concerne les impayés des frais d’hébergement à la charge des résidents dans les établissements non-habilités à l’aide sociale. Il ne fait aucun doute à la lecture des dispositions précitées que les impayés de frais d’hébergement constituent un motif de résiliation du contrat de séjour aux termes de la loi ASV, comme tel était le cas auparavant.
Désormais, seul un avis médical constatant que les impayés résultent de l’altération des facultés mentales ou corporelles de la personne accueillie serait susceptible d’empêcher la résiliation du contrat de séjour.
Par ailleurs, la loi ASV a innové en ce qui concerne la problématique des impayés, en modifiant le champ des recours contre les obligés alimentaires.
En effet, jusqu’alors, seuls les établissements publics pouvaient saisir la justice afin d’exercer un recours contre les obligés alimentaires. Désormais, l’article L.314-12-1 du Code de l’Action Sociale et des Familles ouvre le recours aux établissements et services sociaux et médico-sociaux privés.
En conclusion, si la loi ASV confère incontestablement de nouveaux droits aux résidents, notamment en clarifiant la question de la résiliation du contrat de séjour, elle sécurise également les établissements privés en terme de lutte contre les impayés.
Me Sylvain Bouchon
Avocat droit médico-social