Mutation, mobilité, mise à disposition… Plusieurs cadres juridiques permettent d’organiser la mobilité professionnelle des fonctionnaires.
Le détachement est l’une de celles-ci. Il fait partie des quatre positions des fonctionnaires avec l’activité, la disponibilité et le congé parental.
Le détachement se définit comme la position du fonctionnaire hors de son corps ou de son cadre d’emplois d’origine, mais continuant à bénéficier, dans ce corps ou cadre d’emploi, de ses droits à l’avancement et à la retraite.
Le détachement doit être autorisé et ne peut être refusé que pour des motifs fort limités.
Il s’effectue dans un corps/cadre d’emploi de même catégorie et de niveau comparable.
Le détachement peut être court (6 mois maximum, un an dans les collectivités d’outre-mer ; non-renouvelable), ou long, d’une durée maximum de cinq ans, renouvelable et qui a vocation à déboucher sur l’intégration dans l’administration d’accueil.
C’est en matière de détachement long que se posent plusieurs questions. Est-il possible d’y mettre un terme ? Qui peut y procéder et pour quel motif ? Si tout se passe bien, le fonctionnaire a-t-il un droit automatique à l’intégration dans l’administration d’accueil ? Qu’est-ce qu’il advient si le détachement est révoqué mais qu’il n’y a pas de poste dans l’administration d’origine ?
Essayons d’y voir plus clair, tout en précisant que les règles ci-après sont des règles générales qui peuvent ne pas correspondre exactement à la multitude de situations rencontrées et de statuts particuliers.
Cas n°1 : le fonctionnaire est intégré dans le corps ou cadre d’emploi du détachement.
Cette configuration est la plus logique et correspond à la situation où le détachement se passe bien.
Cette situation est de loin la plus simple mais pour autant, plusieurs questions ont pu se poser quant aux modalités concrètes de l’intégration.
La Loi du 3 août 2009 prévoit que le fonctionnaire détaché « qui est admis à poursuivre son détachement au-delà d’une période de cinq ans se voit proposer une intégration dans ce corps ou cadre d’emploi ».
On déduit de cette formulation que le fonctionnaire doit être autorisé à renouveler son détachement, ce qui ouvre la porte à l’intégration.
Mais autorisé par qui ? Concrètement, le fonctionnaire doit informer son administration d’origine de son souhait de renouveler le détachement, ainsi qu’à son administration d’accueil.
Si le renouvellement est accordé, l’intégration est de droit et l’organisme d’accueil doit proposer l’intégration. Le fonctionnaire peut toujours refuser ; en ce cas, il sera « simplement » en détachement. Rien n’interdit non plus à l’administration d’accueil de proposer l’intégration avant le terme du premier détachement de cinq ans.
Mais quid si l’administration d’accueil qui a accepté le renouvellement ne propose pas l’intégration ?
Par hypothèse, dans ce cas, le fonctionnaire a passé plus de cinq ans dans l’administration d’accueil.
Il a donc le droit à l’intégration. Lorsqu’il en fait la demande, l’administration ne peut pas lui refuser : le simple fait d’avoir passé cinq années vaut reconnaissance d’aptitude aux fonctions, et rend l’agent intégrable. L’intégration est donc de droit (Conseil d’Etat, 19 septembre 2014, n° 371098).
Cas n°2 : Réintégration dans le corps/cadre d’emplois d’origine à la demande du fonctionnaire
Le fonctionnaire peut prendre l’initiative de formuler sa demande de réintégration dans son administration d’origine au moins trois mois avant la fin de son détachement.
Le fonctionnaire non-renouvelé mais qui a agi régulièrement avec son administration d’accueil est « récompensé ».
Il est réintégré immédiatement dans son corps/cadre d’emplois d’origine, et retrouve une position d’activité. Au besoin, il est réintégré en surnombre, et affecté à un emploi correspondant à son grade.
Le surnombre devra être résorbé à la première vacance qui s’ouvrira dans le grade en question.
En situation de surnombre, le fonctionnaire a droit à son traitement à compter de la date d’expiration de son détachement, sans que l’administration ne puisse lui opposer l’absence de service fait (Conseil d’Etat, 25 juillet 1975, n°95717, Sieur Mazeau).
Cas n°3 : Réintégration dans le corps/cadre d’emploi d’origine par l’administration
Contrairement au cas n°2, dans ce cas, le fonctionnaire dont le détachement n’a pas été renouvelé n’a pas sollicité sa réintégration.
Cette absence de demande de réintégration le place dans une situation moins favorable : il est réintégré obligatoirement, mais seulement à la première vacance ou à l’une des trois premières vacances. Contrairement au cas n°2, il n’est pas question de réintégration en surnombre et de rémunération sans service fait (Conseil d’Etat, 21 octobre 2016, n° 380433).
Lorsqu’il n’existe aucun emploi vacant, le fonctionnaire peut être placé en disponibilité d’office (notamment dans la fonction publique hospitalière : Conseil d’Etat, 17 novembre 2008, n°3066670).
Cas n°4 : La révocation ou fin anticipée du détachement
Sur ce point, la jurisprudence est très claire : l’administration peut toujours mettre fin à tout moment au détachement et le fonctionnaire n’a aucun droit au maintien de son détachement (Conseil d’Etat, 31 mai 1989, n°70096).
Le motif justifiant la révocation du détachement doit être lié à l’intérêt du service, par définition dans l’administration d’accueil (Conseil d’Etat, 30 janvier 2015, n° 374772).
Le Juge exerce un contrôle restreint limité à l’erreur manifeste (même arrêt).
La jurisprudence a encore précisé que seule l’administration d’origine avait seule le pouvoir de mettre fin à un détachement (Conseil d’Etat, 21 Octobre 2016, n° 380433).
Le fonctionnaire ne peut pas mettre fin lui-même au détachement : il doit en solliciter la fin anticipée auprès de son administration d’origine.
De même, l’administration d’accueil ne peut pas elle-même mettre un terme au détachement.
Toutefois, l’administration d’origine doit faire droit à la demande de fin anticipée qui émane du fonctionnaire ou de l’administration d’accueil.
L’administration d’accueil, en revanche, conserve le droit de refuser le renouvellement du détachement (TA Rennes, 4 novembre 2022, n°2001023).
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Me Sylvain BOUCHON
Avocat au Barreau de Bordeaux
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