Un club de football est-il responsable des mauvais actes de ses supporters ? Cette question est tranchée et ne fait plus débat : oui, un club de foot est responsable des méfaits commis par ses supporters, du moins à l’intérieur d’un stade. Il encourt donc des sanctions disciplinaires en cas de débordement. On peut considérer que cette règle est sévère pour un club, qui se voit confier une obligation de répondre aux agissements de personnes qui ne sont pas juridiquement sous sa garde : toujours est-il que les règlements et la jurisprudence ne laissent pas de place à l’ambiguïté.
I) Le club est responsable même sans faute
Le règlement de la LFP (Ligue de Football professionnel) est très clair : « le club visité est tenu pour responsable des incidents qui peuvent se produire dans l’enceinte du stade du fait de l’attitude de ses joueurs, éducateurs, dirigeants et des spectateurs ».
Toujours selon ledit règlement, l’obligation qui pèse sur le club en matière de sécurité et de bon déroulement des rencontres est de résultat : en clair, en cas de problème de sécurité, le club sera tenu pour responsable quand bien même il démontrerait qu’il n’a pas commis de faute dans l’organisation. En droit, on appelle cela une responsabilité objective : en cas de préjudice, le débiteur de l’obligation de sécurité est forcément tenu pour responsable en cas de préjudice, quand bien même personnellement il n’y est pour rien.
Point à la ligne.
Ce sont exactement les mêmes dispositions qui figurent dans les règlements de la Fédération Française de Football, et qui sont applicables dans le monde du football amateur.
La Commission de discipline de la LFP, ou de la FFF, est alors compétente pour établir les responsabilités et définir les sanctions.
A noter que le club est responsable disciplinairement, mais pas civilement : en principe ce n’est pas au club, sauf cas très particulier, de procéder à l’indemnisation des éventuelles victimes. Le club n’est tout de même pas considéré comme « gardien » de ses supporters au sens civil du terme.
Enfin, le club visiteur est responsable de ses propres supporters à l’extérieur. A chacun sa croix, en quelque sorte.
A noter que ces statuts internes à la FFF et à la LFP ont une valeur consacrée par la Loi : l’article L.331-1 du Code du Sport donne aux fédérations le pouvoir légal d’édicter des règlements relatif à l’organisation des manifestations sportives.
Être tenu responsable sans faute, c’est une chose ; être sanctionné sans faute en est une autre.
II) L’absence de faute diminue la sanction
Le règlement de la LFP prévoit une méthodologie précise à l’attention de la commission de discipline dans la recherche de la sanction la plus juste en cas de manquement à l’obligation de résultat en ce qui concerne la sécurité et le bon déroulement des rencontres.
Si le club est responsable même s’il n’a pas commis de faute, l’absence de faute lui vaudra assurément une sanction plus clémente.
Ainsi, la commission de discipline devra tout d’abord « prendre en compte les mesures de toute nature effectivement mises en œuvre par le club poursuivi pour prévenir les désordres ».
Plus un club aura été diligent en matière de sécurité, moins il sera sanctionné.
Mais ce n’est pas le seul critère ; ce qui se passe après l’incident est également scruté de près.
La Commission de discipline apprécie également les mesures prises par le club pour faire cesser l’incident.
Ainsi, l’Olympique Lyonnais, à la suite d’un jet de bouteille contre un joueur de l’Olympique de Marseille en novembre 2021 avait-il obtenu une sanction relativement clémente (1 point de retrait + match contre l’OM à rejouer à huis clos à domicile et huis-clos pour un autre match) en ayant permis l’identification de l’auteur des faits et donné la possibilité que celui-ci soit sanctionné par la justice pénale. En juin 2023, les Girondins de Bordeaux ont eu la même réaction en déposant plainte contre le supporter suspecté d’avoir violenté un joueur du Rodez Aveyron Football – présumé innocent au moment de la rédaction de cet article.
Le règlement de la LFP précise expressément que l’instance disciplinaire apprécie la gravité des fautes commises par le club au regard des éléments évoqués et détermine des sanctions proportionnées à ces manquements.
Ce même texte précise encore que la gravité des actes commis doit être appréciée dans la mesure ou elle est la conséquence des carences du club. Ainsi, la gravité d’un acte commis par un supporter n’est pas en tant que telle un motif d’alourdissement de la sanction à l’encontre d’un club : la commission est invitée à tenir compte de la causalité entre le manquement du club et la gravité de l’acte dans la détermination de la sanction.
Tous ces termes et concepts se retrouvent dans les règlements de la FFF, dont ils sont d’ailleurs la réplique exacte.
En résumé, le régime de la responsabilité qui pèse sur les épaules d’un club de football est plus équilibré qu’il n’y paraît au premier coup d’œil. Il est forcément responsable, même sans faute de sa part, certes, mais la sanction doit être proportionnée à la faute commise. Les règlements offrent donc une porte de sortie au club, même minime, en l’absence de faute de leur part. Il convient probablement de s’en réjouir : quoi qu’on puisse en dire, il est quand même complexe de prévenir et garantir des comportements individuels souvent imprévisibles dans un contexte de tension et de passion exacerbées.
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Me Sylvain Bouchon
Avocat au Barreau de Bordeaux
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