Droit du foot : définition juridique du supporter et responsabilité du club visiteur

Publié le Modifié le 20/09/2024 Vu 1 265 fois 0
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Dans un arrêt du 18 juillet 2024, le Conseil d’Etat a donné une définition juridique au supporter de football et apporté des précisions importantes sur la responsabilité de club visiteur du fait de ses supporters.

Dans un arrêt du 18 juillet 2024, le Conseil d’Etat a donné une définition juridique au supporter de foot

Droit du foot : définition juridique du supporter et responsabilité du club visiteur

Interdiction de déplacement des supporters, interdictions de stade, clubs responsables sans faute de leurs supporters… Le domaine des supporters délaisse parfois les tribunes pour les tribunaux. D’où la nécessité d’appréhender cette notion de manière juridique.

 

I)                    La définition juridique du supporter de football

 

Aussi curieux que cela puisse paraître eu égard aux débordements récurrents des dernières années, aucun texte ni aucune jurisprudence ne définissait la notion de supporter.

On savait juste que le supporter est généralement un tiers au club de football de son cœur, et qu’il constitue le plus souvent une catégorie de spectateurs, encore que la qualité de supporter soit loin de se limiter au stade.

L’annexe 2 aux règlements fédéraux, relative à la discipline, mentionne bien le terme de supporter, mais sans le définir.  

Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 18 juillet 2024, est venu pallier ce vide juridique.

Le considérant 4 de la décision définit donc les supporters comme « les personnes qui, notamment par leur comportement, leur tenue vestimentaire, les accessoires portés, la détention de billets permettant d’accéder à une tribune ou une zone réservée ou les conditions d’organisation de leur venue, entendent marquer leur soutien à ce club »

Le supporter est la personne qui a un comportement d’encouragement, habillé aux couleurs du club, qui détient un billet permettant d’accéder à une tribune spécifique (ultra par exemple) ou dont le déplacement a été organisé.

Ces critères sont certainement non-cumulatifs : on peut penser qu’il suffit de remplir l’un de ces critères pour entrer dans la définition juridique de supporter. Faire le déplacement dans le bus officiel dans la tribune visiteur et chanter tout le match fait de vous un supporter même si vous ne revêtez pas le maillot du club.

Enfin, le Conseil d’Etat, par l’utilisation de l’adverbe « notamment », lequel résonne automatiquement comme un tilt aux oreilles des juristes, entend probablement indiquer que ces critères ne sont pas exhaustifs.

Cette définition du supporter enfonce des portes ouvertes aux yeux des habitués des stades ? Certes. Mais en droit, il faut toujours commencer par définir ce dont on parle.

En effet, ce qui est intéressant, ce n’est pas tant la définition en tant que telle, que le régime qui en découle, car les enjeux sont d’importance…

 

II)                  La responsabilité des clubs visiteurs du fait des supporters

 

La définition du supporter du Conseil d’Etat semble réalisée en opposition à la notion de « spectateur », qui, si l’on suit la logique de la Haute juridiction administrative, serait une personne présente au stade mais manifestant de manière plus discret son soutien à son club.

Le Conseil d’Etat semble opérer cette distinction tacite car les règlements généraux l’y obligent : en effet, ces derniers mentionnent les spectateurs et les supporters, mais sans les définir.

Mais au fond pourquoi Diable s’embêter à définir ces termes ?

La réponse est à chercher du côté de la responsabilité disciplinaire qui pèse sur les épaules des clubs de football.

Le club qui reçoit est responsable sans faute du comportement non seulement de ses supporters, mais également des spectateurs, à l’exclusion des supporters adverses.

Autrement dit, en cas d’incident dans le stade causé par un spectateur ou par un supporter du club qui joue à domicile, le club évoluant à domicile est automatiquement responsable des faits de cette personne sur un plan disciplinaire et risque des pénalités.

Pour le club à domicile, en terme de responsabilité, il n’y a pas de différence entre un spectateur et un supporter.

En revanche, le club qui joue à l’extérieur n’est responsable que des agissements de ses supporters, et non de « simples » spectateurs.

Il fallait donc bien définir la notion de supporter pour l’application des dispositions relatives à la responsabilité du club qui se déplace du fait de ses supporters.

Si l’acte est commis par un spectateur, le club visiteur ne sera pas responsable et ne risque pas de sanction ; si, en revanche, l’acte est commis par un spectateur, le club visiteur ne sera pas responsable. Le responsable sera le club qui joue à domicile.

D’où la nécessite de savoir précisément ce qui différencie le spectateur du supporter.

Dans l’arrêt en question, c’était toute la question.

A l’occasion d’un match de coupe de France féminine en 2020 entre l’Association Sportive Mazères-Uzos-Rontignon et le Paris Saint-Germain, des personnes avaient allumé des fumigènes dans les tribunes. Le PSG avait été sanctionné d’une amende administrative. Ces personnes n’avaient pas acheté leur billet via la billetterie du PSG, et n’avaient pas fait le déplacement avec les supporters du PSG, étant précisé que le PSG n’avait ni organisé ni autorisé de déplacement, ni mis de billet en vente. Les individus en question, en outre, ne portaient pas de maillot du PSG, le drapeau du club y figurait parmi d’autres et les noms sur la banderole ne correspondaient pas aux joueuses du PSG, ni au club local.

Faute de lien caractérisé entre les allumeurs de fumigènes et le PSG, la Cour Administrative d’appel avait annulé la sanction d’amende infligée par la Fédération Française de Football (7 000 euros).

Selon la Cour d’Appel, rien ne permettait donc de qualifier ces individus de supporters. Dès lors, s’agissant de simples spectateurs, le club local devait être tenu pour responsable.

Tel n’est pas l’avis du Conseil d’Etat, qui, pour trancher le litige, opte pour une définition large du supporter : en l'espèce, la zone où les fumigènes avaient été allumés était bien la zone visiteur spécialement aménagée pour les supporters du PSG, et les joueuses étaient venues les saluer à la fin de la rencontre. Cela suffit pour entrer dans la catégorie de supporter. 

La sanction du PSG était ainsi confirmée.

 

Notons que le Conseil d’Etat rappelle dans cet arrêt les bases de sa jurisprudence en matière de responsabilité disciplinaire des clubs visiteurs : certes, l’obligation du club visiteur est de résultat, mais il appartient au club à domicile d’assurer la police du terrain et de prendre toutes les mesures pour éviter les désordres de l’ensemble du public, y compris des supporters du club adverse. La détermination de la responsabilité et de la sanction du club visiteur doivent ainsi tenir compte des obligations spécifiques qui incombent à ce club en particulier, du fait qu’il ne maîtrise pas l’organisation de la rencontre. La FFF doit alors apprécier dans quelle mesure la gravité des actes commis par les supporters visiteurs est la conséquence des carences du club visiteur. 

Mon cabinet se tient à votre disposition pour toute précision ou toute action.

 

Me Sylvain Bouchon

Avocat au Barreau de Bordeaux

sylvain.bouchon@avocat.fr

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